AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 02-20206 et n° A 02-20248 qui sont connexes ;
Sur le moyen unique de chacun des deux pourvois, pris en leurs diverses branches :
Attendu qu'en décembre 1993, la société française Debeaux a importé en France auprès de la société canadienne Cofranca, dont le siège est au Québec, des carcasses de cheval qu'elle a revendues à la société Barbaud ; que ces marchandises s'étant révélées impropres à la consommation, les victimes ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société Barbaud qui a appelé en garantie la société Debeaux et la société Cofranca, en liquidation judiciaire, ainsi que son assureur, la société Lombard, sise à Toronto (Canada) ; que le contrat d'assurance stipulait une clause limitant la garantie aux seuls cas "où la responsabilité de son assuré est établie par un jugement au fond rendu dans une région visée au a) -- (Canada, USA,) - ou par une entente à l'amiable recevant son accord écrit ;" que l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2002), statuant sur les appels en garantie, après avoir dit que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 était applicable au contrat conclu entre les sociétés Cofranca et Debeaux, a jugé que la société Cofranca était responsable des préjudices et tenue de garantir la société Debeaux elle-même tenue de garantir la société Barbaud ; que, déclarant recevable l'action directe de la société Barbaud contre la société Cofranca et son assureur, mais estimant que la clause d'exclusion était opposable à l'assuré comme aux tiers, la cour d'appel a mis hors de cause la société Lombard en rejetant les demandes de condamnation formées à son encontre ;
Attendu que la société Barbaud, devenue société Pegase et la société Debeaux font grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette clause opposable à leur égard, alors, selon le moyen :
1 / qu'est contraire à l'ordre public international et à l'ordre public communautaire, la clause d'une police d'assurance qui, en ce qu'elle refuse par principe tout effet à un jugement étranger, consacrant la responsabilité de l'assuré, méconnaît les principes de territorialité des règles de compétence, de souveraineté des Etats et de coopération dans l'ordre juridictionnel international; qu'en déclarant opposable à la société Barbaud, qui exerçait l'action directe, et valable une telle clause, qui aboutit à obliger la victime ou le tiers subrogé dans ses droits, à attraire l'assureur devant un Tribunal autre que celui du fait dommageable, la cour d'appel a méconnu ces principes, et violé les articles 9 et 12 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, ainsi que l'article 3 du Code civil ;
2 / que l'assureur peut être attrait devant le tribunal du fait dommageable, nonobstant toute clause contraire, et, en acceptant la compétence des juridictions françaises sans exciper de leur incompétence, la cour d'appel, en mettant hors de cause la compagnie Lombard, a violé les articles 9, 12 et 18 de cette même Convention ;
Mais attendu, d'abord, que les griefs tirés d'une violation de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sont inopérants dès lors que la contestation ne porte pas sur la détermination de la compétence juridictionnelle des tribunaux français mais seulement sur l'appréciation, au regard de l'ordre public international français, de la validité au fond de la clause de limitation de la garantie contractuelle stipulée au contrat d'assurance ; qu'ensuite, ayant relevé que la clause litigieuse laissait subsister dans le champ de la garantie les dommages ayant donné lieu à un jugement au fond rendu au Canada ou aux Etats-Unis d'Amérique, alors que rien ne faisait, ni ne fait toujours obstacle à l'exercice d'une telle action par la société Debeaux ou par la société Barbaud au Canada, puisque cette limitation contractuelle du champ de la garantie n'était pas abusive mais proportionnée au risque encouru, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'elle n'était pas contraire à l'ordre public international, ni même aux principes dont la violation est prétendue, de sorte que cette clause étant opposable à l'assuré et aux tiers, la société Lombard ne pouvait être condamnée en France ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à la société Pegase, aux droits des Etablissements Barbaud et à la société Debeaux la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Lombard ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille six.