AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS,
- LE COMITE D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL n° 4 DE L'ETABLISSEMENT X... CHARLES DE GAULLE DE LA SOCIETE AIR FRANCE,
partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 5ème section, en date du 9 février 2005, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'homicides et blessures involontaires, a statué sur la recevabilité de constitutions de partie civile ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que dans une information ouverte à la suite de l'effondrement du terminal 2 E de l'aérogare de Roissy, l'Union fédérale des aériens CFDT (UFA CFDT), le syndicat des pilotes de l'aviation civile (SPAC Air France), le syndicat des pilotes de ligne (SNPL) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n° 4 de l'établissement de la direction sol CDG de la société Air france (CHSCT n 4) se sont constitués parties civiles ; que le juge d'instruction a déclaré ces constitutions de parties civiles irrecevables ; qu'appel de cette décision a été formé par les parties civiles ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n° 4, pris de la violation des articles L. 236-1, L. 236-2, L. 411-11 du Code du travail, 2-1 et suivants, 85, 575, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail demandeur ;
"aux motifs que si l'article L. 236-2 du Code du travail prévoit notamment que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission de contribuer à la sécurité des salariés de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure et qu'il a également pour mission de veiller à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en cette matière, aucune disposition de la loi ne confie à ces comités une mission particulière pour ester en justice au nom des salariés ; que la recevabilité de la constitution de partie civile du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n° 4 doit donc être envisagée au regard des articles 2 et suivants du Code de procédure pénale ; que l'article 2 prévoit que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont souffert personnellement du dommage directement causé par l'infraction, qu'un intérêt quelconque à agir ne peut être regardé comme satisfaisant à cette condition ; qu'en l'espèce le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n° 4 ne justifie pas de la possibilité d'un préjudice en relation avec les infractions pénales, dont il aurait pu directement souffrir, son éventuelle responsabilité dans la réalisation du dommage qu'il qualifie de préjudice moral ne le plaçant pas du côté des victimes possibles mais celui du côté des auteurs possibles ; que la constitution de partie civile n'est pas possible pour les auteurs éventuels d'une infraction ; c'est donc avec raison que le juge d'instruction a donc déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n° 4 de l'établissement de la direction sol CDG de la société Air France ;
"alors, d'une part, que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui ont la personnalité, ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement ainsi qu'à l'aménagement de leurs conditions de travail et sont dotés, dans ce but, d'une possibilité d'expression collective des intérêts dont ils ont la charge ; qu'à ce titre, ils peuvent agir en justice tant en demande qu'en défense et se constituer partie civile ; qu'ayant relevé que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission de contribuer à la sécurité des salariés de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, et qu'il a également pour mission de veiller à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en cette matière, puis affirmer qu'aucune disposition de la loi ne confie à ces comités une mission particulière pour ester en justice au nom des salariés, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut porter plainte ou se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent, la constitution de partie civile étant recevable dès lors que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'ayant relevé qu'il y a dans la présente procédure, suffisamment d'indices de l'existence d'infractions, d'homicides et de blessures involontaires, puis s'agissant du demandeur que la recevabilité de la constitution de partie civile doit être envisagée au regard des articles 2 et suivants du Code de procédure pénale, que l'article 2 prévoit que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction, qu'un intérêt quelconque à agir ne peut être regardé comme satisfaisant à cette condition puis décidé qu'en l'espèce le demandeur ne justifie pas de la possibilité d'un préjudice en relation avec les infractions pénales, dont il aurait pu directement souffrir, la chambre de l'instruction qui a relevé que la mission du demandeur est de contribuer à la sécurité des salariés de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, ainsi que de veiller à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en cette matière, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
"alors, enfin, qu'en retenant que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne justifie pas de la possibilité d'un préjudice en relation avec les infractions pénales dont il aurait pu directement souffrir, son éventuelle responsabilité dans la réalisation du dommage qu'il qualifie de préjudice moral ne le plaçant pas du côté des victimes possibles mais de celui des auteurs possibles, que la constitution de partie civile n'est pas possible pour les auteurs éventuels d'une infraction sans préciser d'où il ressortirait une possible responsabilité pénale du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs hypothétiques et a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, si les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail institués par l'article L. 236-1 du Code du travail ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'entreprise ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de travail, et s'ils sont dotés, dans ce but, d'une faculté d'expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge, il n'en demeure pas moins que, pour se constituer partie civile en cours d'instruction, ils doivent justifier de la possibilité d'un préjudice direct et personnel découlant des infractions poursuivies, comme l'exige l'article 2 du Code de procédure pénale ;
Que tel n'est pas le cas en la cause, s'agissant de délits d'homicides et de blessures involontaires subis par des tiers à cet organisme ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, 85 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance ou contradiction de motifs, manque de base légale ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance du juge d'instruction et déclarer recevables les constitutions de partie civile de l'UFA CFDT, du SPAC Air France et du SNPL, l'arrêt énonce que les syndicats appelants représentent des salariés dont un certain nombre circulaient, dans le cadre de leur activité, dans le terminal où est survenu l'accident, que l'effondrement du bâtiment démontre que la sécurité des salariés était compromise et qu'ils étaient soumis à un risque grave et anormal ; que les juges ajoutent que les syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'ils retiennent encore que tel est le cas lorsque la sécurité des travailleurs est compromise ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, dès lors que les manquements, constitutifs des infractions poursuivies, ont pu compromettre la sécurité des travailleurs et causer ainsi un préjudice aux intérêts collectifs des professions représentées par les syndicats susvisés sans qu'il soit nécessaire qu'un des salariés représentés par ces syndicats ait subi un préjudice direct et personnel, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;