AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'association Société des amis de la musique de Strasbourgs (AMS) a été assignée par l'association Les congés spectacles, caisse de congés payés, en paiement de cotisations pour l'emploi intermittent d'artistes pour les années 1982 à 1994 ; qu'elle a, d'une part, contesté être une entreprise de spectacle relevant de l'article D. 762-1 du code du travail et, d'autre part, fait valoir que la présomption de salariat de l'article L. 762-1 du code du travail était incompatible avec les dispositions de l'article 59 du Traité de Rome (49 CE) ; que le tribunal de grande instance de Strasbourg a décidé que l'association AMS était une entreprise de spectacle mais a débouté l'association Les congés spectacles de ses demandes au motif que les dispositions des articles L. 762-1 et D. 762-1 du code du travail constituaient une entrave à la libre prestation de services au sens de l'ancien article 59 (devenu 49) du Traité CE ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'association AMS fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à la caisse de congés payés les cotisations et majorations de retard afférentes à l'emploi d'artistes intermittents français et étrangers pour les exercices 1982-1983 et de 1987 à 1994 , alors, selon le moyen, que l'entreprise de spectacle au sens de l'article D. 762-3 du code du travail se définit comme celle qui fournit la salle en ordre de marche, qui prend en charge les droits d'auteur, la publicité, la programmation des spectacles et la location des places à ses guichets, et le tout moyennant une partie de la recette ; qu'en se bornant à affirmer que l'association AMS constituait une entreprise de spectacles, cependant que celle-ci le contestait, sans caractériser les éléments en justifiant, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur ce point, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article D. 762-3 du code du travail ;
Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt retient que l'association qui organise, pour le Festival de musique de Strasbourg, des spectacles publics payants sur une durée d'un mois, exerce cette activité dans les mêmes conditions qu'une entreprise commerciale et ne peut se soustraire à l'obligation d'affiliation à la caisse de congés payés pour le personnel artistique et technique qu'elle occupe ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que l'arrêt rendu le 15 juin 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-255/04 rend sans objet la demande relative à la question préjudicielle ;
Mais sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 49 (ancien article 59) du Traité CE, ensemble les articles L. 762-1 et D. 762-1 du code du travail ;
Attendu que, pour réformer le jugement et décider que l'association AMS devait à la caisse de congés payés les cotisations et majorations de retard afférentes à l'emploi intermittent d'artistes français et étrangers pour les exercices 1982-1983 et 1987 à 1994, la cour d'appel a relevé que si l'association AMS affirmait que les personnes étrangères auxquelles elle a versé des rémunérations exerçaient leur activité dans leur pays à titre libéral et indépendant, il s'agissait d'un simple allégation et qu'aucun élément de fait n'était proposé pour renverser la présomption de salariat qui permet de garantir un avantage social auquel le droit européen reconnaît une importance particulière ;
Attendu, cependant, que saisie, le 14 juin 2004, par la Commission des Communautés européennes d'un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré et arrêté (arrêt du 15 juin 2006, affaire C-255/04) qu'"en imposant une présomption de salariat aux artistes qui sont reconnus comme prestataires de services dans leur Etat membre d'origine où ils fournissent habituellement des services analogues, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE" ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier si l'action en recouvrement des cotisations litigieuses ne concernait pas les rémunérations d'artistes ressortissants d'un Etat membre de la communauté européenne, prestataires de service établis dans leur Etat membre d'origine où ils fournissaient habituellement des services analogues, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard du droit communautaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions ayant décidé que l'association Société des amis de la musique de Strasbourg doit à la Caisse des congés spectacles les cotisations et majorations de retard afférentes à l'emploi intermittent d'artistes pour les exercices 1983-1983 et 1987 à 1994 et l'ayant condamnée au paiement d'une provision, l'arrêt rendu le 19 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille six.