AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2003), que l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société Constructions industrielles de la Méditerranée (la société CNIM), dont les actions sont admises aux négociations sur le second marché d'Euronext Paris, a été convoquée à l'effet de statuer, à titre extraordinaire, sur la modification des statuts consistant à instituer un directoire et un conseil de surveillance et, à titre ordinaire, sur la désignation des premiers membres de ce conseil ; que les résolutions soumises au vote des actionnaires ont été adoptées après que le bureau de l'assemblée eut décidé de limiter à 10 % les droits de vote des sociétés Idi, Financière Bagatelle et Financière Neuilly Barrès, agissant de concert, en raison de l'inobservation de leur obligation légale de déclaration de franchissement de ce seuil ; que les sociétés du groupe Idi, soutenant que cette limitation était injustifiée, ont demandé la nullité des délibérations de l'assemblée générale ; que la société CNIM a reconventionnellement demandé que les droits de vote des sociétés du groupe Idi soient limités jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant les déclarations de franchissement de seuil qui seraient faites au conseil des marchés financiers et à la société ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés IDI, Financière Bagatelle et Financière Barrès font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande d'annulation des délibérations sociales, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article L. 233-7, alinéa 1, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date des faits, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, du cinquième, du tiers, de la moitié ou des deux tiers du capital et des droits de vote d'une société ayant son siège sur le territoire de la République et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, informe cette société dans un délai de quinze jours à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions de celle-ci qu'elle possède ; qu'en présence d'un texte clair, il n'appartient pas aux juges, sous couvert d'interprétation, d'ajouter à ses dispositions, de sorte qu'en décidant que la déclaration imposée par le texte susvisé devait contenir non seulement l'indication du nombre total d'actions de la société émettrice possédées par l'actionnaire ayant franchi l'un des seuils qui y sont mentionnés, mais encore celui de ses droits de vote, la cour d'appel, qui a ajouté au texte, en a violé les dispositions ;
2 / qu'aux termes de l'article L. 233-7, alinéa 1, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date des faits, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, du cinquième, du tiers, de la moitié ou des deux tiers du capital et des droits de vote d'une société ayant son siège sur le territoire de la République et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, informe cette société dans un délai de quinze jours à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions de celle-ci qu'elle possède ; que c'est le nombre d'actions possédées au jour de cette déclaration que doit déclarer l'auteur du franchissement de seuil ; qu'en décidant au contraire que la loi imposerait de se placer au jour du fait générateur de la déclaration, c'est-à-dire au jour du franchissement de seuil, la cour d'appel a derechef violé les dispositions du texte susvisé ;
3 / qu'aux termes de l'article L. 233-14, alinéa 1, du Code de commerce, à défaut d'avoir été régulièrement déclarées dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 233-7 les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée sont privées du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification ; que vaut régularisation de la notification la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'en retenant que ni la déclaration au Conseil des marchés financiers du 18 février 2000, ni celle faite auprès de cet organisme le 3 mai 2000, rendues publiques les 23 février et 5 mai 2000, n'étaient de nature à régulariser la déclaration omise lors du passage, de concert, du seuil de 10 % en droits de vote, bien qu'elle eût constaté que ces déclarations faites à l'occasion du franchissement des seuils de 20 % en capital et en droits de vote précisaient l'état des participations des quatre sociétés du groupe Idi, au demeurant non seulement en capital, mais encore en droits de vote, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard du texte susvisé qu'elle a violé ;
Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que le nombre d'actions et de droits de vote dont la loi impose la déclaration est celui qui est détenu au jour du franchissement de seuil et non au jour de la déclaration, l'arrêt relève que les sociétés Idi, Financière Bagatelle et Financière Neuilly Barrès, agissant de concert, ont franchi à la hausse, au mois de juin 1998, le seuil de 10 % des actions et des droits de vote de la société CNIM et que les déclarations faites aux mois de février et mai 2000 au Conseil des marchés financiers, qui avaient pour unique objet le franchissement des seuils de 20 % en capital puis en droits de vote, ne font aucune mention du franchissement antérieur du seuil de 10 %, que ce soit en capital ou en droits de vote, et n'indiquent pas davantage le nombre des actions détenues par les concertistes lors du passage de ce seuil ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que ces déclarations ne pouvaient valoir régularisation du défaut de déclaration du franchissement du seuil de 10 % ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés Idi, Financière Bagatelle et Financière Neuilly Barrès font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que les droits de vote de ces trois sociétés, agissant de concert, seraient limités à 10 % des droits de vote de la société CNIM pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'au 12 décembre 2004, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des articles L. 233-7, alinéa 1, et L. 233-14, alinéa 1, du Code de commerce, que l'auteur du franchissement d'un seuil légal est tenu de déclarer dans les délais prévus par le premier de ces textes le nombre des actions qu'il possède au jour de cette déclaration et qu'en cas de déclaration tardive, vaut régularisation de la notification au sens du second la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'en subordonnant une telle régularisation au dépôt d'une déclaration mentionnant le nombre total d'actions et de droits de vote possédé par l'actionnaire au jour du franchissement de seuil, la cour d'appel a violé les dispositions des textes susvisés ;
2 / qu'il résulte des articles L. 233-7, alinéa 1, et L. 233-14, alinéa 1, du Code de commerce, que l'auteur du franchissement d'un seuil légal est tenu de déclarer dans les délais prévus par le premier de ces textes le nombre des actions qu'il possède au jour de cette déclaration et qu'en cas de déclaration tardive, vaut régularisation de la notification au sens du second la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'à supposer qu'elle ait encore prétendu subordonner une telle régularisation au dépôt d'une déclaration mentionnant, non seulement le nombre total d'actions et de droits de votes possédé par l'actionnaire au jour du franchissement de seuil, mais encore le seuil franchi et la date de ce franchissement, la cour d'appel aurait derechef violé les dispositions des textes susvisés ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir exactement retenu que le nombre d'actions et de droits de vote dont la loi impose la déclaration est celui qui est détenu au jour du franchissement de seuil et non au jour de la déclaration, l'arrêt relève que les sociétés Idi, Financière Bagatelle et Financière Neuilly Barrès, agissant de concert, ont franchi à la hausse, au mois de juin 1998, le seuil de 10 % des actions et des droits de vote de la société CNIM et que le passage de ce seuil n'a donné lieu à aucune déclaration conforme aux exigences légales avant celle qui a été faite le 13 décembre 2002 au conseil des marchés financiers ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que les droits de vote attachés aux actions détenues par les sociétés Idi, Financière Bagatelle et Financière Neuilly Barrès ne pourraient excéder 10 % des droits de vote de la société CNIM pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de cette déclaration ;
Et attendu, en second lieu, que si la cour d'appel a relevé que la déclaration du 13 décembre 2002 mentionnait notamment le seuil franchi, la date du franchissement et le nombre total d'actions et de droits détenus, il ne résulte pas de cette constatation qu'elle ait entendu ériger ces mentions en conditions de la régularisation ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, manque en fait en sa seconde branche ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Idi fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les droits de vote de cette société, agissant à titre individuel, seraient limités à 5 % des droits de vote de la société CNIM pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'au 12 décembre 2004, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des articles L. 233-7, alinéa 1, et L. 233--14, alinéa 1, du Code de commerce, que l'auteur du franchissement d'un seuil légal est tenu de déclarer dans les délais prévus par le premier de ces textes le nombre des actions qu'il possède au jour de cette déclaration et qu'en cas de déclaration tardive, vaut régularisation de la notification au sens du second la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'en subordonnant une telle régularisation au dépôt d'une déclaration mentionnant le nombre total d'actions possédé par l'actionnaire au jour de ce franchissement, la cour d'appel a violé les dispositions des textes susvisés ;
2 / qu'il résulte des articles L. 233-7, alinéa 1, et L. 233-14, alinéa 1, du Code de commerce, que l'auteur du franchissement d'un seuil légal est tenu de déclarer dans les délais prévus par le premier de ces textes le nombre des actions qu'il possède au jour de cette déclaration et qu'en cas de déclaration tardive, vaut régularisation de la notification au sens du second la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'à supposer qu'elle ait encore prétendu subordonner une telle régularisation au dépôt d'une déclaration mentionnant, non seulement le nombre total d'actions possédé par l'actionnaire au jour du franchissement de seuil, mais encore le seuil franchi et la date de ce franchissement, la cour d'appel aurait derechef violé les dispositions des textes susvisés ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir exactement retenu que le nombre d'actions et de droits de vote dont la loi impose la déclaration est celui qui est détenu au jour du franchissement de seuil et non au jour de la déclaration, l'arrêt relève que la société Idi a franchi à la hausse, au mois de juillet 1999, le seuil de détention individuelle de 5 % du capital de la société CNIM et que le passage de ce seuil n'a donné lieu à aucune déclaration conforme aux exigences légales avant celle qui a été faite le 13 décembre 2002 au conseil des marchés financiers ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que les droits de vote attachés aux actions détenues par la société Idi ne pourraient excéder 5 % des droits de vote de la société CNIM pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de cette déclaration ;
Et attendu, en second lieu, que si la cour d'appel a relevé que la déclaration du 13 décembre 2002 mentionnait notamment le seuil franchi, la date du franchissement et le nombre total d'actions détenues, il ne résulte pas de cette constatation qu'elle ait entendu ériger ces mentions en conditions de la régularisation ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, manque en fait en sa seconde branche ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Financière Bagatelle fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les droits de vote de cette société, agissant à titre individuel, seraient limités à 5 % des droits de vote de la société CNIM pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'au 12 décembre 2004, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des articles L. 233-7, alinéa 1, et L. 233-14, alinéa 1, du Code de commerce, que l'auteur du franchissement d'un seuil légal est tenu de déclarer dans les délais prévus par le premier de ces textes le nombre des actions qu'il possède au jour de cette déclaration et qu'en cas de déclaration tardive, vaut régularisation de la notification au sens du second la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'en subordonnant une telle régularisation au dépôt d'une déclaration mentionnant le nombre total d'actions et de droits de vote possédé par l'actionnaire au jour du franchissement de seuil, la cour d'appel a violé les dispositions des textes susvisés ;
2 / qu'il résulte des articles L. 233-7, alinéa 1, et L. 233-14, alinéa 1, du Code de commerce, que l'auteur du franchissement d'un seuil légal est tenu de déclarer dans les délais prévus par le premier de ces textes le nombre des actions qu'il possède au jour de cette déclaration et qu'en cas de déclaration tardive, vaut régularisation de la notification au sens du second la déclaration du nombre des actions possédées au jour de cette régularisation ; qu'à supposer qu'elle ait encore prétendu subordonner une telle régularisation au dépôt d'une déclaration mentionnant, non seulement le nombre total d'actions et de droits de votes possédé par l'actionnaire au jour du franchissement de seuil, mais encore le seuil franchi et la date de ce franchissement, la cour d'appel aurait derechef violé les dispositions des textes susvisés ;
3 / que la mention "néant" figurant sous la rubrique "seuil franchi ... en droits de vote" de la déclaration du 18 février 2000 concernait le groupe d'actionnaires agissant de concert ; qu'en se fondant sur cette mention pour en déduire que la déclaration du 18 février 2000 n'aurait pu régulariser la déclaration omise lors du franchissement individuel par la société Financière Bagatelle du seuil de 5 % en droits de vote, la cour d'appel qui s'est déterminée par un motif inopérant, a derechef violé l'article L. 233-7, alinéa 1, du Code de commerce, ensemble l'article L. 223-14, alinéa 1, du même Code ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir exactement retenu que le nombre d'actions et de droits de vote dont la loi impose la déclaration est celui qui est détenu au jour du franchissement de seuil et non au jour de la déclaration, l'arrêt relève que la société Financière Bagatelle a franchi à la hausse, au mois de juillet 1999, le seuil de détention individuelle de 5 % du capital de la société CNIM et, au mois de février 2000, celui de 5 % des droits de vote et que le passage de ces seuils n'a donné lieu à aucune déclaration conforme aux exigences légales avant celle qui a été faite le 13 décembre 2002 au Conseil des marchés financiers ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que les droits de vote attachés aux actions détenues par la société Financière Bagatelle ne pourraient excéder 5 % des droits de vote de la société CNIM pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de cette déclaration ;
Attendu, en deuxième lieu, que si la cour d'appel a relevé que la déclaration du 13 décembre 2002 mentionnait notamment le seuil franchi, la date du franchissement et le nombre total d'actions et de droits détenus, il ne résulte pas de cette constatation qu'elle ait entendu ériger ces mentions en conditions de la régularisation ;
Et attendu, en troisième lieu, que la troisième branche critique un motif surabondant ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, manque en fait en sa seconde branche et ne peut être accueilli en sa troisième branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Idi, Financière Bagatelle, Financière Neuilly Barrès et IPBM aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 000 euros à la société Constructions industrielles de la Méditerranée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille six.