LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des impôts que sur le pourvoi incident relevé par M. X... :
Attend, selon l'arrêt attaqué, que M. X... possède une propriété agricole à Nice ; que l'administration fiscale, estimant que devait être réintégrée dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, pour les années 1991 à 1998, la valeur vénale des quatre maisons situées sur ce domaine, lui a notifié un redressement le 1er avril 2000 ; qu'elle a rejeté par une réponse motivée les observations présentées par le contribuable, puis a, à sa demande, saisi la commission départementale de conciliation qui s'est déclarée incompétente ; que l'administration a notifié cet avis au contribuable, en l'informant du chiffre qu'elle proposait de retenir comme base d'imposition, puis a mis en recouvrement l'imposition correspondante; qu'après rejet de sa réclamation, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir le dégrèvement des impositions mises à sa charge ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident et le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 885 N du code général des impôts ;
Attendu l'arrêt décharge M. X... des impositions litigieuses pour les années 1991 à 1993 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que M. X..., médecin psychiatre, ne pouvait prétendre avoir exercé à titre principal la profession d'exploitant agricole, et que son épouse devait être considérée comme exerçant cette profession depuis 1994, de sorte que pour la période allant de 1991 à 1993, ni le propriétaire des biens, ni son conjoint n'exerçait à titre principal l'activité professionnelle considérée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. X... devait être déchargé des impositions mises à sa charge pour les années 1991 à 1993, l'arrêt rendu le 5 juillet 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le directeur général des finances publiques (demandeur au pourvoi principal).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
-Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement de première instance et décidé la décharge des impositions mises à la charge de M. Régis X... ;
AUX MOTIFS QU' «il résulte des articles 885 A dernier alinéa et 885 N du code général des impôts que pour que les biens professionnels ne soient pas pris en compte pour l'assiette de l'I.S.F. : ils doivent être utilisés dans le cadre d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, être nécessaires à l'exercice de cette activité professionnelle, qui doit être exercée à titre principal par le propriétaire des biens ou par son conjoint ; qu'il résulte des pièces produites aux débats par l'appelant que lui-même, médecin psychiatre, a été inscrit auprès de la Mutualité Sociale Agricole en qualité d'exploitant agricole du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1993, mais à titre secondaire ; que son épouse a été inscrite auprès de ce même organisme à compter du 1er janvier 1994 en qualité d'exploitante agricole ; que la direction de la Mutualité agricole a attesté le 14 août 1998 qu'elle était «affiliée en qualité d'exploitante agricole en solidarité (viticulture en exclusivité)», et le 10 juin 1999 qu'elle était toujours à cette date affiliée auprès de son organisme ; qu'ainsi que, si Monsieur X... ne peut prétendre avoir exercé à titre principal la profession d'exploitant agricole, son épouse doit être considérée comme l'exerçant depuis 1994, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux résultats déficitaires de l'exploitation, alors que des ventes d'une partie des stocks de la production viticole, arrêtée depuis 1993 et reprise en 2000, ont eu lieu pendant cette période intermédiaire ;
qu'il résulte d'un rapport d'expertise judiciaire effectué par Monsieur Christian Y..., désigné par le Tribunal de Grande Instance de Nice dans un jugement en date du 23 mai 2003 avec mission d'évaluer les biens litigieux et d'en déterminer les superficies à usage professionnel, dont l'analyse est pertinente et les conclusions retenues, que doivent être considérés comme biens à usage professionnel : -dans la maison principale habitée par les époux X... : le rez de jardin à usage de bureau et de salle de dégustation, - une petite maison située à l'entrée de la propriétée, à usage professionnel depuis l'origine, demeurée inhabitée et inhabitable, où se trouve entreposé du matériel agricole, - la troisième maison, occupée par les ouvriers agricoles et la cave, - la quatrième maison, anciennement agricole, non occupée ni aménagée à titre privatif, et invendable séparément du reste de la propriété viticole ; qu'au vu des valeurs de référence retenues par l'expert, qui tient compte de celles proposées par l'administration fiscale mais qui en diffèrent en raison de la surface retenue pour le calcul du prix, (partie à exclure pour son usage non privatif), et prend en considération l'évolution à la baisse du marché immobilier pendant la période concernée, il convient de fixer la valeur de la maison principale de la manière suivante : - 1991 : 2 445 000 Fr, - 1992 : 2 525 458 Fr, - 1993 : 2 626 604 Fr, - 1994 : 2 301 562 Fr, - 1995 : 2 020 219 Fr, - 1996 : 2 020 219 Fr, - 1997 : 2 085 031 Fr, - 1998 : 2 490 843 Fr, valeurs auxquelles il convient d'appliquer un abattement de 20 % en raison de la vétusté et de l'occupation des lieux ; qu'en conséquence la décision doit être infirmée».
ALORS QUE D'UNE PART il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis des documents de la cause ; qu'en l'espèce, il est précisé au rapport d'expertise effectué par Monsieur Christian Y... que l'«expert indique qu'il ne lui appartient pas de dire si l'activité agricole existe ou non. Seul le Tribunal statuera sur l'aspect «professionnel» ou privé de la propriété» ; que néanmoins, pour décider que les quatre maisons appartenant à M. et Mme X... étaient des biens professionnels au sens de l'article 885 N, l'arrêt constate qu'il résulte du rapport d'expertise effectué par Monsieur Christian Y..., dont l'analyse est pertinente et les conclusions retenues, que doivent être considérés comme biens professionnels les biens litigieux ; qu'en statuant ainsi par une dénaturation du rapport de l'expert alors que celui-ci ne s'est pas prononcé sur la répartition agricole et privée des maisons, encore moins sur leur caractère nécessaire à l'exercice de la profession vinicole, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile que les jugements doivent être motivés ; que l'administration faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives du 22 septembre 2006 que l'existence d'un lien de nécessité entre l'activité exercée et les biens appartenant au redevable est une condition essentielle pour que ces derniers puissent être regardés comme des biens professionnels et être exonérés à l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en l'espèce, le caractère professionnel ne saurait être reconnu aux locaux d'habitation des agriculteurs ; que, par ailleurs, l'administration avait constaté que deux des quatre maisons du domaine étaient inhabitées depuis de nombreuses années ; qu'enfin, l'état physique des biens ainsi que l'absence de production de bulletin de paie de salariés agricoles sur la période en litige excluait l'affectation agricole invoquée; qu'en décidant néanmoins, par référence au rapport de l'expert judiciaire désigné, sans justifier davantage sa décision ni répondre au moyen soulevé par l'administration, que les immeubles litigieux devaient être considérés comme biens à usage professionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
ALORS QU'ENFIN il résulte des dispositions de l'article 885 N du code général des impôts que l'existence d'un lien de nécessité entre l'activité exercée et les biens appartenant au redevable pour que ces derniers puissent être regardés comme des biens professionnels est une condition essentielle de l'exonération desdits biens à l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'à cet égard, l'administration fait valoir que sont considérés professionnels les biens utilisés effectivement pour les besoins de l'activité professionnelle ou qui ne pourraient être utilisés à un autre usage ; qu'en l'espèce, le caractère professionnel ne saurait être reconnu aux locaux d'habitation des agriculteurs ; qu'ainsi, l'administration a constaté que deux des quatre maisons du domaine étaient inhabitées depuis de nombreuses années ; qu'enfin, l'état physique des biens ainsi que l'absence de production de bulletin de paie de salariés agricoles sur la période en litige excluait l'affectation agricole invoquée ; qu'en se bornant à constater qu'il résultait d'un rapport d'expertise effectué par Monsieur Christian Y... que doivent être considérés comme biens professionnels les biens litigieux sans rechercher si les quatre maisons étaient nécessaires à l'exercice de la profession professionnelle vinicole de Mme X..., la cour d'appel d'Aix-en-Provence a privé sa décision de base légale au regard de l'article 885 N du code général des impôts.
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SECOND MOYEN DE CASSATION :
–Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement de première instance et décidé la décharge des impositions mises à la charge de M. Régis X... ;
AUX MOTIFS QUE «il résulte des articles 885 A dernier alinéa et 885 N du code général des impôts que pour que les biens professionnels ne soient pas pris en compte pour l'assiette de l'I.S.F. : ils doivent être utilisés dans le cadre d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, être nécessaires à l'exercice de cette activité professionnelle, qui doit être exercée à titre principal par le propriétaire des biens ou par son conjoint ; qu'il résulte des pièces produites aux débats par l'appelant que lui-même, médecin psychiatre, a été inscrit auprès de la Mutualité Sociale Agricole en qualité d'exploitant agricole du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1993, mais à titre secondaire ; que son épouse a été inscrite auprès de ce même organisme à compter du 1er janvier 1994 en qualité d'exploitante agricole ; que la direction de la Mutualité agricole a attesté le 14 août 1998 qu'elle était «affiliée en qualité d'exploitante agricole en solidarité (viticulture en exclusivité)», et le 10 juin 1999 qu'elle était toujours à cette date affiliée auprès de son organisme ; qu'ainsi que, si Monsieur X... ne peut prétendre avoir exercé à titre principal la profession d'exploitant agricole, son épouse doit être considérée comme l'exerçant depuis 1994, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux résultats déficitaires de l'exploitation, alors que des ventes d'une partie des stocks de la production viticole, arrêtée depuis 1993 et reprise en 2000, ont eu lieu pendant cette période intermédiaire ;
qu'il résulte d'un rapport d'expertise judiciaire effectué par Monsieur Christian Y..., désigné par le Tribunal de Grande Instance de Nice dans un jugement en date du 23 mai 2003 avec mission d'évaluer les biens litigieux et d'en déterminer les superficies à usage professionnel, dont l'analyse est pertinente et les conclusions retenues, que doivent être considérés comme biens à usage professionnel : -dans la maison principale habitée par les époux X... : le rez de jardin à usage de bureau et de salle de dégustation, - une petite maison située à l'entrée de la propriétée, à usage professionnel depuis l'origine, demeurée inhabitée et inhabitable, où se trouve entreposé du matériel agricole, - la troisième maison, occupée par les ouvriers agricoles et la cave, - la quatrième maison, anciennement agricole, non occupée ni aménagée à titre privatif, et invendable séparément du reste de la propriété viticole ; qu'au vu des valeurs de référence retenues par l'expert, qui tient compte de celles proposées par l'administration fiscale mais qui en diffèrent en raison de la surface retenue pour le calcul d prix, (partie à exclure pour son usage non privatif), et prend en considération l'évolution à la baisse du marché immobilier pendant la période concernée, il convient de fixer la valeur de la maison principale de la manière suivante : - 1991 : 2 445 000 Fr, - 1992 : 2 525 458 Fr, - 1993 : 2 626 604 Fr, - 1994 : 2 301 562 Fr, - 1995 : 2 020 219 Fr, - 1996 : 2 020 219 Fr, - 1997 : 2 085 031 Fr, - 1998 : 2 490 843 Fr, valeurs auxquelles il convient d'appliquer un abattement de 20 % en raison de la vétusté et de l'occupation des lieux ; qu'en conséquence la décision doit être infirmée».
ALORS QUE conformément aux dispositions de l'article 885 N du code général des impôts, les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé, d'une part, que Monsieur X... ne peut prétendre avoir exercé à titre principal la profession d'exploitant agricole et, d'autre part, que son épouse doit être considérée comme l'exerçant depuis 1994, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux résultats déficitaires de l'exploitation, et devaient dès lors bénéficier de l'exonération relative aux biens professionnels ; que, dès lors, en retenant le caractère professionnel des biens litigieux au titre des années 1991 à 1998, alors qu'elle avait constaté que, au titre des années 1991 à 1993, ni Monsieur X..., ni Madame X... ne pouvaient prétendre avoir exercé à titre principal la profession d'exploitant agricole, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les dispositions de l'article 885 N du code général des impôts.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour M. X... (demandeur au pourvoi incident).
POURVOI INCIDENT
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Monsieur Régis X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure de recouvrement était régulière en la forme ;
AUX MOTIFS QUE les redressements ont été notifiés le 1er mars 2000 et confirmés le 14 avril 2000 après que Régis X... a exprimé son désaccord par courrier du 4 avril 2000 ; que le litige a été soumis, à sa demande, à l'appréciation de la Commission départementale de Conciliation qui s'est déclarée incompétente dans un avis rendu le 23 novembre 2000, notifié au requérant le 19 décembre 2000 ; que les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 15 janvier 2001 par deux avis d'un montant de 86.324 francs (13.160,01 euros) dont 26.292 francs (4.008,19 euros) de pénalités pour l'un, et de 102.433 francs (15.615,81 euros), dont 32.960 francs (5.024 euros) de pénalités pour l'autre ; que la réclamation présentée par monsieur X... le 16 février 2001 a fait l'objet d'un rejet en date du 10 avril 2001 ; que l'appelant invoque l'irrégularité de la procédure d'imposition pour non respect des règles du débat contradictoire prévues aux articles L.55 et suivants du Livre des procédures fiscales au motif que l'administration aurait mis en recouvrement les redressements dès le 15 janvier 2001 sans tenir compte des observations du contribuable émises par courrier du 12 janvier 2001, rejetant en conséquence par avance toute réclamation par décision du 16 janvier 2001, le privant de la faculté de contester les impositions litigieuses dans le délai visé à l'article R196-1 du LPF, commençant à courir à compter de cette date ; que le courrier du 12 janvier 2001 adressé à l'administration fiscale par monsieur X... fait en réalité réponse à l'avis rendu par la Commission départementale de conciliation qui lui avait été signé le 19 décembre 2000, auquel ce courrier fait expressément référence ; que dans ces conditions l'administration fiscale a considéré à tort que ce courrier constituait une réclamation, ce que l'appelant d'ailleurs reconnaît ; que dès lors, il ne peut soutenir avoir subi un préjudice dans l'exercice de ses droits de contestation des impositions litigieuses du fait d'une décision de rejet d'une réclamation qui n'en était pas une, en sorte que ce moyen doit être écarté ;
ALORS QUE la procédure de redressement est irrégulière lorsque l'administration qui a notifié un redressement à un contribuable n'a pas motivé le rejet des observations émises par ce dernier ou n'a pas pris connaissance de celles-ci ; que la cour qui, tout en constatant que l'administration avait rejeté le 16 janvier 2001 les observations émises par monsieur X... le 12 janvier 2001 en les qualifiant à tort de réclamation et avait mis en recouvrement les impositions supplémentaires le 15 janvier 2001 (en réalité le 30 janvier 2001), ce dont il résultait que l'administration avait non seulement mis en recouvrement le redressement d'impôt sans prendre connaissance de ces observations mais aussi privé prématurément le contribuable de la possibilité d'en émettre d'autres jusqu'à la mise en recouvrement, a néanmoins jugé que la procédure de recouvrement était régulière en la forme, a violé les articles L.55 et suivants du code de procédure fiscale.