AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Angelo,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2005, qui, pour agressions sexuelles aggravées et atteinte à l'intimité de la vie privée, l'a condamné à 7 ans d'emprisonnement, 10 ans de suivi socio-judiciaire et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et a prononcé sur les intérêt civils ;
Vu les mémoires, personnel et ampliatif, produits ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 381 du code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 222-23 du code pénal, 381, 519 et 591 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif sur la déclaration de culpabilité, a déclaré Angelo X... coupable d'agression sexuelle imposée à une personne vulnérable, en l'occurrence, Françoise X..., son épouse, et d'atteinte à l'intimité de la vie privée de celle-ci, l'a condamné en répression à la peine de sept ans d'emprisonnement, à un suivi socio-judiciaire pendant dix ans et à l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de cinq ans ;
"aux motifs propres que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont déclaré Angelo X... coupable des faits qui lui sont reprochés et qu'il reconnaît ; que le jugement sur la déclaration de culpabilité sera confirmé ; qu'Angelo X... indique que son appel porte sur la durée de la peine d'emprisonnement ferme ; qu'il estime qu'il a besoin avant tout d'un suivi psychiatrique ; que, depuis qu'il voit un psychologue en maison d'arrêt, il tente de comprendre les raisons de son comportement et que sa place est plus à l'extérieur afin de se faire soigner et indemniser la victime ; que la peine à laquelle Angelo X... a été condamné en 1ère instance n'est pas adaptée ni à la gravité des faits ni à la personnalité d'Angelo X... ; que son appel révèle qu'il n'a nullement pris conscience que la qualification des faits qu'il a commis aurait pu être d'une autre nature et la sanction beaucoup plus rigoureuse ; (...) qu'en l'absence de circonstances atténuantes, Angelo X... doit être condamné au maximum de la peine d'emprisonnement encourue pour les faits retenus à son encontre ; que le jugement entrepris sera donc réformé sur la peine et Angelo X... condamné à la peine de 7 ans d'emprisonnement ;
qu'en outre, compte tenu des risques de récidive évoqués ci-dessus, il s'avère indispensable qu'Angelo X... soit suivi à sa sortie de prison ; qu'il convient, en application de l'article 131-36-1 du code pénal de le condamner à un suivi socio-judiciaire pendant une durée de 10 ans et de fixer à 2 ans l'emprisonnement encouru en cas d'inobservation des obligations auxquelles il devra se soumettre ;
qu'enfin, il convient de prononcer à l'encontre d'Angelo X... l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de cinq ans ;
"et aux motifs adoptés que les albums photographiques versés aux débats montrent des photos de Françoise Y... à demi dénudée alors qu'elle était endormie ; qu'il ressort du dossier et des débats qu'elles ont été prises sans son consentement ; qu'en fixant ces images à l'insu de son épouse, Angelo X... a porté atteinte à l'intimité de sa vie privée ; que certaines de ces photographies montrent l'intromission d'un doigt dans le vagin et d'un sexe d'homme dans la bouche de la victime et sont la preuve d'une atteinte sexuelle portée par surprise à la victime endormie ;
qu'Angelo X... reconnaît qu'il est l'auteur de ces atteintes sexuelles ; que l'expertise psychologique de Françoise Y... décrit une personnalité fragile ; que son état d'inconscience au moment des prises de vue la rendait particulièrement vulnérable ; qu'Angelo X... a, pour le moins profité de cette inconscience pour lui imposer les atteintes sexuelles fixées sur la pellicule ; qu'il s'est rendu coupable d'atteintes sexuelles sur une personne dont la particulière vulnérabilité lui était connue ;
"alors qu'en matière répressive, la compétence des juridictions est d'ordre public ; qu'il appartient aux juges correctionnels, saisis de la cause entière par l'appel du ministère public, de se déclarer incompétents, même d'office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle ; qu'en l'espèce, pour retenir la culpabilité d'Angelo X... du chef d'agression sexuelle sur personne vulnérable, la cour d'appel adoptant les motifs retenus par les premiers juges, a relevé l'existence d'actes de pénétration buccale et par introduction d'un doigt dans le vagin ;
que de tels faits entraient dans les prévisions de l'article 222-23 du code pénal et étaient justiciables de la cour d'assises ; qu'en s'abstenant dès lors de se déclarer, même d'office, incompétente pour en connaître, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 222-23 du code pénal, 381 et 519 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière répressive, la compétence des juridictions est d'ordre public; qu'il appartient aux juges correctionnels, saisis de la cause entière par l'appel du ministère public, de se déclarer incompétents, même d'office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle ;
Attendu que, pour déclarer Angelo X... coupable d'agression sexuelle aggravée, l'arrêt attaqué, adoptant les motifs retenus par les premiers juges, après avoir rappelé que certaines des photographies versées aux débats représentent l'épouse de celui-ci subissant par surprise, pendant son sommeil, l'intromission d'un doigt dans son vagin et d'un sexe d'homme dans sa bouche, relève que le prévenu reconnaît être l'auteur de ces atteintes sexuelles ;
Mais attendu que de tels faits, qui entrent dans les prévisions de l'article 222-23 du code pénal, se trouvent justiciables de la cour d'assises ; qu'ainsi, la juridiction correctionnelle, qui avait été saisie par voie de citation directe, était incompétente pour en connaître ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 16 décembre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Et, pour le cas où la cour d'appel de renvoi déclarerait l'incompétence de la juridiction correctionnelle et où, par suite, il existerait, entre cette décision et l'ordonnance du juge d'instruction renvoyant les prévenus devant ladite juridiction, une contradiction entraînant un conflit négatif de juridiction ;
REGLANT DE JUGES, dès à présent sans s'arrêter à l'ordonnance du juge d'instruction, laquelle sera considérée comme non avenue ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;