LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 122-4 et L. 122-14-1 du Code du travail, ensemble l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que M. X..., guide-interprète, a travaillé du 22 mai 1992 au 20 avril 1993, pour le compte de la société TP France, sous forme de vacations en fonction des besoins de l'employeur ; que, par arrêt du 26 mars 1996, la cour d'appel de Versailles a requalifié le contrat qui avait lié M. X... à la société TP France en contrat à durée indéterminée, et considéré que le salarié avait démissionné ; que M. X... s'est régulièrement pourvu en cassation contre cet arrêt, et son avocat a remis un mémoire ampliatif en qualité de mandataire ; que, par arrêt du 15 juillet 1998, la Cour de cassation a constaté la déchéance du pourvoi, au motif que le mandataire ne justifiait pas d'un pouvoir spécial ; que le salarié, par actes des 9 et 13 mars 2001, a saisi le tribunal de grande instance d'une action en responsabilité civile professionnelle à l'encontre de l'avocat, Me Y... ;
Attendu que, pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient notamment que le préjudice de M. X... s'analyse en une perte de chance dont le caractère réel et sérieux doit être apprécié au regard de la probabilité de succès de son pourvoi ; que, dans son mémoire, il faisait d'abord grief à la cour d'appel de ne pas avoir répondu à sa demande de versement de dommages-intérêts à hauteur d'un mois de salaire, fondée sur l'article L. 122-3-13 du Code du travail ; que l'omission de statuer sur une demande ne peut être réparée que selon la procédure prévue à l'article 463 du nouveau Code de procédure civile et ne donne pas ouverture à cassation ; que le pourvoi n'avait aucune chance d'aboutir sur ce point ; que M. X... reprochait ensuite à la cour d'appel d'avoir fait une interprétation erronée de sa lettre du 6 avril 1993 en ayant considéré qu'il avait démissionné, et de ne pas avoir tiré les conséquences de la requalification du contrat de travail ; que la cour d'appel, après avoir exactement relevé que la démission ne se présumait pas et devait résulter d'une volonté clairement exprimée par le salarié, a retenu qu'en faisant connaître à son employeur, aux termes d'une lettre du 6 avril 1993, son désir de s'inscrire aux ASSEDIC en raison de la baisse de son activité, liée à la recession économique, M. X... avait délibérément rompu le contrat de travail ; qu'en se fondant sur le texte de cette lettre dont elle n'a pas dénaturé la teneur, la cour d'appel a caractérisé la volonté de M. X... de démissionner et en a tiré les conséquences en le déboutant de sa demande d'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail, la requalification du contrat n'impliquant pas nécessairement que la rupture soit imputable à l'employeur ; que le pourvoi, relativement à ce moyen, n'avait aucune chance de succès ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié n'avait pas exprimé une volonté claire et non équivoque de démissionner, indiquant notamment qu'il s'était inscrit à l'ANPE par précaution et que, si l'employeur n'avait plus de travail à lui proposer, il devait procéder à son licenciement ce dont il résultait que le pourvoi du salarié avait des chances sérieuses d'aboutir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. Y... et les Mutuelles du Mans Assurances IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... et les Mutuelles du Mans Assurances à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille six.