AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE AGRONOR,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 29 septembre 2005, qui, pour infractions à la législation sur les installations classées, l'a condamnée à 30.000 euros d'amende pour le délit et 1.500 euros d'amende pour la contravention, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.3 a de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble des articles 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Agronor à la peine d'amende de 1.500 euros pour la contravention d'exploitation non conforme d'installation classée ;
"aux motifs que, visant une contravention de la cinquième classe, le fait poursuivi est parfaitement énoncé dans la citation, en application des dispositions de l'article 551, second alinéa, du Code de procédure pénale et la référence expresse à l'ensemble des prescriptions énoncées dans l'arrêté préfectoral d'autorisation permettait aux organes de la personne morale poursuivie de connaître les faits qui lui étaient reprochés, à savoir la violation d'un ensemble de prescriptions énoncées dans l'arrêté préfectoral ; qu'elle connaissait nécessairement et spécialement - mais non exclusivement - l'obligation pour l'établissement d'être aménagé, équipé et exploité de façon à éviter toutes nuisances, en particulier olfactives et auditives, au voisinage selon l'article 2-3 de l'arrêté ; que, de ce chef, la citation délivrée était bien conforme à sa fonction d'information de la personne poursuivie et aucune nullité ne peut être prononcée pour le motif allégué ;
"alors que tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet ; que ne satisfait pas à cette exigence la citation qui se borne à reprocher. au prévenu d'avoir omis de respecter les prescriptions énoncées par un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation et notamment des dispositions de l'article 2-3, sans identifier précisément la ou les prescriptions violées et qui n'énonçait aucun fait précis reproché au prévenu ; qu'ainsi la Cour viole les textes assortissant le moyen" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 514-11 Il du Code de l'environnement, de l'article 111-3 du Code pénal, de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des articles 6.3 a., 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de la légalité des délits et des peines, ensemble les articles 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Agronor à la peine d'amende de 30.000 euros pour le délit de poursuite d'exploitation d'une installation classée non conforme ;
"aux motifs qu'il en est de même du grief adressé à la qualification délictuelle de poursuite d'exploitation en méconnaissance d'un arrêté de mise en demeure dès lors que l'injonction de cessation des nuisances olfactives faisait nécessairement référence à la prescription de l'article 2-3 précité visant un aménagement, un équipement et une exploitation qui soient de nature à éviter toutes nuisances, ce qui constitue bien un ensemble de prescriptions techniques, et que la seconde injonction de respect des autres prescriptions fixées par l'arrêté préfectoral d'autorisation visait expressément des obligations nécessairement connues de l'exploitant ; qu'il convient de préciser que, ce qui lui est ici reproché n'est pas la seule poursuite de l'exploitation, mais la poursuite de l'exploitation en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté d'autorisation reprises par l'arrêté de mise en demeure ;
qu'enfin, l'inaptitude de l'arrêté de mise en demeure à fonder la poursuite ne peut être valablement soutenue ; qu'en effet, cet arrêté, en date du 20 juin 2003 et notifié le 23 juin suivant, a été pris en application des dispositions de l'article L. 514-1 1 du Code de l'environnement qui vise expressément le cas où il est constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, ce qui permet au préfet de mettre en demeure cet exploitant de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé ; que tel a été l'objet de cet arrêté préfectoral du 20 juin 2003 qui, n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 512-7, n'avait pas à prescrire la mise en oeuvre de remède ni a être précédé de l'avis de la commission départementale consultative ;
"et aux motifs du tribunal que l'arrêté de mise en demeure se réfère expressément aux travaux demandés à l'article 2- 3 de l'arrêté d'autorisation du 16 octobre 2003 afin d'éviter toutes nuisances, en particulier olfactive et auditive au voisinage ;
"alors que, d'une part, tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet ; que, ne satisfait pas à cette exigence la citation qui se borne à reprocher la poursuite d'une exploitation classée en dépit d'un arrêté de mise en demeure qui ne comportait aucune injonction précise et qui n'énonçait aucun fait précis reproché au prévenu ; qu'ainsi la Cour viole les textes assortissant le moyen ;
"alors que, d'autre part, seul le fait de poursuivre l'exploitation d'une installation classée sans se conformer à l'arrêté de mise en demeure d'avoir à respecter, au terme d'un délai fixé, les prescriptions techniques déterminées en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-9 ou L. 512-12 est puni de six mois d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende ; que l'article 1er de l'arrêté de mise en demeure du 20 juin 2003 se bornait à enjoindre la société Agronor "de faire cesser les nuisances olfactives dans un délai maximum de 1 mois à compter de la date de notification du présent arrêté" et "de respecter, sans délai, les autres prescriptions fixées par l'arrêté préfectoral d'autorisation du 16 octobre 2001 modifié le 19 novembre 2001" ; qu'ainsi ledit arrêté préfectoral ne comportait aucune mise en demeure d'avoir à respecter des prescriptions techniques déterminées, selon les textes ci-dessus rappelés ; d'où il suit qu'en estimant le délit constitué et en entrant en répression de ce chef, la Cour viole les textes assortissant le moyen ;
"alors que, d'autre part, en toute hypothèse, l'article 1er de l'arrêté portant mise en demeure du 20 juin 2003 n'opérait aucun renvoi à l'article 2-3 de l'arrêté du 16 octobre 2001 qui ne comportait au demeurant aucune prescription technique, mais se bornait à prévoir que "l'établissement devra être aménagé, équipé et exploité de façon à éviter toutes nuisances, en particulier olfactives et auditives, de voisinage ; l'établissement sera maintenu en bon état de fonctionnement" ; qu'il était ajouté que "l'ensemble du site sera maintenu propre et les bâtiments et installations entretenus en permanence ; qu'il sera apporté un soin particulier aux abords de l'établissement relevant de l'exploitant (plantations, engazonnement, etc.) ; tout brûlage à l'air libre est interdit ; une dératisation permanente doit être assurée ainsi qu'une désinsectisation aussi souvent que nécessaire" ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la Cour viole les textes assortissant le moyen" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Agronor exploite une usine de fabrication d'engrais et de supports de culture, installation classée autorisée par arrêté préfectoral du 16 octobre 2001 ; que, les 22 mai et 16 juin 2003, deux inspecteurs des installations classées ont dressé un procès-verbal constatant des odeurs âcres et putrides, incommodantes pour les populations voisines, et qu'ils ont invité l'exploitant à achever les travaux requis par un précédent rapport du 6 mars 2003 ; que, par un arrêté du 20 juin 2003, notifié le 23 juin suivant, la société Agronor a été mise en demeure par le préfet de faire cesser les nuisances olfactives dans le mois de la notification ; que cette société a été poursuivie du chef de la contravention d'inobservation des prescriptions techniques imposées par l'arrêté d'autorisation, ainsi que pour le délit consistant à ne s'être pas conformée à la mise en demeure dans le délai imparti ;
Attendu que, pour écarter les exceptions de nullité de la citation, la cour d'appel retient, d'une part, que celle-ci vise la violation des prescriptions de l'arrêté d'autorisation, dont les organes de la société ont nécessairement connaissance, et notamment des dispositions de son article 2-3 qui prévoient que l'établissement doit être aménagé, équipé et exploité de façon à éviter au voisinage toutes nuisances, en particulier olfactives et auditives, d'autre part, que l'arrêté préfectoral du 20 juin 2003, qui mettait l'exploitante en demeure de faire cesser les nuisances olfactives, se référait nécessairement aux conditions fixées par l'article 2- 3 de l'arrêté d'autorisation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la prévenue était informée de manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont elle était l'objet, la cour d'appel a justifié sa décision;
Qu'en effet, l'obligation d'équiper et d'exploiter une installation classée dans des conditions propres à éviter toutes nuisances olfactives au voisinage constitue une prescription technique au sens des articles L. 514-11, II du Code de l'environnement et 43, 3 , du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;