AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon contrat d'enregistrement du 10 septembre 1990, MM. X..., Y... et Z..., artistes musiciens composant le groupe OIO, ont concédé à la société Facto communication l'exclusivité de l'enregistrement de leurs oeuvres musicales en vue de leur reproduction sur tous supports, et notamment sur phonogrammes et vidéogrammes, et de leur exploitation et communication au public ; que ce contrat était conclu pour permettre la réalisation de six albums et devait venir à échéance après la sortie commerciale du dernier album ;
qu'il était prévu une rémunération sous forme de redevances calculées sur le prix de vente de chaque phonogramme, selon divers taux et critères définis ; que le même jour, un avenant était conclu précisant que le producteur avait contracté avec les artistes en raison de leur appartenance au groupe OIO et qu'il était convenu que les redevances dues à chacun d'eux au titre de la cession des droits représentaient 33 % de la redevance globale pour le groupe composé actuellement de trois artistes ; que le 11 septembre 1990, la société Facto communication a conclu un contrat de coproduction avec la société Fandango, représentée par M. X..., son gérant ; que le 12 novembre 1990, les coproducteurs ont conclu un contrat de licence avec la société BMG, lui cédant l'exclusivité de la fabrication et de la commercialisation des productions ; qu'un premier album a été réalisé par le groupe des trois artistes qui a connu un succès commercial mondial ; que MM. Y... et Z... ont signé une lettre de "démission" du groupe les 1er juillet et 1er août 1991 ; qu'en décembre 1991, la société BMG a proposé aux trois artistes un projet de contrat direct de coproduction ; que MM. Y... et Z... ont refusé de signer ce contrat ; qu'estimant qu'elle était victime d'une tentative de débauchage du groupe OIO, la société Facto communication a assigné les sociétés BMG et Fandango devant le tribunal de commerce ; que MM. Y... et Z... sont intervenus à l'instance aux côtés de la société Facto communication ; que, par arrêt définitif du 25 septembre 1997, la cour d'appel de Paris, statuant après expertise, a notamment "condamné la société BMG France à verser à la société Facto communication neuf millions de francs de dommages-intérêts, à charge pour elle de verser aux membres du groupe OIO les sommes qu'elle leur doit contractuellement" ; que le 27 octobre 1999, MM. Y... et Z... ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de leurs rémunérations ; que M. Y... étant décédé, Mme A... a repris l'instance en son nom propre et au nom de ses enfants mineurs ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 480 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme A..., la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la société Facto communication ne devait plus rien aux membres du groupe OIO avant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 1997, et que cet arrêt ne suffit pas en soi à donner aux intéressés un titre de créance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il est définitivement jugé par ledit arrêt que la société Facto communication doit contractuellement aux trois membres du groupe la rémunération de leur prestation du fait qu'elle est désormais investie de l'ensemble des droits et obligations des coproducteurs d'origine à leur égard et qu'une somme de neuf millions lui a été allouée à charge pour elle d'honorer les obligations du contrat de production, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes d'indemnisation formées au titre de l'exécution et de la rupture du contrat d'enregistrement, la cour d'appel a retenu que M. Y... avait démissionné du groupe par lettre du 1er juillet 2001 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que, dans la procédure suivie devant la cour d'appel de Paris, la société Facto communication mentionnait dans ses écritures que cette "lettre de démission" avait été "arrachée" à M. Y... par l'un des producteurs et ne constituait pas une démission, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Vu les articles L. 762-1 et L. 762-2 du Code du travail, ensemble l'article 2262 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme A..., la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de preuve que les artistes percevaient un cachet fixe, les redevances prévues au contrat doivent être considérées comme une rémunération salariale, les intéressés ne faisant valoir aucun moyen de nature à renverser la présomption de contrat de travail résultant de l'article L. 762-1 du Code du travail, que leurs demandes étant formulées de façon imprécise quant aux périodes visées se heurtent à la prescription quinquennale des salaires, qu'ils ne démontrent pas, s'agissant des redevances au titre de l'article L. 762-2 du même Code, qu'ils conservent des droits à faire valoir qui soient distincts des réclamations salariales ;
Attendu, cependant, que, selon l'article L. 762-2 du Code du travail, n'est pas considérée comme salaire la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur dès lors que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter ledit enregistrement et que cette rémunération n'est en rien fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l'exploitation dudit enregistrement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résulte de ses constatations et énonciations que le contrat d'enregistrement prévoyait une cession des droits rémunérée par des redevances calculées sur les ventes des enregistrements, non liées à la présence de l'artiste et ne présentant pas le caractère de salaire, de sorte que l'action en paiement n'était pas soumise à la prescription quinquennale mais à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant débouté Mme A... de ses demandes, l'arrêt rendu le 3 juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Facto communication aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Facto communication ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille six.