AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° E 04-48.044 à K 04-48.049 :
Attendu qu'il ressort des énonciations des arrêts attaqués (Paris, 5 octobre 2004) que Mme X..., MM. Y..., Z..., A..., B... et C... ont été engagés par la société Imprimerie spéciale de banque (ci-dessous dénommée société ISB) au titre de contrats de travail régis par la convention collective nationale des imprimeries de labeur et industries graphiques ; que le 27 août 1991, la société ISB a été mise en redressement judiciaire puis a bénéficié le 17 juin 1992 d'un plan de continuation ; qu'aux termes d'un accord collectif à effet du 1er janvier 1997, l'usage ayant institué une prime dite de 14e mois a pris fin ; qu'en 1997, la société de droit canadien Pollard banknote ltd (ci-dessous désignée société Pollard) est entrée dans le capital social de la société ISB qui a été mise en redressement judiciaire le 20 décembre 1999 puis en liquidation judiciaire le 31 janvier 2000 ; que les demandeurs au pourvoi ont été licenciés par le liquidateur par lettre du 11 février 2000 ;
Sur le premier moyen commun aux pourvois pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que Mme X..., MM. Y..., Z..., A..., B... et D... font grief aux arrêts attaqués d'avoir jugé que la société Pollard n'était pas leur employeur et de l'avoir mise hors de cause pour des motifs tirés de la violation des articles L. 321-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que la seule prise de participation dans le capital d'une société commerciale n'entraîne pas une modification dans sa situation juridique en sorte que les contrats de travail des salariés qu'elle emploie ne sont pas transmis au nouvel actionnaire, que la cour d'appel, qui a fait ressortir qu'en l'absence d'un lien de droit résultant de contrats de travail conclus entre les salariés et la société Pollard ou d'une modification de la situation juridique de la société ISB résultant du transfert à la société Pollard d'une entité économique autonome que ne suffisait pas à établir sa prise de participation majoritaire dans le capital de la société ISB, la société Pollard n'avait pas la qualité d'employeur, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen commun aux pourvois :
Attendu que Mme X..., MM. Y..., Z..., A..., B... et D... font grief aux arrêts de les avoir déboutés de leur demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article 507 de la convention collective nationale des imprimeries de labeur et industries graphiques alors, selon le moyen, qu'un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié, en sorte que les dispositions d'un accord collectif, en matière de rémunération, moins favorables au salarié que celles prévues par le contrat, ne sont pas applicables ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la réduction de la rémunération des demandeurs au pourvoi intervenue en janvier 1997 résultait d'un accord collectif à effet du 1er janvier 1997 supprimant un usage ayant institué une prime dite "de quatorzième mois" et diminuant la rémunération des salariés ; que ces dispositions ne pouvaient donc trouver application, de sorte qu'en refusant d'indemniser le salarié de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que les juges du fond qui ont constaté que les salariés n'avaient subi aucun changement dans leur classement ou leurs attributions, en ont exactement déduit qu'ils ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier de l'indemnité prévue par l'article 507 de la convention collective qui emportait dénonciation de l'usage ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen commun aux pourvois pris en sa première branche :
Vu l'article L. 321-1 du code du travail ;
Attendu que pour juger que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que, compte-tenu du délai incompressible de 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire prescrit par l'article L. 143-11-1, alinéa 2, du code du travail pour les recherches de possibilité de reclassement au sein de la société Pollard aux fins de la préservation des droits des salariés concernant la garantie de l'AGS, du fait du nombre important de salariés concernés, ainsi que de la nécessité d'obtenir l'approbation des services d'immigration canadien et américain, il était matériellement impossible de reclasser effectivement les salariés avant la date de notification de leurs licenciements ;
Qu'en statuant ainsi après avoir constaté que le liquidateur n'avait procédé à aucune recherche de reclassement des salariés avant la notification de leur licenciement, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen ;
Met hors de cause la société Pollard banknote limited ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont débouté Mme X..., MM. Y..., Z..., A..., B... et C... de leurs demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts rendus le 5 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. E..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. E..., ès qualités, à payer à chacun des demandeurs la somme de 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille six.