LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3323-4, alinéa 2, du code de la santé publique tel qu'issu de la loi du 25 février 2005, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques ne peut comporter que des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ;
Attendu que l'Interprofession des vins du Val-de-Loire (InterLoire) et la société Alternative, agence de publicité, ont fait publier dans la revue "Sciences et Vie" éditée par la société Excelsior publications, une publicité consacrée au Cabernet d'Anjou, représentant, sous l'accroche "Cabernet d'Anjou : Qui ose dire que jeunesse ne rime pas avec délicatesse ?", deux verres de vin s'entrechoquant, accompagnés de légende "Cabernet d'Anjou AOC : Voilà des jeunes qui n'ont pas peur d'exprimer la délicatesse. Grâce à leur terroir il ne font qu'apprécier, dès leur plus jeune âge et sans complexe, la finesse de leur bouquet et leur fraîcheur aromatique" ; que l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) a saisi le juge des référés pour voir interdire la poursuite de cette publicité qu'elle estime contraire aux dispositions d'ordre public de l'article du code de la santé publique précité ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la publicité en cause ne comporte aucune mise en scène extérieure au produit, la représentation du vin ne pouvant se faire autrement qu'au travers d'une bouteille ou de verres remplis et les couleurs choisies en rapport avec celle du vin n'impliquant pas de prime abord une référence à la convivialité incitant à la boisson, que le point de savoir si le positionnement de deux verres à pied qui s'entrechoquent évoque le geste de trinquer et appelle à la consommation suppose une appréciation subjective excédant le pouvoir du juge des référés, que ce dernier ne peut non plus, sans appréhender la publicité litigieuse au-delà de son apparence considérer que l'accroche est illicite en ce qu'elle décrit à la fois les caractéristiques du produit et les qualités d'un consommateur auquel le lecteur est appelé à s'identifier, que l'emploi d'une telle formule pour souligner la spécificité de ce vin de Loire, consommable dès son plus jeune âge et l'utilisation du terme "jeune" conforme à l'originalité du Cabernet d'Anjou n'étant pas a priori inadaptés à la promotion du produit, la volonté d'employer cette formule dans le but d'inciter le jeune public à la consommation n'est pas flagrante, que les mots "jeunesse" et délicatesse" pouvant s'appliquer objectivement aux qualités gustatives du produit, il n'est pas évident que l'utilisation de ces termes pour promouvoir ce vin excède les limites de la publicité autorisée par la loi ;
Qu'en statuant ainsi quand le message de la publicité litigieuse ne se bornait pas en la reprise des caractéristiques objectives et techniques du produit, mais renvoyait sans ambiguïté au comportement humain selon une technique justement qualifiée par le premier juge de "manipulation des affects" et constituait d'évidence une incitation à la consommation de cette boisson alcoolique, de sorte que l'existence du trouble manifestement illicite invoqué était avérée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille huit.