AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize mai deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me JACOUPY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Aimé,
- X... Yoan,
- Y... Aline, épouse Z...,
- Y... Yolande, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2005, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Daniel A... du chef d'homicide involontaire ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Daniel A... des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire et a déclaré les parties civiles irrecevables en leurs demandes en tant qu'elles sont dirigées à son encontre ;
"aux motifs que "Daniel A... n'avait pas en charge la mise en oeuvre de la sécurité du personnel du syndicat intercommunal de Lanslebourg-Lanslevillard, mais exerçait de fait cette responsabilité puisqu'il a mis en place un plan de prévention sécurité avec la CRAM et a organisé une veille radio dite "perte de verticalité" qu'il exerçait en personne 24 heures sur 24 ; le jour de l'accident, il a dû s'absenter, pour raisons personnelles, de la station ; il a, au préalable, averti Roland B... et M. C... et leur a demandé d'assurer la permanence radio ; bien qu'aucune formalité n'ait été observée pour la passation et l'acceptation de ces consignes, bien qu'il ait gardé par devers lui l'émetteur-récepteur radio qui permettait d'assurer une surveillance dans de meilleures conditions, Daniel A... ne saurait se voir reprocher d'avoir, en s'absentant de la station pendant une fin de semaine pour raisons personnelles, commis une faute caractérisée alors qu'il avait pris soin d'aviser Roland B... de son absence et que ce dernier n'avait pas refusé d'assurer cette permanence radio" ;
"alors que la cour d'appel avait auparavant relevé : "bien que n'ayant reçu aucune délégation quant à la mise en oeuvre des consignes de sécurité, Daniel A... assurait une permanence radio 24 heures sur 24 et disposait d'un équipement radio qui, même à l'état de veille, se déclenchait en cas de réception d'un signal de détresse ; particulièrement vigilant et attentif aux questions relatives à la sécurité, conscient des risques encourus par les employés évoluant sur le domaine skiable, il a mis en place un plan de prévention de sécurité et une veille radio avec système PTI ;
pourtant, le jour de l'accident, Daniel A... était absent de la station et n'exerçait pas la permanence radio comme il le faisait habituellement ; il avait informé Roland B... de son absence et lui avait demandé, ainsi qu'à M. C... de le remplacer, pour la fin de semaine ; cette demande s'est faite oralement, sans formalités particulières, au détour d'un couloir sans que l'appareil radio en la possession de Daniel A..., plus approprié que les autres puisqu'à même de capter tout signal de détresse même à l'état de veille, ne soit remis à ses subordonnés ; il ne s'est, à l'évidence, pas assuré que Roland B... ni M. C... avaient bien compris qu'ils devaient rester à l'écoute du récepteur dès lors que l'un s'est cru libre de se rendre à Chambéry pour raisons personnelles et que l'autre n'avait pas avec lui l'appareil radio nécessaire pour assurer la permanence" ; qu'en l'état de ces constatations dont il résultait que Daniel A..., qui connaissait les risques encourus par la victime, n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour assurer efficacement, durant son absence, la veille radio, et avait ainsi commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel ne pouvait relaxer le prévenu des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 décembre 1998, Loïc X..., employé depuis peu comme pisteur par le syndicat de communes exploitant la station de ski de Val-Cenis, a été chargé, la station n'étant pas encore ouverte, d'effectuer, avec un "quad", des tournées de surveillance des canons à neige ; que, dans la soirée, ses proches, ne le voyant pas rentrer, ont donné l'alerte et qu'il a été retrouvé quelques heures plus tard, sans vie, sous le véhicule renversé ; que, selon les constatations médicales, la mort est résultée tant de ses blessures que de l'immobilisation dans le froid ; qu'ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, du chef d'homicide involontaire, le syndicat de communes, personne morale, le président de celui-ci, Daniel D..., le directeur d'exploitation, Daniel A..., et le responsable des canons à neige, Roland B... ;
Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement, qui avait condamné les quatre prévenus, et pour relaxer le seul Daniel A..., l'arrêt retient qu'un engin dangereux avait été confié à la victime, sans que lui soient données des consignes précises d'utilisation ni que lui soit assurée de formation particulière ; que les juges ajoutent que Daniel A..., qui n'avait pas reçu de délégation de pouvoir en matière de sécurité, avait cependant mis en place un système donnant automatiquement l'alerte par radio, en cas de chute du conducteur du "quad" ; qu'il en assurait habituellement lui-même la surveillance et que, ayant prévu de s'absenter de la station, il avait demandé à Roland B... de le faire à sa place ; que celui-ci s'en est abstenu, commettant ainsi une faute caractérisée, alors que, s'il est vrai que Daniel A... aurait pu être plus précis dans ses instructions et aurait pu confier à Roland B... son propre poste de radio, d'utilisation plus facile, il n'a pas, pour autant, commis de faute qualifiée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DECLARE IRRECEVABLES les demandes au titre de l'article 618-1 et 800-2 du code de procédure pénale, présentées par les consorts X... et par Daniel A... ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;