LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2007), que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), relevant que M. X... avait communiqué des informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société anonyme
X...
(la société) dont il était le président du conseil d'administration, et ainsi contrevenu aux dispositions des articles 2, 3 et 4 du règlement n° 98-07 de la COB relatif à l'obligation d'information du public, repris par les articles 222-1 à 222-3 du règlement général de l'AMF, a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 60 000 euros, assortie d'une mesure de publication ; que M. X... a formé un recours contre cette décision ;
Sur le premier moyen ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité personnelle au titre des manquements reprochés, alors, selon le moyen :
1°/ que la procédure de sanction pour manquement aux obligations d'information du public ne constitue pas une procédure de responsabilité civile, mais une procédure de nature pénale au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que cette procédure est en conséquence soumise au principe de l'application rétroactive des lois plus douces à des faits antérieurs ; que l'arrêté du 4 janvier 2007 modifiant le règlement général de l'AMF a supprimé, en son nouvel article 221-1, la disposition antérieure déclarant applicables aux dirigeants de l'émetteur les obligations relatives à l'information du public (art. 1er du règlement COB n° 98-07 et ancien article 222-1 du règlement général de l'AMF) ; que cette suppression bénéficiait en conséquence à M. X..., ce bénéfice définitivement acquis rendant sans effet à son égard le rétablissement ultérieur de la disposition initiale par un arrêté du 26 février 2007 ; qu'en faisant néanmoins application de "l'article 1 du règlement COB n° 98-07 alors applicable", la cour d'appel a violé les articles 112-4 du code pénal et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que les articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier n'ayant pour objet que de fixer les pouvoirs d'injonction et de sanction de l'AMF mais ne contenant aucune disposition sur les personnes punissables, la référence à ces textes, même pris en "combinaison" avec le précédent qui était abrogé, constitue un motif inopérant au regard de ces articles, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'aux termes de l'article 632-1 du règlement général de l'AMF, seul applicable en vertu du principe précité de rétroactivité des lois plus douces, toute personne doit s'abstenir de communiquer ou de diffuser sciemment des informations donnant des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d'appel public à l'épargne ; qu'en retenant que "M. X..., président du conseil d'administration et chargé de la communication financière du groupe, ne s'est jamais prévalu d'un défaut de connaissance du caractère fallacieux de l'information communiquée", cependant que, dans ses conclusions, M. X... faisait valoir qu' "il est essentiel de relever que l'AMF ne remet pas en cause le fait que les données communiquées au marché dans les communiqués critiqués ont toujours été conformes à celles dont disposaient la société et M. X... au moment de leur diffusion, que l'AMF l'admet expressément en relevant dans sa décision que les écarts constatés sur le poste client le 29 décembre 2003 "n'étaient pas connus au moment des communiqués antérieurs ", qu'il "n'a jamais été animé de l'intention de communiquer une information inexacte, imprécise ou trompeuse" et que "l'AMF a expressément reconnu dans sa décision que les écarts constatés sur le poste client le 29 décembre 2003 n'étaient pas connus au moment des communiqués antérieurs ", la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en s'abstenant en conséquence de caractériser en quoi M. X... aurait agi "sciemment", condition indispensable pour qu'il puisse être recherché en tant que personne physique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 632-1 du règlement général de l'AMF, 112-4 du code pénal et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°/ qu'au surplus, la cour d'appel ne pouvait tout à la fois énoncer qu'"il ne lui est pas fait grief d'avoir communiqué des données comptables inexactes" mais que "M. X... ne s'est jamais prévalu d'un défaut de connaissance du caractère fallacieux de l'information consignée" sans se contredire, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier et de l'article 1er du règlement n° 98-07 de la COB, alors applicable, qu'une sanction pécuniaire peut être prononcée à l'encontre de toute personne, physique ou morale, ayant manqué aux obligations d'information du public définies par ce règlement ; que dès lors, c'est à bon droit, que la cour d'appel a retenu que M. X... pouvait être sanctionné au titre des manquements commis par lui en qualité de dirigeant de la société émettrice, à l'obligation d'information imposée à celle-ci ;
Et attendu, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 632-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers n'exigent pas d'établir le caractère intentionnel de la communication d'une information donnant des indications inexactes, imprécises ou trompeuses ; qu'en relevant, par motifs propres et adoptés, qu'à plusieurs reprises, M. X..., en sa qualité de responsable de la communication financière au sein du groupe, avait communiqué des informations trop optimistes sur la situation de la société, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées à la quatrième branche du moyen, a, par des motifs exempts de contradiction et sans méconnaître les termes du litige, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu à son encontre des manquements aux articles 2 et 3 du règlement COB n° 98-07, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, n'incriminait que les pratiques "qui ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché" ; qu'en se fondant exclusivement sur le caractère prétendument intrinsèquement trompeur des communiqués litigieux, sans rechercher si, comme il était soutenu, il n'en était résulté aucun effet concret faussant le fonctionnement du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
2°/ qu'en retenant le communiqué du 15 avril 2002 parmi ceux pour lesquels M. X..., "alerté par les commissaires aux comptes", "aurait dû informer le public des réserves" formulées par eux, sans s'expliquer sur le fait que, publié à une date où les commissaires aux comptes n'avaient encore émis aucune réserve, ce communiqué ne pouvait encourir le grief formulé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 3 du règlement COB n° 98-07 qu'elle prétend appliquer ;
3°/ que ne constitue pas une atteinte à l'information du public le simple défaut de rappel d'une information déjà connue du public ; qu'en retenant que les communiqués litigieux auraient dû faire état des réserves émises par les commissaires aux comptes et qu'il "import(ait) peu que ces réserves aient figuré par ailleurs dans la documentation de référence de la société" et que les rapports les contenant aient été publiés au Bulletin des annonces légales obligatoires, cependant que ces publications emportaient que l'existence des réserves était connue du public, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du règlement COB n° 98-07 qu'elle prétend appliquer ;
4°/ que, pour la même raison, en retenant que les mêmes communiqués faisaient état de "données consolidées pro forma" sans préciser que les évolutions n'étaient pas évaluées à périmètre constant, de sorte que le public était incité à croire à des évolutions à périmètre constant, cependant qu'elle constate elle-même que le choix de cette formule dérogatoire, qui n'était pas irrégulière en elle-même, avait été mentionné dans les documents de référence ainsi que publié au Bulletin des annonces légales obligatoires, et ainsi porté à la connaissance du public, la cour d'appel a pareillement violé les articles 2 et 3 du règlement COB n° 98-07 qu'elle prétend appliquer ;
5°/ qu'en reprochant au communiqué du 11 avril 2003 de ne préciser que les comptes 2002 n'avaient pas été audités, sans répondre aux conclusions faisant valoir que cette omission avait été réparée par la publication effectuée quelques jours plus tard au Bulletin des annonces légales obligatoires et que les chiffres ainsi publiés correspondaient à ceux dont les dirigeants disposaient alors, le seul fait qu'ils aient été par la suite révisés en baisse ne suffisant pas à caractériser l'infraction de fausse information, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regarde des mêmes textes ;
6°/ que l'information fournie par un communiqué doit s'apprécier d'après celui-ci dans son ensemble ; qu'en reprochant au communiqué du 29 décembre 2003 de ne pas avoir indiqué les nouvelles réserves formulées le 19 décembre par les commissaires aux comptes, sans rechercher si, comme il était soutenu, en mentionnant les difficultés rencontrées par la société, ce communiqué n'avait pas "délivré au marché un message encore plus fort et plus clair" qui avait d'ailleurs été parfaitement perçu, le cours de bourse ayant aussitôt chuté de 23 %, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, prohibe les pratiques ayant pour effet, non seulement de fausser le fonctionnement du marché, mais aussi de porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts; qu'en relevant que, quelle qu'ait été l'évolution du cours de bourse du titre de la société, l'information délivrée était, par son caractère inexact, de nature à tromper le marché en faussant la connaissance que ce dernier pouvait avoir de l'état de la société et avait ainsi porté atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que constitue une information imprécise, au sens des dispositions des articles 2 et 3 du règlement COB n° 98-07 alors applicables, toute communication d'informations incomplètes sur la situation d'un émetteur à destination du public, quand bien même les informations manquantes seraient susceptibles de lui avoir été communiquées par d'autres supports ; que l'arrêt retient qu'il importait peu que la documentation de référence de la société ait mentionné les réserves des commissaires aux comptes, formulées dans les rapports des 10 juin 2002 et 6 juin 2003, et que ces derniers aient été publiés au Bulletin des annonces légales obligatoires, l'accomplissement de ces formalités n'autorisant pas M. X... à donner, dans des communiqués de presse distincts, une présentation tronquée de la situation de l'entreprise ; que l'arrêt retient encore que la société, qui avait choisi une présentation de ses comptes pro forma, dérogatoire à celle imposée par le règlement CRC n° 99-02, imposant une présentation qui permet d'établir, à périmètre constant, une comparaison entre l'année en cours et l'année précédente, ne l'avait mentionnée que dans ses documents de référence et avait fait état, dans ses communiqués, de "données consolidées pro forma", sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas évaluées à périmètre constant, de sorte que le public avait été abusé sur les performances du groupe ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, desquelles il ressort qu'était caractérisée une information imprécise portant atteinte à l'information du public, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes visées à la deuxième branche du moyen, a statué à bon droit ;
Et attendu, en dernier lieu, que l'arrêt retient que le communiqué de presse du 11 avril 2003 ne précisait pas que les comptes de l'exercice 2002 n'avaient pas fait l'objet d'un audit, alors qu'en juillet 2003, les chiffres définitifs avaient été corrigés à la baisse de 23 %, de sorte que le marché avait été abusé sur la fiabilité des données portées à sa connaissance ; qu'il relève que le communiqué du 29 décembre 2003, aux termes duquel "les commissaires aux comptes ont ainsi pu délivrer une attestation sur les comptes semestriels au 30 juin 2003 et ont conclu à une absence d'opinion, sans formuler de remarques particulières", était trompeur et délivrait une information inexacte, dès lors que les nouvelles réserves, formulées par ces professionnels, dans leur rapport du 19 décembre 2003, avaient été occultées ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, desquelles il ressort que l'information délivrée par M. X..., de nature à tromper le marché par son caractère inexact, avait porté atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes visées par les deux dernières branches du moyen, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à l'Autorité des marchés financiers la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille huit.