AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, par contrat du 13 août 1999 conclu pour une durée de trois ans, la société Les Chantiers Navals de l'Atlantique a confié à la société Sécurifrance la surveillance et la sûreté du site de ses chantiers navals et la surveillance incendie de ses navires à quai ;
qu'après rupture de ce contrat en janvier 2001, ces tâches ont été confiées à la société Centaure Sécurité et à la société Intégral Sécurity Province lesquelles, par application d'un accord collectif du 18 octobre 1995, ont repris une partie du personnel que la société Sécurifrance avait affecté à cette activité ; qu'estimant que la totalité du personnel aurait dû être reprise par application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail, la société Sécurifrance a introduit une demande de dommages-intérêts contre les sociétés qui lui ont succédé ainsi que contre les Chantiers Navals de l'Atlantique ;
Sur le pourvoi incident de la société Intégral Sécurity Province :
Vu les articles L. 122-12, alinéa 2 du code du travail et 2.5 de l'accord collectif du 18 octobre 1995, étendu, relatif à la reprise du personnel des entreprises de prévention et de sécurité ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel d'une entreprise en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une telle entité un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique autonome qui poursuit un objectif propre ; qu'en application du second, l'entreprise qui reprend un marché doit proposer la reprise d'une partie du personnel affecté à ce marché ;
Attendu que pour infirmer le jugement et décider que l'ensemble des contrats de travail des salariés affectés par la société Sécurifrance au gardiennage et à la surveillance des Chantiers Navals de l'Atlantique devait être repris par les sociétés Intégral Sécurity Province et Centaure Sécurité, la cour d'appel s'est essentiellement fondée sur ce que ces dernières, par application de l'accord collectif susvisé, ayant repris une partie essentielle en termes de nombre et de compétences des effectifs que la société Sécurifrance affectait à l'exécution du marché, l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail était applicable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ni la perte d'un marché de services au profit d'un concurrent, ni la poursuite par l'entreprise entrante, en application d'un accord collectif qui la prévoit et l'organise, des contrats de travail d'une partie des salariés affectés à ce marché ne caractérisent à eux seuls le transfert d'une entité économique autonome, de sorte que seul l'accord collectif est applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le pourvoi principal de la société Sécurifrance et sur le pourvoi incident éventuel de la société Centaure Sécurité :
Attendu que la cassation sur le pourvoi de la société Intégral Sécurity Province rend sans objet le pourvoi de la Centaure Sécurité et fait qu'il n'y a pas lieu d'examiner celui de la société Sécurifrance ;
Et vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire le 26 février 2003 ;
Condamne la société Sécurifrance aux dépens de cassation et à ceux afférents à l'instance suivie devant les juges du fond ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille six.