AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, ordonne la jonction des pourvois n° D 06-40.346, F 06-40.347 et E 06-40.348 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (cour d'appel de Montpellier, 16 novembre 2005), que MM. X..., Y... et Z..., salariés de la société Reagroup, détenteurs de mandats syndicaux ont saisi la juridiction prud'homale par requêtes en date du 20 janvier 2003 d'une demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Sur la première branche du premier moyen, commune aux pourvois n° D 06-40.347 et n° E 06-40.348, et sur les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi n° D 06-40.347 :
Attendu qu'il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir dit que la règle de l'unicité de l'instance ne peut être opposée à MM. Y... et X... et d'avoir confirmé les jugements entrepris en toutes leurs dispositions, alors, selon le moyen :
1 / que le principe de l'unicité de l'instance est opposable dès lors que les demandes successives concernent le même contrat de travail et que les causes du second litige étaient connues lors de la première instance ; qu'en l'espèce, lors de la seconde instance, M. X... se prévalait de faits de discrimination pour partie antérieurs à la fin de la première instance ; qu'en retenant que la créance de M. X... ne serait cependant devenue exigible que postérieurement, ensuite d'une lettre de l'inspecteur du travail l'employeur du 16 juillet 2002, sans expliquer en quoi cette lettre aurait retardé l'exigibilité d'une créance dont le fait générateur était antérieur à l'extinction de la première instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-1 du code du travail ;
2 / qu'en l'espèce, M. X... indiquait dans ses écritures que "si l'on admet que les prétentions de discriminations syndicales se soient éteintes avec la procédure engagée en 1998, leur fondement renaît après, puisque la discrimination s'est poursuivie bien au-delà de cette extinction" ; ce dont il se déduisait que M. X... admettait que seuls les éventuels faits de discrimination postérieurs à l'extinction de la première instance pouvaient être sanctionnés ; qu'en écartant en termes généraux la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;
3 / qu'enfin, et en tout état de cause qu'en retenant d'office que la lettre de l'inspecteur du travail du 16 juillet 2002 aurait marqué la date d'exigibilité de la créance de M. X..., et ce sans solliciter les observations préalables des parties à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a fait ressortir que le préjudice né de la discrimination s'était poursuivi après l'extinction de la première instance ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a pas méconnu les termes du litige ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel n'a pas retenu d'office un document qui était dans le débat ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° D 06-40.346 et le deuxième moyen des pourvois n° E 06-40.347 et n° F 06-40.348, qui sont communs :
Attendu qu'il est fait grief aux arrêts confirmatifs attaqués d'avoir condamné la société Renault France Automobiles à verser une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale en matière de salaire, alors, selon le moyen :
1 / qu'une mesure discriminatoire est nulle de plein droit de telle sorte que l'employeur, qui doit rétablir le salarié, victime de cette mesure, dans ses conditions de travail antérieures, est amené à lui allouer de simples rappels de salaire correspondant à une reconstitution de carrière ; que la nullité et les mesures de remise en état qui s'ensuivent se prescrivent par cinq ans ; qu'en relevant que "l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par trente ans" alors même que sous couvert de réparation d'un préjudice, elle allouait des rappels de salaire, au titre d'une remise en état se prescrivant par cinq ans, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil ;
2 / que toutes les créances, même indemnitaires, qui ont leur cause dans la relation de travail se prescrivent par cinq ans en application de l'article L. 143-14 du code du travail ; qu'en réservant un sort particulier à la créance indemnitaire liée à une éventuelle discrimination syndicale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale se prescrit par 30 ans ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° D 06-40.346, et sur les troisièmes moyens des pourvois n° E 06-40.347 et n° F 06-40.348, qui sont réunis :
Attendu qu'il est fait grief aux arrêts confirmatifs attaqués d'avoir condamné la société Renault France Automobiles à verser une somme à titre de dommages-intérêts en matière de salaires aux salariés, alors, selon les moyens :
1 / que la mise en oeuvre de l'article L. 122-45 du code du travail suppose que dans un premier temps le juge se voie soumettre des éléments susceptibles de caractériser une disparité au désavantage du salarié par comparaison avec d'autres salariés de même ancienneté et de même niveau professionnel ; que viole ce texte l'arrêt qui dispense M. Z... de la condition relative à l'identité de niveau professionnel et qui refuse ainsi de prendre en considération la classification du personnel avant que l'employeur n'ait préalablement justifié de l'objectivité des tests internes et de la réussite à ceux-ci des salariés ayant accédé à un niveau supérieur ;
2 / que la société Reagroup exposait que, selon les accords collectifs, les changements d'échelon supposaient la réussite des salariés à des essais professionnels ; qu'en considérant que cette société, n'aurait pas, ce faisant, contesté l'identité de niveau professionnel entre le requérant et les salariés objet de la comparaison, la cour d'appel a dénaturé les écritures de l'exposante et violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que les associés collectifs régissant les classifications professionnelles sont applicables à l'ensemble des salariés liés l'employeur par un contrat de travail de sorte qu'en refusant de considérer comme opposable à M. Z... les critères prévus par lesdits accords ainsi que la procédure d'application dans l'entreprise, la cour d'appel de Montpellier a violé par refus d'application l'article L. 135-2 du code du travail ainsi que l'accord national de la métallurgie sur les classifications du 21 juillet 1975 et 3-03 de la convention collective des services de l'automobile ;
4 / que, subsidiairement, que la société Reagroup indiquait dans ses écritures que les essais professionnels font intervenir de multiples éléments d'appréciation, aux fins de limiter la subjectivité des examinateurs, lesquels sont au surplus extérieurs à l'établissement dans lequel travaille le candidat ; qu'en refusant de s'expliquer à cet égard la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-45 du code du travail ;
5 / qu'enfin, s'agissant de M. Z... que l'employeur indiquait que depuis le 23 juin 1992, le contrat de travail de M. Z... se trouvait suspendu de telle que pour la période postérieure à cette date, aucun fait de discrimination ne pouvait plus être imputée à l'exposante qui, à l'égard de son salarié, n'avait plus d'autre obligation que de le réintégrer dans son emploi à l'issue de la période de suspension ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
6 / qu'enfin et encore plus subsidiairement, s'agissant de M. X... que l'employeur est tenu de justifier des différences de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
qu'en l'espèce, n'étaient contestées ni la mauvaise appréciation de la productivité de M. X..., ni à l'inverse, la qualité de "bon professionnel" de M. A..., seul salarié de même échelon que M. X... et mieux payé que lui ; qu'en considérant que ces éléments objectifs ne suffisaient pas pour établir l'absence de discrimination et qu'il revenait à l'employeur d'établir une "différence flagrante" entre les salariés quant à la productivité, la cour d'appel a violé l'article L. 122-45 du code du travail ;
Mais attendu que les deux premières branches du moyen manquent en fait ;
Et attendu que la cour d'appel qui a fait ressortir par motifs propres et adoptés, que, indépendamment des dispositions de la convention collective, l'employeur ne justifiait pas par des éléments objectifs la disparité de traitement constatée au détriment des salariés, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Reagroup Provence Languedoc Roussillon aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Reagroup Provence Languedoc Roussillon à payer à MM. Z..., X... et Y..., la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille sept.