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07/06/2006 | FRANCE | N°03-15118

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juin 2006, 03-15118


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 mars 2003), que la société Thepenier pharma industrie fabrique et commercialise deux produits pharmaceutiques contenant de l'alcool ; que, jusqu'en 1998, elle payait un droit de fabrication sur les produits alcooliques, en application de l'article 406 A, II, 2 du code général des impôts, alors applicable ;

qu'à la suite d'un contrôle, l'administration des douanes lui a demandé le paiement du droit de con

sommation prévu par l'article 403 du même code en lieu et place du droit de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 mars 2003), que la société Thepenier pharma industrie fabrique et commercialise deux produits pharmaceutiques contenant de l'alcool ; que, jusqu'en 1998, elle payait un droit de fabrication sur les produits alcooliques, en application de l'article 406 A, II, 2 du code général des impôts, alors applicable ;

qu'à la suite d'un contrôle, l'administration des douanes lui a demandé le paiement du droit de consommation prévu par l'article 403 du même code en lieu et place du droit de fabrication acquitté par la société au titre de la période du 1er août 1995 au 30 avril 1998 ; que sa réclamation ayant été rejetée, la société a fait assigner le directeur régional des douanes et droits indirects de Basse-Normandie devant le tribunal de grande instance afin d'obtenir la restitution des sommes versées au titre du droit de fabrication au cours des années 1993 à 1998 ainsi que le dégrèvement du droit de consommation mis en recouvrement par l'administration ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects reproche à l'arrêt d'avoir décidé que le droit de fabrication avait été indûment acquitté par la société, alors, selon le moyen :

1 / que si les produits contenant de l'alcool utilisé pour la production de médicaments sont exonérés de l'accise harmonisée prévue par les directives CE 92/12 du 25 février 1992 et CE 92/83 et 84 du 19 octobre 1992, ils peuvent en revanche, conformément aux dispositions de l'article 3-2 de la directive CE 92/12, faire l'objet d'autres impositions indirectes lorsque ces impositions poursuivent des finalités spécifiques ;

qu'en décidant dès lors que le droit de fabrication n'était pas conforme aux exigences du droit communautaire, sans rechercher ainsi qu'ils y avaient été pourtant invités (conclusions signifiées le 28 novembre 2002, p. 13 à 16), si cette imposition indirecte ne poursuivait pas des finalités spécifiques, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 406-A du code général des impôts, tel qu'en vigueur à l'époque des faits, ensemble l'article 3-2 de la directive CE 92/12 du Conseil du 25 février 1992 ;

2 / que, dans ses conclusions d'appel (conclusions signifiées le 28 novembre 2002, p. 12 à 16), le directeur régional des douanes et droits indirects de Basse-Normandie soutenait d'une part, que la demande en restitution formée par la société Thepenier pharma industrie était irrecevable en l'absence de décision judiciaire préalable se prononçant sur la non-conformité du droit de fabrication aux exigences du droit communautaire, d'autre part, qu'elle était en tous cas mal fondée dans la mesure précisément où cette accise était conforme aux prescriptions de ce droit ; qu'en estimant dès lors que le principe de ce droit à remboursement n'était pas contesté, les juges du fond ont dénaturé les conclusions du directeur régional des douanes et droits indirects de Basse-Normandie, et partant, violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 10 juin 1999 (C-346/97, Braathens Sverige AB) qu'un Etat membre qui a instauré une imposition incompatible avec le régime de l'accise harmonisée mis en place par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, et par une directive portant sur les structures des droits des produits soumis à accise, ne saurait se prévaloir de la faculté prévue à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 de maintenir ou d'instaurer des impositions nationales poursuivant des fins spécifiques pour les produits soumis à l'accise harmonisée ; qu'il ressort également de cet arrêt que l'attribution aux Etats membres du droit de frapper d'une autre imposition indirecte les produits qui doivent être exonérés de l'accise harmonisée en vertu d'une directive portant sur les structures des droits des produits soumis à accise aurait pour conséquence de priver de tout effet utile le texte instituant l'exonération ; qu'en énonçant que, depuis le 1er janvier 1993, sur le fondement de l'article 406 A du code général des impôts, l'administration des douanes avait perçu de la société un droit de fabrication sur l'alcool pur utilisé dans la composition des deux médicaments en cause, alors qu'il résulte des dispositions claires et inconditionnelles de l'article 27 de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, dont la transposition en droit interne devait intervenir au plus tard le 31 décembre 1992, conformément à l'article 29 de la même directive, que les Etats membres exonèrent de l'accise harmonisée les produits couverts par cette directive lorsqu'ils sont utilisés pour la fabrication de médicaments, ce dont il résultait qu'ayant perçu le droit de fabrication litigieux en violation de l'article 27 de la directive 92/83, l'administration ne pouvait, pour justifier la perception de ce droit, se prévaloir de la faculté prévue à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 de maintenir d'autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée par la première branche et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects reproche à l'arrêt d'avoir ordonné le dégrèvement du droit de consommation, objet du procès-verbal du 11 décembre 1998, alors, selon le moyen :

1 / que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ;

qu'en se fondant sur la perception sans observation ni réserve par l'administration des douanes de droits de fabrication pendant plusieurs années pour lui dénier le droit de poursuivre le recouvrement de droits de consommation, sans s'expliquer autrement sur la portée de cette circonstance au regard du bien-fondé de la demande, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance manifeste de motifs, et partant, violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté expresse ou tacite de renoncer ; qu'à supposer même que le motif dénoncé dans le cadre de la première branche doive être interprété comme valant constatation d'une renonciation implicite de l'administration des douanes à poursuivre le recouvrement des droits de consommation litigieux, alors que la perception sans observation ni réserve d'un impôt ne peut caractériser des actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer au paiement de l'impôt normalement dû, les juges ont violé les règles qui gouvernent la renonciation implicite ;

3 / qu'en tout cas, à aucun moment dans ses conclusions d'appel, la société Thepenier pharma industrie n'a soutenu que le fait pour l'administration des douanes d'avoir perçu pendant plusieurs années des droits de fabrication faisait obstacle à la mise en recouvrement des droits de consommation litigieux ; qu'en relevant dès lors d'office ce moyen, sans provoquer les observations préalables des parties, les juges du fond ont en toute hypothèse violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

4 / que le droit de consommation était perçu en lieu et place du droit de fabrication lorsque les fabricants de produits médicamenteux contenant de l'alcool ne respectaient pas la procédure de classement prévue par l'instruction du 30 mars 1964, destinée notamment à s'assurer que l'alcool utilisé par ces fabricants était effectivement incorporé dans des produits médicamenteux ; qu'en omettant dès lors de rechercher si ce droit de consommation ne constituait pas une imposition indirecte poursuivant des finalités spécifiques, notamment de santé publique, au sens de l'article 3-2 de la directive 92/12 du 25 février 1992, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de ce texte et des articles 403 et 406-1 du code général des impôts ;

5 / que pour pouvoir prétendre au bénéfice du droit de fabrication prévu à l'article 406 A II-2 ) du code général des impôts, les fabricants de produits médicamenteux contenant de l'alcool devaient respecter une procédure de classement, prévue notamment par une instruction du 30 mars 1964 ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'article 403 du code général des impôts, relatif au droit de consommation, excluait de son champ d'application les produits visés à l'article 406 A II-2 ) de ce code, alors qu'une telle exclusion ne devait s'entendre que des produits qui pouvaient prétendre au bénéfice de ce dernier texte, ce qui n'était pas le cas des produits médicamenteux contenant de l'alcool pour lesquels la procédure de classement n'avait pas été respectée, les juges du fond ont violé les articles 403, 406 A et B du code général des impôts ;

6 / qu'à aucun moment dans ses conclusions d'appel, la société Thepenier pharma industrie n'a soutenu que la procédure de classement ne pouvait lui être opposée dans la mesure où elle résultait d'une simple instruction ; qu'en se fondant dès lors sur le motif selon lequel cette procédure de classement ne résultait d'aucun texte législatif ou réglementaire, mais d'une simple instruction du 30 mars 1964, sans provoquer les explications préalables des parties sur ce moyen qu'ils relevaient d'office, les juges du fond ont violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

7 / qu'une instruction peut présenter un caractère réglementaire, et être à ce titre créatrice de droits et d'obligations pour les administrés ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la procédure de classement dont se prévalait le directeur régional des douanes et droits indirects de Basse-Normandie ne résultait d'aucun texte législatif ou réglementaire, mais d'une simple instruction du 30 mars 1964, sans se prononcer sur la nature, la portée ou encore l'opposabilité de cette instruction, au besoin en posant une question préjudicielle au juge administratif, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 403, 406 A et B du code général des impôts ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que, depuis le 1er janvier 1993, la directive 92/83 exonère de droits l'alcool utilisé dans la fabrication de médicaments, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée par la quatrième branche et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième branches, a ordonné à bon droit le dégrèvement du droit de consommation, objet du procès-verbal du 11 décembre 1998, justifiant légalement sa décision ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur général des douanes et droits Indirects aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Thepenier pharma industrie la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-15118
Date de la décision : 07/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Accises - Harmonisation des structures - Incompatibilité d'une imposition nationale - Portée.

1° IMPOTS ET TAXES - Contributions indirectes - Alcool - Droit de fabrication pour les médicaments - Directive 92/83 du 19 octobre 1992 - Violation - Portée.

1° Il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 10 juin 1999 (C-346/97, Braathens Sverige AB) qu'un Etat membre qui a instauré une imposition incompatible avec le régime de l'accise harmonisée mis en place par la Directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, et par une directive portant sur les structures des droits des produits soumis à accise, ne saurait se prévaloir de la faculté prévue à l'article 3 § 2 de la Directive 92/12 de maintenir ou d'instaurer des impositions nationales poursuivant des fins spécifiques pour les produits soumis à l'accise harmonisée. Il ressort également de cet arrêt que l'attribution aux Etats membres du droit de frapper d'une autre imposition indirecte les produits qui doivent être exonérés de l'accise harmonisée en vertu d'une directive portant sur les structures des droits des produits soumis à accise aurait pour conséquence de priver de tout effet utile le texte instituant l'exonération. En conséquence, justifie légalement sa décision la cour d'appel qui énonce que, depuis le 1er janvier 1993, l'administration des douanes avait perçu d'une société, sur le fondement de l'article 406 A II 2° du code général des impôts, applicable au moment des faits, un droit de fabrication sur l'alcool pur utilisé dans la composition de deux médicaments, alors qu'il résulte des dispositions claires et inconditionnelles de l'article 27 de la Directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, dont la transposition en droit interne devait intervenir au plus tard le 31 décembre 1992, conformément à l'article 29 de la même Directive, que les Etats membres exonèrent de l'accise harmonisée les produits couverts par cette Directive lorsqu'ils sont utilisés pour la fabrication de médicaments, ce dont il résultait qu'ayant perçu le droit de fabrication litigieux en violation de l'article 27 de la Directive 92/83, l'administration ne pouvait, pour justifier la perception de ce droit, se prévaloir de la faculté prévue à l'article 3 § 2 de la Directive 92/12 de maintenir d'autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Accises - Directive 92/83 du 19 octobre 1992 - Exonération de droits - Alcool utilisé pour la fabrication de médicaments - Portée.

2° IMPOTS ET TAXES - Contributions indirectes - Alcool - Droit de consommation - Champ d'application - Exclusion - Cas - Alcool utilisé pour la fabrication de médicaments.

2° Ayant énoncé que, depuis le 1er janvier 1993, la Directive 92/83 exonère de droits l'alcool utilisé dans la fabrication de médicaments, une cour d'appel ordonne à bon droit le dégrèvement du droit de consommation prévu par l'article 403 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en la cause, auquel l'administration prétendait soumettre une société, sans être tenue de rechercher si ce droit de consommation ne constitue pas une imposition indirecte poursuivant des finalités spécifiques, notamment de santé publique, au sens de l'article 3 § 2 de la Directive 92/12 du 25 février 1992.


Références :

2° :
2° :
Code général des impôts 403, 406 A II 2°
Directive 92/12/CEE du 25 février 1992 art. 3 2
Directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992 art. 27, art. 29

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 04 mars 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 2006, pourvoi n°03-15118, Bull. civ. 2006 IV N° 136 p. 141
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 IV N° 136 p. 141

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Main.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Truchot.
Avocat(s) : Avocats : Me Foussard, SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.15118
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