LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2006), que par jugement du 26 septembre 1994, confirmé par arrêt du 3 mai 1996, la société 4X4 Tous terrains toutes transactions (société 4X4) a été condamnée à payer à la société anglaise Eurohabitat une somme de 5 290 000 francs ; que la société 4X4 a été mise en liquidation judiciaire le 5 janvier 1999, par jugement publié au BODACC le 9 février 1999 ; que le 28 avril 1999, M.
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, déclarant agir en vertu d'une procuration établie à son profit le 12 novembre 1996, par M. Y..., représentant légal de la société Eurohabitat, et en vertu d'un jugement rendu le 15 septembre 1998 l'autorisant dans les conditions de l'article 1166 du code civil à se substituer à la société Eurohabitat défaillante à recouvrer les sommes dues par la société 4X4, a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire de cette dernière, M. Z..., la créance de la société Eurohabitat à l'encontre de la société 4X4 à concurrence de 5 290 000 francs ; que le 15 mai 1999, M. Y..., agissant en sa qualité de représentant légal de la société Eurohabitat, a déclaré la même créance ; que la Caisse d'épargne Champagne Ardenne (la Caisse d'épargne), autre créancier de la société 4X4, a formé, le 11 février 2004, une réclamation contre l'état des créances approuvé par le juge-commissaire le 4 octobre 2000 en contestant l'admission de la créance de la société Eurohabitat ; que par arrêt du 16 février 2006, la cour d'appel a déclaré recevable la réclamation de la Caisse d'épargne ;
Sur les deux premiers moyens :
Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa réclamation, alors, selon le moyen :
1° / que les juges ne peuvent refuser de procéder à la vérification de la signature portée sur un acte et arguée de faux par celui auquel on l'oppose, dès lors que des éléments concrets et de nature à établir la falsification sont versés aux débats ; qu'en l'espèce, la Caisse d'épargne contestait l'authenticité et la sincérité de la déclaration de créance et invoquait, au soutien de sa contestation, un certain nombre de documents et d'éléments de nature à établir que la signature portée sur cette déclaration n'était pas celle de M. Y...; qu'en se fondant néanmoins sur la déclaration de créance contestée, après avoir refusé de procéder à la vérification de cet écrit, sans préciser en quoi les éléments versés aux débats ne pouvaient être considérés comme probants, la cour d'appel n'a pas justifié pas légalement sa décision au regard des articles 287 et suivants du code de procédure civile, et de l'article L. 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
2° / que les juges sont tenus de se prononcer sur les éléments de preuve soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, à l'appui de ses prétentions visant à démontrer la fausseté de la signature apposée sur la déclaration de créance, attribuée à M. Y..., la Caisse d'épargne avait invoqué dans ses conclusions un certain nombre de documents, régulièrement produits aux débats, et comportant plusieurs exemplaires de la signature du représentant de la société Eurohabitat, présentant des différences manifestes d'avec la signature apposée sur la déclaration de créances ; qu'en se bornant à retenir que les initiales apposées sur la déclaration de créance ne justifiaient pas la vérification d'écritures, sans se prononcer sur ces éléments, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° / qu'il appartient à la personne morale créancière de prouver que le signataire de la déclaration de créance est bien le préposé qu'elle a investi de la déclaration de pouvoir à cette fin ; qu'en l'espèce, la caisse d'épargne contestait que la déclaration de créance du 15 mai 1999 ait été effectuée et signée par M. Y...et invoquait un certain nombre d'éléments et documents, versés aux débats, de nature à étayer sa thèse ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de la Caisse d'épargne aux motifs que les seules initiales WHM portées sur la déclaration ne justifiaient pas la vérification d'écriture demandée, sans constater que M. Y...était bien le signataire de cette déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 du code civil, ensemble l'article L. 621-43 du code de commerce ;
4° / que dès lors qu'un créancier a déclaré élire domicile, pour les besoins de la procédure collective, en France métropolitaine, il doit être considéré comme ayant son domicile en France métropolitaine au regard des délais gouvernant la déclaration de créance, laquelle s'analyse en une action en justice ; qu'en constatant néanmoins la régularité de la déclaration de créance de la société Eurohabitat, effectuée après l'expiration du délai légal de deux mois, après avoir pourtant constaté que celle-ci avait élu domicile à Meudon, en France, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 111 du code civil, ensemble les articles 66 du décret du 27 décembre 1985 et L. 621-46 du code de commerce ;
Mais attendu que les griefs du moyen sont dirigés contre des motifs de l'arrêt ayant trait à la déclaration de créance effectuée par M. Y...dont la cour d'appel a considéré qu'elle faisait double emploi avec celle de M.
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; que ces motifs étant surabondants, le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa réclamation, alors, selon le moyen :
1° / que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit prendre partie sur la qualification exacte des faits et actes sur lesquels elle fonde sa décision ; qu'en l'espèce, en déclarant régulière la déclaration de la créance de la société Eurohabitat, effectuée par M.
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, sans préciser le mécanisme sur lequel était fondé le pouvoir prétendument détenu par ce dernier pour procéder à une telle déclaration, la cour d'appel qui a laissé incertain le fondement de sa décision, l'a privée de toute base légale au regard de l'article L. 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, et de l'article 66 du décret du 27 décembre 1985, ensemble les articles 1166 du code civil, et 12 du code de procédure civile ;
2° / que s'il faut comprendre que la cour d'appel s'est fondée sur les règles régissant la représentation, elle ne pouvait constater la régularité de la déclaration de créance, sans répondre au moyen de la Caisse d'épargne qui faisait valoir que M.
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ne disposait pas d'un pouvoir spécial en ce sens ; qu'en omettant de répondre aux écritures de la Caisse d'épargne sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° / que s'il faut comprendre que la cour d'appel s'est fondée sur les règles relatives à l'action oblique, elle ne pouvait statuer comme elle a fait sans répondre aux conclusions de la Caisse d'épargne qui faisait valoir que, l'exercice de l'action oblique, subordonnée à l'absence de diligence du débiteur, était inconciliable avec l'existence d'un pouvoir donné par celui-ci en vue d'agir en justice, et au surplus que M.
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agissant en son nom propre, et domicilié en France, ne pouvait bénéficier de l'augmentation du délai de deux mois prévue par l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'à cet égard encore elle a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé dans son arrêt du 16 février 2006 que l'état des créances approuvé par le juge-commissaire le 4 octobre 2000 comprenait la créance de la société Eurohabitat déclarée par M.
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par le biais de l'action oblique puis réitéré la même constatation dans la décision attaquée, la cour d'appel, qui s'est nécessairement fondée sur la déclaration de créance effectuée par M.
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en vertu de l'action oblique dont l'exercice avait été autorisé par le jugement du 15 septembre 1998 privant de toute portée le pouvoir précédemment donné en 1996 par le représentant légal de la société Y..., a exactement retenu que cette déclaration de créance effectuée en application de l'article 1166 du code civil, pour le compte de la société Eurohabitat, dont le siège se trouve au Royaume-Uni, le 28 avril 1999, moins de quatre mois après la publication au BODACC du jugement de liquidation judiciaire de la société 4X4, était régulière, peu important la domiciliation en France de M.
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Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions visées à la deuxième branche que sa décision rendait inopérantes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le troisième moyen, pris en sa quatrième branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caisse d'épargne Champagne Ardenne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Caisse d'épargne Champagne Ardenne et celle de M. Z..., ès qualités, et condamne la société Caisse d'épargne Champagne Ardenne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille huit.