LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 6 mars 1998 jusqu'au 11 juillet 2003 par la société du Spectacle en qualité d'assistante-monteur et assistante-réalisateur dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société du Spectacle fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié ses relations avec Mme X... en contrat de travail à durée indéterminée, d'avoir en conséquence dit que Mme X... avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à payer à cette dernière diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur et le salarié peuvent être liés par une série de contrats de travail à durée déterminée dès lors qu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée dans le secteur d'activité de l'employeur ; qu'en se fondant sur des circonstances inopérantes tirées de l'absence de précision dans les contrats sur l'emploi tenu par Mme X... ou du caractère permanent de cet emploi, sans rechercher s'il était d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée dans le secteur d'activité de son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1-1 et D. 121-2 du code du travail ;
2°/ qu'en reprochant à la société du Spectacle de ne pas prouver qu'il existait un usage dans la profession de pourvoir à l'emploi de
Mme X... par des contrats de travail à durée déterminée, quand il lui appartenait de se prononcer sur l'existence d'un usage de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1-1 et D. 121-2 du code du travail ;
Mais attendu que s'il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10, alinéa 2 et D. 121-2, devenus respectivement L. 1242-1, L. 1242-2, 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Et attendu d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé, s'agissant des années 1998 et 1999, que l'absence de précision des "lettres d'engagement" sur les fonctions réelles de l'intéressée ne permettait pas d'apprécier l'existence d'un usage permettant de recourir à des contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir le poste qu'elle occupait ni le caractère temporaire de l'emploi occupé, et s'agissant des fonctions exercées à compter du 1er septembre 1999, qu'elles étaient celles de documentaliste et que l'employeur ne démontrait pas qu'il existait un usage dans la profession de pourvoir cet emploi par des contrats de travail à durée déterminée, a, abstraction faite d'un motif surabondant sur la correspondance de l'emploi à l'activité normale et permanente de l'entreprise, statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le pourvoi incident de la salariée :
Vu l'article L. 122-3-13 du code du travail recodifié sous les numéros L. 1245-1 et L. 1245-2 ;
Attendu que pour fixer à 1 500 euros le montant de l'indemnité de requalification allouée à Mme X..., la cour d'appel a retenu qu'il y avait lieu de faire application de l'article L. 122-3-13 susvisé et qu'il devait être tenu compte du préjudice subi par la salariée du fait de la durée de la situation précaire dans laquelle elle avait été maintenue du fait de l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'article L. 122-3-13, recodifié sous les numéros susvisés, prévoit que l'indemnité de requalification ne peut être inférieure à un mois de salaire et que son arrêt a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire mensuel brut à 3 145,26 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à 1 500 euros le montant de l'indemnité de requalification allouée à Mme X..., l'arrêt rendu le 21 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société du Spectacle à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille huit.