LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- . Z..,
- R...,
- LA SOCIÉTÉ X...,
- X... Amira,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13e chambre, en date du 18 juin 2007, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, les a condamnés à des amendes et pénalités fiscales ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi d'Amira X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sous le couvert de la société X..., dont .. Y... est le gérant, Y... a organisé un trafic clandestin d'ouvrages en métaux précieux, faisant procéder par des prête-noms à des ventes publiques de bijoux ; qu'il a été établi que six mille soixante-huit objets, d'une valeur de 25 111 603 francs, avaient été mis en vente par une vingtaine de commissaires-priseurs ; que, par ailleurs, cent soixante-douze ouvrages n'ont pas été mentionnés sur le registre obligatoire des entrées et sorties, dont vingt-neuf, ne comportant ni le titre ni la marque du service de la garantie, ont été saisis dans les locaux de la société ;
Attendu que, sur les procès-verbaux dressés par des agents des douanes, la société X, Z et Y... ont été solidairement condamnés pour défaut d'inscription au registre et pour achat à des personnes inconnues d'ouvrages en métaux précieux à deux fois six mille soixante-huit amendes de 200 euros chacune et au paiement de la somme de 3 828 239 euros tenant lieu de confiscation des marchandises de fraude ; que Y... et la société X ont encore été condamnés, avec solidarité, à vingt-neuf amendes pour détention d'ouvrages en métaux précieux non revêtus des marques légales de la garantie et à cent soixante-douze amendes pour défaut d'inscription au registre d'objets en métaux précieux ; que les juges ont également ordonné la confiscation des vingt-neuf ouvrages dépourvus de marque et titre et fixé à 72 307 euros la valeur, estimée de gré à gré, des ouvrages restitués et saisis fictivement par procès-verbal ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 539, 1791, 1799 et 1799 A du code général des impôts, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Y..., R Y... et la SARL X à six mille soixante-huit amendes de 200 euros pour achat à des personnes inconnues de six mille soixante-huit ouvrages en métaux précieux ;
" aux motifs que Y... et la SARL X contestent le nombre de six mille soxiante-huit ouvrages retenus par l'administration ainsi que l'évaluation de leur valeur à 3 828 239 euros ; qu'ils se contentent de soutenir que plusieurs bijoux ont été comptés plusieurs fois parce qu'ils n'avaient pas été vendus, ce qui est sans influence sur le nombre total retenu, l'infraction étant constituée chaque fois que l'obligation d'inscrire les entrées et les sorties n'a pas été respectée, même si le bijou est présenté plusieurs fois à la vente ;
" alors que l'infraction d'achat à des personnes inconnues suppose caractériser une opération d'achat portant sur des ouvrages en métaux précieux ; qu'ainsi, la cour d'appel qui, en réponse au moyen tiré de ce que, dans le cadre du nombre d'ouvrages retenus de six mille soixante-huit, les bijoux avaient été comptabilisés plusieurs fois parce qu'ils n'avaient pas été vendus et qu'ils avaient été en conséquence plusieurs fois remis à la vente, s'est bornée à énoncer que ces remises à la vente successives auraient été « sans influence sur le nombre total retenu, l'infraction étant constituée chaque fois que l'obligation d'inscrire les entrées et les sorties n'a pas été respectée, même si le bijou est présenté plusieurs fois à la vente », alors qu'au contraire elles diminuaient d'autant le nombre des opérations d'achat incriminables, a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que, pour retenir à l'encontre des demandeurs six mille soixante-huit infractions à l'obligation faite par l'article 539 du code général des impôts aux fabricants et marchands de n'acheter que de personnes connues ou ayant des répondants connus d'eux, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la preuve contraire aux constatations des agents des douanes sur les achats à des personnes inconnues n'a pas été rapportée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 534, 537, 539, 1791, 1799 et 1799 A du code général des impôts, des articles 376 et 435 du code des douanes, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Y..., Y... et la SARL X au paiement à titre de confiscation de la valeur des six mille soixante-huit ouvrages estimée de gré à gré au procès-verbal à la somme de 3 828 239 euros ;
" aux motifs que Y... et la SARL X contestent le nombre de six mille soixante-huit ouvrages retenu par l'Administration ainsi que l'évaluation de leur valeur à 3 828 239 euros ; que toutefois, ces chiffres résultent de l'exploitation par les agents des douanes des pièces saisies lors des visites domiciliaires, des livres des ventes de chaque étude contrôlée, des catalogues et des pièces annexes remises par les différents protagonistes du réseau de vente par prête-noms, étant précisé que seuls ont été retenus les ouvrages présentés chez les commissaires priseurs auxquels ont été notifiés des procès-verbaux d'infraction ; qu'ils se contentent de soutenir que plusieurs bijoux ont été comptés plusieurs fois parce qu'ils n'avaient pas été vendus, ce qui est sans influence sur le nombre total retenu, l'infraction étant constituée chaque fois que l'obligation d'inscrire les entrées et les sorties n'a pas été respectée, même si le bijou est présenté plusieurs fois à la vente ;
" alors que, d'une part, la confiscation, qu'elle soit en nature ou par équivalent, a un caractère réel, si bien qu'en matière de contributions indirectes, la confiscation ne peut être ordonnée que pour les objets, produits ou les marchandises préalablement saisis ; qu'il s'ensuit que cette mesure ne peut être prononcée qu'une fois pour le même objet de fraude, même si plusieurs infractions ont été relevées, et quelle que soit la modalité, réelle ou fictive, de la saisie opérée ; qu'ainsi la cour d'appel qui, en réponse au moyen tiré de ce que, dans le cadre du nombre d'ouvrages retenu de six mille soixante-huit, les bijoux avaient été comptés plusieurs fois parce qu'ils n'avaient pas été vendus et qu'ils avaient été en conséquence plusieurs fois remis à la vente, s'est bornée à énoncer que ces remises à la vente successives auraient été « sans influence sur le nombre total retenu, l'infraction étant constituée chaque fois que l'obligation d'inscrire les entrées et les sorties n'avait pas été respectée, même si le bijou est présenté plusieurs fois à la vente », alors qu'au contraire elles diminuaient d'autant le nombre d'objets de fraude, et par conséquent d'autant le nombre de mesures de confiscation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" alors que, d'autre part, l'administration des douanes ne pouvait se satisfaire, pour évaluer la valeur des bijoux et fixer ainsi la somme tenant lieu de confiscation, de retenir pour ceux qui avaient été effectivement vendus la valeur de l'estimation avancée par le commissaire priseur au lieu de retenir le prix d'adjudication réel lequel était fréquemment inférieur à l'estimation ; que la cour d'appel, en retenant la valeur d'estimation pour les bijoux effectivement vendus et non le prix d'adjudication réel inférieur, a violé les textes susvisés " ;
Attendu que les juges ayant apprécié souverainement la valeur des objets ou marchandises servant de base à l'évaluation des pénalités, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais, sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 534, 537, 539, 1791, 1799 et 1799 A du code général des impôts, des articles 376 et 435 du code des douanes, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... et la SARL X chacun au paiement à titre de confiscation de la valeur des cent soixante-douze ouvrages estimés de gré à gré au procès-verbal à la somme de 72 307 euros ;
" aux motifs que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la culpabilité de Y... et de la SARL X du chef de défaut d'inscription au registre de cent soixante-douze ouvrages en métaux précieux, ne pouvant ignorer la réglementation à laquelle ils sont assujettis, et en ce qu'il a retenu leur culpabilité de ce chef d'infraction ; que sur les sanctions, la cour n'estime pas devoir diminuer le montant des amendes prononcées (cent soixante-douze amendes à 200 euros), le tribunal ayant fait une application modérée de la loi en l'espèce, ni réduire le montant des sommes tenant lieu de confiscation ;
" alors que la confiscation, qu'elle soit en nature ou par équivalent, a un caractère réel, si bien qu'en matière de contributions indirectes, la confiscation ne peut être ordonnée que pour les objets, produits ou les marchandises préalablement saisis ; qu'il s'ensuit que cette mesure ne peut être prononcée qu'une fois pour le même objet de fraude, même si plusieurs infractions ont été relevées, et quelle que soit la modalité, réelle ou fictive, de la saisie opérée ; qu'ainsi la cour d'appel qui, pour un même objet de fraude concernant le défaut d'inscription au registre de cent soixante-douze ouvrages en métaux précieux, a prononcé deux condamnations au paiement à titre de confiscation de la somme de 72 307 euros, a privé sa décision de toute base légale " ;
Vu l'article 1791 du code général des impôts ;
Attendu que, selon ce texte, la confiscation ne peut être prononcée qu'une fois pour un même objet de fraude, même si plusieurs infractions ont été relevées et quelle que soit la modalité, réelle ou fictive, de la saisie opérée ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal d'infractions dressé le 29 mars 2001 que les agents des douanes ont procédé à la saisie de cent soixante-douze ouvrages en métaux précieux qui n'étaient pas mentionnés au registre spécial que doivent tenir les marchands et fabricants ; que vingt-neuf de ces ouvrages, dépourvus des marques légales de la garantie, ont été réellement et définitivement saisis ; qu'il a été donné mainlevée de la saisie des cent quarante-trois autres objets, dont la valeur a été évaluée à la somme de 400 000 francs ;
Attendu qu'après avoir déclaré Y... et la société X coupables de cent soixante-douze infractions aux dispositions des articles 537 et 538 du code général des impôts et de 29 infractions à celles des articles 535 et 536 de ce code, l'arrêt les condamne solidairement à payer la somme de 72 307 euros, soit 474 300 francs, pour tenir lieu de la confiscation des cent soixante-douze ouvrages, et prononce en outre la confiscation des vingt-neuf objets non marqués ni titrés ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
- Sur les pourvois d' X... et de Y... :
Les REJETTE ;
- Sur les pourvois de Y... et de la société X :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 juin 2007, mais en ses seules dispositions ayant solidairement condamné Y... et la société X à payer la somme de 72 307 euros pour tenir lieu de la confiscation de cent soixante-douze ouvrages, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;