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21/12/2007 | FRANCE | N°06-12769

France | France, Cour de cassation, Chambre mixte, 21 décembre 2007, 06-12769


LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par Mme Hélène X..., épouse Y..., domiciliée...,

contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2006 par la cour d'appel de Chambéry (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à l'administration fiscale, dont le siège est 139 rue de Bercy,75012 Paris,
défenderesse à la cassation ;

Par arrêt du 12 juin 2007, la chambre commerciale, financière et économique a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 29 novembre 2007

, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première et deuxième chamb...

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par Mme Hélène X..., épouse Y..., domiciliée...,

contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2006 par la cour d'appel de Chambéry (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à l'administration fiscale, dont le siège est 139 rue de Bercy,75012 Paris,
défenderesse à la cassation ;

Par arrêt du 12 juin 2007, la chambre commerciale, financière et économique a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 29 novembre 2007, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première et deuxième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique ;

La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de Mme Y... ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat, avocat de l'administration fiscale ;
Des observations en réplique ont également été déposées par la SCP Célice, Blancpain et Soltner ;
Le rapport écrit de M. Falcone, conseiller, et l'avis écrit de M. Sarcelet, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 7 décembre 2007, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mme Favre, MM. Bargue, Gillet, présidents, M. Falcone, conseiller rapporteur, Mme Garnier, MM. Mazars, Pluyette, Mme Betch, MM. Gallet, Breillat, Potocki, Prétot, conseillers, M. Sarcelet, avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. Falcone, conseiller, assisté de M. Barbier, greffier en chef au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, de la SCP Thouin-Palat, l'avis de M. Sarcelet, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry,17 janvier 2006), que Serge G..., qui avait souscrit deux contrats d'assurance-vie en 1994 et 1995 et versé une somme totale de 16 500 000 francs, a, par avenant du 27 août 1996, désigné Mme X..., épouse Y..., comme seule bénéficiaire ; qu'il est décédé le 30 août 1996, laissant celle-ci comme légataire universelle ; qu'au cours du contrôle de la déclaration de succession de Serge G..., l'administration fiscale a notifié un redressement à Mme Y... aux motifs que les versements effectués au titre des contrats d'assurance-vie constitueraient une donation indirecte ; qu'après rejet de sa réclamation, Mme Y... a assigné le directeur des services fiscaux de la Haute-Savoie pour obtenir le dégrèvement de l'imposition et des pénalités mises à sa charge ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer la procédure de redressement bien fondée et de rejeter ses demandes dirigées contre les avis de mise en recouvrement émis à son encontre, alors, selon le moyen :
1° / qu'il résulte de l'article 894 du code civil qu'un acte juridique ne peut être qualifié de donation que s'il réunit les trois conditions suivantes : l'intention libérale de son auteur, le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur et l'acceptation par le bénéficiaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se borne, en ce qui concerne la troisième condition, à relever que l'acceptation d'une donation indirecte n'est pas soumise aux solennités requises à l'article 932 du code civil sans caractériser l'acceptation d'un quelconque donataire ; que dès lors la cour s'est prononcée par un motif inopérant, entachant ainsi sa décision de défaut de base légale au regard des articles 894 du code civil et 784 du code général des impôts ;
2° / que la donation est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ; que la souscription d'un contrat d'assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte au profit du bénéficiaire, dès lors que la faculté de rachat dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat, à défaut d'acceptation du bénéficiaire, exclut qu'il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l'article 894 du code civil ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le souscripteur avait conservé jusqu'à son décès la faculté de modifier les clauses des contrats litigieux, ce dont il résultait que ces contrats étaient demeurés rachetables jusqu'au décès, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé et de l'article 784 du code général des impôts, qu'elle a donc violés ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'acceptation d'une donation dans les formes prescrites par les articles 932 et suivants du code civil n'est exigée que pour la donation passée en la forme authentique et peut résulter de l'attribution du bénéfice du contrat ;
Attendu, d'autre part, qu'un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ; que la cour d'appel, qui a retenu que Serge G... qui se savait, depuis 1993, atteint d'un cancer et avait souscrit en 1994 et 1995 des contrats dont les primes correspondaient à 82 % de son patrimoine, avait désigné, trois jours avant son décès, comme seule bénéficiaire la personne qui était depuis peu sa légataire universelle, a pu en déduire, en l'absence d'aléa dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat et l'existence chez l'intéressé d'une volonté actuelle et irrévocable de se dépouiller ; qu'elle a exactement décidé que l'opération était assujettie aux droits de mutation à titre gratuit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président, en son audience publique du vingt et un décembre deux mille sept.
Moyen produit par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour Mme Y...

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la procédure de redressement bien fondée, et rejeté l'ensemble des demandes de Mme Y... dirigées contre les avis de mise en recouvrement émis à son encontre ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments soumis au débat contradictoire que le montant de l'actif de la succession investi par Serge G... dans les contrats d'assurance-vie litigieux représente 82 % de son patrimoine ; que le montant des primes, au regard des possibilités patrimoniales du souscripteur, exclut que ces actes aient été inscrits dans une opération de simple prévoyance ; que l'administration fiscale soutient à juste titre que l'intention libérale de Serge G... à l'égard de Mme Y... résulte de plusieurs éléments de fait, en l'occurrence l'existence de liens affectifs entre eux..., la rédaction par Serge G..., le 22 août 1996, d'un testament instituant Mme Y... sa légataire universelle, l'établissement, le 26 août 1996, des avenants aux contrats d'assurance vie la désignant comme seule bénéficiaire de ceux-ci et l'absence de toute contrepartie à la souscription des contrats... ; qu'en raison de l'état de santé du souscripteur, touché par un cancer dont il se savait atteint depuis 1993..., avant la souscription des contrats d'assurance vie... il ne peut être sérieusement contesté qu'en modifiant ces contrats par les avenants litigieux le 27 août 1996, soit trois jours seulement avant son décès, après avoir, dans les jours précédents, institué Mme Y... sa légataire universelle, Serge G..., informé ou conscient de l'issue fatale et imminente de sa maladie, a manifesté la volonté de se dépouiller, de façon irrévocable, au profit exclusif de Mme Y..., des sommes investies, d'un montant de 2 515 408,78 euros (16 5000 000 F) et ce dans l'unique but d'éluder les droits d'enregistrement ; que l'acceptation d'une donation suivant les formes prescrites par les articles 932 et suivants du code civil n'est exigée que pour les donations passées en la forme authentique ; que l'attribution du bénéfice des contrats litigieux constitue une donation déguisée, comme telle non soumise à ce formalisme et rapportable à la succession par référence aux primes versées, conformément aux dispositions de l'article 784 du code général des impôts » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 894 du code civil qu'un acte juridique ne peut être qualifié de donation que s'il réunit les trois conditions suivantes : l'intention libérale de son auteur, le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur et l'acceptation par le bénéficiaire ; qu'en l'espèce, la Cour se borne, en ce qui concerne la troisième condition, à relever que l'acceptation d'une donation indirecte n'est par soumise aux solennités requises à l'article 932 du code civil sans caractériser l'acceptation d'un quelconque donataire ; que, dès lors, la Cour s'est prononcée par un motif inopérant, entachant ainsi sa décision de défaut de base légale au regard des article 894 du code civil et 784 du code général des impôts.
ALORS, D'AUTRE PART QUE la donation est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ; que la souscription d'un contrat d'assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte au profit du bénéficiaire, dès lors que la faculté de rachat dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat, à défaut d'acceptation du bénéficiaire, exclut qu'il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l'article 894 du code civil ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le souscripteur avait conservé jusqu'à son décès la faculté de modifier les clauses des contrats litigieux, ce dont il résultait que ces contrats étaient demeurés rachetables jusqu'au décès, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé et de l'article 784 du code général des impôts, qu'elle a donc violés.


Synthèse
Formation : Chambre mixte
Numéro d'arrêt : 06-12769
Date de la décision : 21/12/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Donations - Donations sous forme d'autres contrats - Contrat d'assurance-vie - Condition

DONATION - Irrévocabilité - Caractérisation - Applications diverses ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Contrat non dénoué - Droit personnel du souscripteur - Volonté irrévocable de se dépouiller - Caractérisation - Portée ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Contrat non dénoué - Droit personnel du souscripteur - Faculté de rachat - Exercice - Renonciation - Preuve ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Eléments constitutifs - Aléa - Caractérisation - Défaut - Portée

Un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. Dès lors une cour d'appel qui a retenu que le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie qui se savait, depuis 1993, atteint d'un cancer et avait souscrit en 1994 et 1995 des contrats dont les primes correspondaient à 82 % de son patrimoine, avait désigné, trois jours avant son décès, comme seule bénéficiaire la personne qui était depuis peu sa légataire universelle, a pu en déduire, en l'absence d'aléa dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat et l'existence chez l'intéressé d'une volonté actuelle et irrévocable de se dépouiller ; elle a exactement décidé que l'opération était assujettie aux droits de mutation à titre gratuit prévus à l'article 784 du code général des impôts


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 17 janvier 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. mixte., 21 déc. 2007, pourvoi n°06-12769, Bull. civ. 2007, ch. mixte., N° 13
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, ch. mixte., N° 13

Composition du Tribunal
Président : M. Lamanda (premier président)
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: M. Falcone, assisté de M. Barbier, greffier en chef
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.12769
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