LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Y... Cornely, Y... Emmanuel-Dieudonné, F...-Koumba Assia, épouse Y..., Y... Kévin, Y...-Akoumia Aymone, Y...
A... Rosine, Y...
B... Carine, Y... Nilsen, Y... Pea Thierry, Y... Serge, Y... Simon, Y... Théophile, Y...-G... Brice, E... Pauline, épouse F...,
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Odette, épouse Y..., F... Anicet, F... Antoinette, F... Ben, F... Bernadette, F... Jean, F... Louis, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2005, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de I... Cécile, O... Kamel, K... Mohamed et L... Marie-Lise, épouse M..., du chef d'homicide involontaire AR ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs, et les mémoires en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 18 août 2002, six adolescents encadrés par Choukri N... et Cécile I..., animateurs saisonniers employés par la commune de Joué-lès-Tours, se sont rendus sur un site où se trouvaient six plans d'eau, dont cinq dans lesquels la baignade était interdite et un bassin comportant une zone dont l'accès était permis sous le contrôle d'un surveillant de baignade ; que cette sortie avait été autorisée par Kamel
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et Mohamed K..., animateurs permanents de la commune, après l'obtention d'un ordre de mission de Marie-Lise M..., coordonnatrice pédagogique ; qu'en dépit des consignes de sécurité données par Kamel
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et Mohamed K..., et des panneaux implantés sur les lieux, qui rappelaient la réglementation applicable aux différents plans d'eau, Choukri N... et Cécile I... ont laissé les adolescents s'aventurer dans un bassin où la baignade était interdite ; que Simon Y..., qui ne savait pas bien nager, a rapidement montré des signes de fatigue, et qu'il a disparu sous la surface de l'eau après avoir appelé à l'aide ; que Choukri N... a plongé en vain à sa recherche, et que le surveillant de baignade, appelé par Cécile I..., n'a retrouvé l'adolescent qu'au bout d'un quart d'heure, en raison de la profondeur du bassin et de l'opacité de l'eau ; que la victime, qui n'a pu être ranimée par les services de secours, est décédée ;
Attendu que les expertises réalisées au cours de l'information ont mis en évidence une hypertrophie ventriculaire gauche, à l'origine de la syncope dont a été victime Simon Y... ;
Attendu que Choukri N..., Cécile I..., Kamel
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, Mohamed K... et Marie-Lise M... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire ; que, par jugement rendu par défaut à l'égard de Choukri N..., celui-ci et Cécile I... ont seuls été déclarés coupables et condamnés à indemniser les parties civiles ; que, sur les appels de celles-ci, de Cécile I... et du ministère public à l'encontre de cette dernière, l'arrêt a annulé les citations délivrées à la commune de Joué-lès-Tours devant le tribunal correctionnel et la juridiction du second degré, a relaxé Cécile I... et a rejeté les demandes des parties civiles ;
En cet état ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 551,565,593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulle la citation délivrée le 16 février 2005 par les parties civiles à la mairie de Joué-lès-Tours, tendant à voir déclarer commun et opposable à la commune le jugement à intervenir consécutivement aux poursuites engagées contre les prévenus ; " aux motifs qu'en application de l'article 551 du code de procédure pénale, la citation à comparaître devant le tribunal correctionnel délivrée soit à la requête du ministère public soit à la requête de la partie civile, doit préciser la qualité du prévenu, de civilement responsable ou de témoin de la personne citée, doit énoncer le fait poursuivi et viser les textes de loi qui le réprime ; en l'espèce, la citation du 16 février 2005 délivrée à la mairie de Joué-lès-Tours ne précise pas le titre auquel celle-ci serait citée, et ne vise aucun texte ; cette citation ne permet donc pas à la commune de savoir en quelle qualité elle a été attraite à la procédure pénale pendante devant le tribunal correctionnel ; l'absence de ces mentions porte nécessairement atteinte aux intérêts de la commune de Joué-les-Tours au sens de l'article 565 du code de procédure pénale, en ne lui permettant pas d'organiser utilement sa défense ; dès lors, il y a lieu de confirmer la nullité de la citation prononcée par le jugement de première instance ; " alors qu'en vertu de l'article 565 du code de procédure pénale, la nullité de la citation ne peut être prononcée que si la personne citée a pu avoir un doute sur la portée de l'acte ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée si le maire de la commune n'avait pas admis avoir connaissance qu'il assumait la responsabilité civile des prévenus poursuivis pour homicide involontaire à l'occasion d'activités organisées par la commune, et avait saisi à ce titre les compagnies d'assurances, et ne pouvait dès lors ignorer ni à quel titre la commune était poursuivie, les juges du fond ont privé leur décision des motifs propres à la justifier " ;
Attendu que, pour confirmer l'annulation de la citation délivrée à " la mairie de Joué-lès-Tours " d'avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel, l'arrêt retient que, contrairement aux exigences de l'article 551 du code de procédure pénale, cet acte ne précise pas la qualité de prévenu, de civilement responsable ou de témoin de la personne citée, et ne vise aucun texte ; que les juges ajoutent que l'absence de ces mentions porte nécessairement atteinte aux intérêts de la commune, en ne lui permettant pas d'organiser sa défense ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3,221-6 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Cécile I... des fins de la poursuite et a débouté les parties civiles de leurs demande ; " aux motifs que le médecin légiste le docteur O P... a conclu que le décès du jeune Simon pouvait être la conséquence d'une noyade favorisée par un état pathologique du coeur ; que le docteur Q... antomopathologiste a conclu que la noyade était secondaire à la pathologie cardiaque directement responsable du décès ; que les docteurs R...et S...ont indiqué que le diagnostique de la noyade par submersion vitale pouvait être porté avec certitude ; que le docteur O P...dans un rapport complémentaire a conclu que la noyade vitale pouvait être exclue ; que, selon la contre-expertise des professeurs T...et U..., il n'y avait pas de contradiction entre la pratique sportive intensive et l'absence d'anomalie cardiaque ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre la faute de Cécile I... et le décès de la victime n'est pas établi puisque la cause du décès ne peut être imputée avec certitude à une noyade ; la pathologie cardiaque était suffisamment grave pour provoquer la mort ; " alors que, d'une part, il résulte du jugement que les prévenus encadraient un groupe de jeunes de 14 à 16 ans dont l'un, qui ne savait pas nager correctement, s'est noyé dans un bassin de cinq mètres interdit à la baignade ; que si une surveillance attentive avait été effectuée sous le contrôle d'un maître nageur compétent équipé d'un matériel de secours dans un bassin ne dépassant pas 150 cms, l'intervention de ce dernier aurait été plus rapide et l'adolescent aurait pu être sauvé ; qu'en infirmant le jugement entrepris et en relaxant la prévenue des fins de la poursuite par les motifs précités, sans rechercher si elle avait accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions de ses fonctions, de ses compétences, des pouvoirs et des moyens dont elle disposait, et dans l'hypothèse où elle n'aurait pas directement causé le dommage, si elle n'avait pas, contribué à créer la situation ayant permis sa réalisation, ou s'était abstenu de prendre les mesures permettant de l'éviter et n'avait pas soit violé de manière manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait pas ignorer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; " alors que, d'autre part, l'homicide involontaire est retenu dès lors qu'il est établi que le prévenu a commis une faute d'imprudence ou de négligence en relation de cause à effet avec le décès de la victime ; que l'état pathologique de la victime révélé ou déclenché à l'occasion de l'accident mortel ne saurait avoir pour conséquence d'exonérer le prévenu de sa responsabilité ni de supprimer le lien de causalité entre la faute du prévenu et l'accident ayant conduit au décès de la victime " ; Vu les articles 121-3 et 221-6 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que l'imputabilité du dommage corporel doit être appréciée sans qu'il soit tenu compte des prédispositions de la victime dés lors que ces prédispositions n'avaient pas déjà eu des conséquences préjudiciables au moment où s'est produit le fait dommageable ;
Attendu que, pour renvoyer Cécile I... des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire, l'arrêt infirmatif attaqué retient que le lien de causalité entre la faute de l'intéressée et le décès de la victime n'est pas établi puisque la cause du décès ne peut être imputée avec certitude à une noyade ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si, d'une part, la décompensation de la pathologie cardiaque congénitale, dont Simon Y... était atteint, n'avait pas été provoquée par l'effort intense déployé par la victime, qui ne savait pas bien nager, afin de progresser dans un bassin de cinq mètres de profondeur interdit à la baignade, et, d'autre part, dans l'affirmative pour les besoins de l'action civile, si le décès n'entretenait pas un lien direct ou indirect, avec les fautes pouvant être reprochées à Cécile I..., Mohamed K..., Kamel
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, et Marie-Lise M..., la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés ;
CASSE et ANNULE l'arrêt précité de la cour d'appel d'Orléans, en date du 22 novembre 2005, en toutes ses dispositions relatives à l'action civile, autres que celles déclarant irrecevables les citations délivrées à la commune de Joué-lès-Tours ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil DAR ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mme Radenne, M. Guerin conseillers de la chambre, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ; Avocat général : M. Launay ; Greffier de chambre : Mme Lambert ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;