AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Met, sur leur demande, hors de cause M. X... et M. Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a fait construire un navire de pêche en bois, qu'après avoir utilisé, il a vendu à la direction départementale de l'équipement, qui l'a elle-même revendu en 1994 à Mme Z... ; qu'après y avoir fait effectuer des travaux par M. A... et la société Etablissements A..., dont le liquidateur judiciaire est M. B... et l'assureur la société Axa France Iard, Mme Z... l'a revendu à M. X... ; que ce dernier a découvert une pourriture de la coque de ce bateau ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Axa France Iard et M. A... font grief à l'arrêt d'avoir condamné M. A..., assuré par la société Axa France Iard, à indemniser M. X..., "à raison des préjudices qu'il avait subis, du fait du pourrissement de pièces de bois du navire, se trouvant dans l'espace confiné entre la coque et le redan de la cale à poissons, dans lequel le réparateur n'était pourtant jamais intervenu", alors, selon le moyen :
1 ) que la mise en jeu de la responsabilité contractuelle d'une partie suppose l'existence d'un contrat la liant au demandeur ; que la cour d'appel, qui a retenu que M. A... avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. X..., pour avoir travaillé sur le navire litigieux, sans avertir Mme Z... du pourrissement affectant l'espace confiné situé entre la coque et le redan de la cale à poissons, alors qu'aucun contrat n'avait jamais lié le réparateur au dernier propriétaire du navire, a violé les articles 1147 du Code Civil (par fausse application) et 1382 du Code civil (par refus d'application) ;
2 ) que la contradiction entre deux motifs de fait équivaut purement et simplement à un défaut de motifs ; que la cour d'appel, qui a retenu, tout à la fois, que Mme Z... avait ignoré le vice affectant son navire faute, pour M. A..., de l'en avoir avertie, et que cette même Mme Z... n'avait pu ignorer l'existence de ces désordres, de sorte que M. X... pouvait lui opposer sa mauvaise foi, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) que la responsabilité d'un réparateur de navire, pour manquement à son devoir d'information et de conseil, ne peut être engagée que si une véritable faute peut être démontrée à son encontre ;
que la cour d'appel qui, après avoir énuméré les diverses factures de M. A..., lesquelles démontraient que celui-ci n'était jamais intervenu dans l'espace confiné se trouvant entre la coque et le redan de la cale à poissons - siège de la pourriture affectant le bois du navire - et que le réparateur n'avait effectué que de simples travaux d'entretien, la cale à poissons étant déjà stratifiée à même le bois de vaigrage (ce qui avait causé le pourrissement du bois), lors de l'achat du navire par la DDE, ce dont il résultait que M. A..., chargé de simples travaux de maintenance par Mme Z..., n'avait pu avoir connaissance de la dégradation de la coque, a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du Code civil ;
4 ) que la responsabilité d'un réparateur de navire doit être précisément caractérisée ; que la cour d'appel, qui a retenu la responsabilité de M. A..., pour avoir eu connaissance de l'état de pourriture de la coque du navire, sans en avoir averti son propriétaire et sans y avoir remédié, sans rechercher si les travaux de simple entretien qui lui avaient été demandés par Mme Z... concernaient l'espace confiné, situé entre la coque et le redan de la cale à poissons - siège des désordres du navire et auquel on ne pouvait accéder qu'en déposant les cloisons stratifiées de la cale à poissons - a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
5 ) que le manquement d'un réparateur à son devoir d'information et de conseil ne peut être retenu, sans faute de sa part ; que la cour d'appel, qui a retenu la responsabilité contractuelle de M. A... faute, pour lui, d'avoir averti Mme Z... de l'état de pourrissement d'une partie de la coque, sans rechercher si ce réparateur, intervenu pour de simples travaux d'entretien, aurait pu avoir connaissance de ces désordres, alors que plusieurs spécialistes hautement qualifiés - agents des affaires maritimes, commissaire d'avaries, dépêché par M. X..., et un représentant du chantier Bernard, chargé de contrôler l'état du bois de la cale à poissons - avaient procédé à un contrôle particulièrement minutieux du navire, avant sa vente à M. X..., ce dont il résultait que M. A... ne pouvait, à plus forte raison, avoir eu connaissance de désordres que plusieurs spécialistes n'avaient pas détectés, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
6 ) que la responsabilité d'un réparateur de navire doit être réellement établie ; que la cour d'appel, qui a retenu la responsabilité de M. A... faute, pour lui, d'avoir averti Mme Z... de l'état de pourriture d'une partie de la coque, sans rechercher si sa donneuse d'ordre n'avait pas elle-même reconnu, dans ses conclusions, que M. A... ne pouvait connaître l'état de l'espace se trouvant entre la coque et le redan de la cale à poissons, pour n'y être jamais intervenu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'acquéreur jouissant de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et disposant contre le réparateur de cette chose d'une action directe contractuelle fondée sur l'inexécution d'une obligation, la cour d'appel a exactement retenu que M. A... avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. X... ;
Attendu, en second lieu, que c'est par une motivation exempte de contradiction que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante mentionnée par la sixième branche, ayant relevé que les interventions de 1997 conduites par le chantier A... pour le compte de Mme Z... au niveau de la cale à poissons, tant sur le polyester que sur le pont, ont mis à jour obligatoirement des supports de charpente défectueux, ces désordres au vu des constatations étant existants avant l'achat par M. X..., en a souverainement déduit que M. A... et la société Etablissements A... ne pouvaient ignorer le défaut d'aération de l'espace compris entre la coque et le redan de la cale à poissons ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt, après avoir condamné solidairement Mme Z..., M. A... et la société Axa à payer à M. X... les sommes de 158 470,75 euros et de 113 384,62 euros, a condamné M. A... et la société Axa à garantir Mme Z... de toutes ses condamnations ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les responsabilités respectives de M. A... et de Mme Z... dans la réalisation du dommage subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. A... et la société Axa à garantir Mme Z... de toutes les condamnations prononcées contre elle, l'arrêt rendu le 22 janvier 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille six.