AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Youssef,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 14 février 2006, qui, dans l'information suivie contre lui pour participation à une entente terroriste et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63, 706-88, 125, 126, 127, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que la procédure suivie à l'encontre de Youssef X... était régulière, rejeté le moyen fondé sur l'irrégularité de la procédure du mandat d'amener et confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de Youssef X... ;
"aux motifs que, "suite à son interpellation à Troyes, le 17 janvier 2006, en exécution d'une commission rogatoire du juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Paris, en date du 22 septembre 2004, Youssef X... a été placé en garde à vue le 17 janvier 2006 à 7 heures 10 à l'hôtel de police de Troyes. Cette garde à vue a été prolongée à l'hôtel de police de Metz, où l'intéressé a été transféré le même jour ; qu'en vertu d'un mandat d'amener délivré par le magistrat instructeur près le tribunal de grande instance de Paris, en date du 21 janvier 2006, et notifié à sa personne à la fin de sa garde à vue, Youssef X... a été présenté au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Metz ; qu'il a ensuite été procédé conformément aux dispositions des articles 128, 129 et 130 du code de procédure pénale ; qu'au vu des éléments ci-dessus rapportés, Youssef X... a été arrêté le 21 janvier 2006 en vertu d'un mandat d'amener alors qu'il se trouvait dans le cadre de sa garde à vue à Metz et non à Troyes ; qu'il a donc été tout à fait régulièrement présenté au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Metz puisqu'en raison de la distance il ne pouvait être immédiatement conduit devant le magistrat instructeur ayant délivré le mandat ; que la procédure du mandat d'amener est régulière ; que la détention arbitraire ne peut être constatée ; que le moyen tiré de l'irrégularité invoquée sera en conséquence rejeté" ;
"alors, d'une part, qu'une personne ne peut être retenue de manière continue à la disposition des officiers de police judiciaire pendant une période excédant la durée maximale de la garde à vue autorisée par la loi ; qu'au cas d'espèce, Youssef X... a été placé en garde à vue le 17 janvier 2006 à 7 heures 10 ; que même si cette mesure a été fictivement levée le 21 janvier 2006 à 6 heures 20, il est constant que Youssef X... est, au-delà de ce moment, demeuré à la disposition des services de police en vue de sa présentation au procureur de la République en vertu d'un mandat d'amener portant sur les faits ayant justifié la garde à vue ; que l'absence d'indication de l'heure de cette présentation ne permet pas de s'assurer que Youssef X... n'a pas été retenu plus de 96 heures ; qu'en déclarant néanmoins régulière la procédure suivie à l'encontre de Youssef X... jusqu'au moment de son placement en détention, la cour d'appel a violé les articles 63 et 706-88 du code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, que la présentation au procureur de la République d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'amener doit s'opérer sans délai, de sorte que l'absence d'indication, sur le procès-verbal de cette présentation, de l'heure à laquelle elle a eu lieu ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la procédure ; qu'en déclarant néanmoins régulière la procédure suivie à l'encontre de Youssef X..., la cour d'appel a de plus fort violé l'article 127 du Code de procédure pénale ;
"alors, de troisième part, qu'à supposer même que Youssef X... ait pu, à l'issue de sa garde à vue, être retenu sur la base d'un mandat d'amener, c'est à la condition que ce mandat lui soit notifié immédiatement à l'issue de cette garde à vue ; qu'au cas d'espèce, Youssef X..., dont la garde à vue avait été levée le 21 janvier 2006 à 6 heures 20, ne pouvait être retenu après ce moment sur la base d'un mandat d'amener qui ne devait lui être notifié que le 21 janvier 2006 à 6 heures 35 ; qu'en déclarant néanmoins régulière la procédure suivie à l'encontre de Youssef X... jusqu'au moment de son placement en détention, la cour d'appel a derechef violé les articles 63 et 706-88 du code de procédure pénale ;
"alors, de quatrième part, que, pour l'application des articles 125 à 127 du code de procédure pénale, le lieu où la personne est "trouvée" doit s'entendre du lieu où elle est interpellée et non de celui où elle se trouve lorsque le mandat d'amener lui est notifié ; qu'en affirmant que Youssef X... - objet d'un mandat d'arrêt délivré par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris - avait pu être conduit devant le procureur de la République de Metz dès lors que le mandat en question lui avait été notifié en ce lieu, où il avait été conduit au cours de sa garde à vue, quand Youssef X..., interpellé à Troyes, ville distante de moins de 200 kilomètres de Paris, aurait dû, en application de l'article 125 du code de procédure pénale, se voir immédiatement notifier un mandat d'amener et être entendu par le juge mandant dans les 24 heures de la notification de ce mandat, à défaut de quoi il devait être mis en liberté, la cour d'appel a violé les articles 125, 126 et 127 du code de procédure pénale ;
"alors, enfin, que la personne qui fait l'objet d'un mandat d'amener et qui, trouvée à plus de 200 kilomètres du siège du juge mandant, ne peut lui être présentée dans les 24 heures, doit être conduite devant le procureur de la République du lieu de son arrestation ; qu'en affirmant que Youssef X... avait pu régulièrement être présenté au procureur de la République du tribunal de grande instance de Metz, lieu de notification du mandat d'arrêt le concernant, quand Youssef X... ne pouvait être valablement conduit que devant le procureur de la République de Troyes, lieu de son arrestation - qui ne peut être différent de celui de son interpellation-, la cour d'appel a violé les articles 125, 126 et 127 du code de procédure pénale" ;
Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen, pour écarter le grief, pris de l'irrégularité du mandat d'amener notifié à Youssef X..., la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, d'une part, aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à la notification à une personne, même précédemment gardée à vue, quelle qu'ait été la durée de cette mesure, d'un mandat d'amener, qui s'analyse comme l'ordre donné par le juge d'instruction à la force publique de la conduire devant lui ;
Que, d'autre part, les formalités prévues à l'article 127 du code de procédure pénale sont respectées, dès lors que la personne concernée est présentée dans le délai légal au procureur de la République, territorialement compétent en raison du lieu où se trouve l'intéressé, après la fin de sa garde à vue, opérée dans le cadre d'une commission rogatoire, lorsque lui est notifié le mandat d'amener qui vient d'être délivré par le juge d'instruction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;