LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2326-1, L. 2411-5 et L. 2411-7 du code du travail ;
Attendu que pour l'application des textes susvisés, c'est au moment de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement que l'employeur doit avoir connaissance de la candidature d'un salarié aux élections professionnelles ; que lorsque l'employeur engage la procédure de licenciement avant d'avoir connaissance d'une candidature ou de son imminence, le salarié, même s'il est ultérieurement élu, ne bénéficie pas au titre de la procédure en cours du statut protecteur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société SISP, a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre du 9 mars 2007 ; qu'il a été élu sur la liste du syndicat Sud commerces et services au second tour des élections de la délégation unique du personnel le 23 mars 2007, aucun syndicat représentatif n'ayant présenté de liste lors du premier tour, le 9 mars 2007 ; qu'il a été licencié le 28 mars 2007 sans autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'estimant son licenciement illicite pour violation du statut protecteur, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes pour obtenir sa réintégration ;
Attendu que pour faire droit à sa demande, la cour d'appel relève qu'il n'est pas contesté que lors de son licenciement le salarié était élu depuis plusieurs jours et qu'en poursuivant la procédure de licenciement jusqu'à son terme, sans requérir l'autorisation de l'inspecteur du travail, après l'élection du salarié, l'employeur a commis un trouble manifestement illicite ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'il n'était pas démontré que la société SISP ait eu connaissance de l'imminence de la candidature de M. X... aux élections de la délégation unique du personnel lors de la convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement, de sorte que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'était pas caractérisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme l'ordonnance de référé du conseil des prud'hommes de Paris du 4 juillet 2007 ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour la société Site d'information et de services du press club de France (SISP).
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR ordonné à la société employeur de réintégrer le salarié dans son emploi de commis de cuisine au sein de l'hôtel SOFITEL des champs Elysées sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard commençant à courir huit jours après la notification de l'arrêt, de s'être réservé la liquidation de l'astreinte et d'avoir condamné la société employeur à verser au salarié le montant des salaires échus entre la date du licenciement de celui-ci et sa réintégration effective à titre d'indemnité compensatrice provisionnelle ainsi qu'au paiement de la somme de 2. 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement de la somme de 500 euros, sur le même fondement, au profit du SYNDICAT SUD COMMERCES ET SERVICES ;
AUX MOTIFS QUE certes les dispositions de l'article L 425-1 du Code du travail prévoient que doit être soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail et à l'avis du comité d'entreprise, le licenciement du salarié dont l'imminence de la candidature aux élections était connue de l'employeur au jour de la convocation de l'intéressé à l'entretien préalable, la preuve de cette connaissance incombant au salarié ; que toutefois, les pièces versées aux débats par Monsieur X... ne permettent pas de retenir que la société SISP ait connu la candidature de celui-ci aux élections avant la date du 12 mars 2007, à laquelle la fédération SUD COMMERCES ET SERVICES a remis au Président de la société la liste de ses candidas pour le second tour de scrutin, comportant le nom de Monsieur X... ; qu'en effet, si Monsieur X... prétend que sa candidature a été annoncée à Monsieur Z..., président de la société SISP, le 19 février 2007, par Monsieur Y... représentant de la liste FO, la Cour ne dispose – pour se prononcer sur la pertinence de cette affirmation, contestée par la société SISP – que des attestations contraires établies par chacun des intéressés ; que la preuve de la connaissance par l'employeur de la candidature imminente du salarié ne peut résulter de témoignages aussi contradictoires, alors que la fausseté d'aucun d'eux n'est établie ; que de plus, les attestations produites par Monsieur X... émanant de plusieurs salariés déclarant avoir eu connaissance, eux, de la future candidature de Monsieur X... ne démontrent pas, pour autant, que la société SISP avait nécessairement cette même connaissance ; mais qu'il n'est pas contesté que, lors du licenciement de Monsieur X..., le 28 mars 2007, Monsieur X... était depuis plusieurs jours, élu à la DUP, à l'issue du second tour de scrutin, le 23 mars 2007 ; qu'il apparaît ainsi que la société SISP a sciemment poursuivi la procédure de licenciement jusqu'à son terme sans requérir l'autorisation de l'inspecteur du travail, ni l'avis du comité d'entreprise, après que Monsieur X... fût élu à la DUP ; que l'inobservation des dispositions protectrices qui étaient ainsi incontestablement applicables à Monsieur X... depuis le 23 mars 2007 s'avèrent, dès lors, constitutives d'un trouble manifestement illicite auquel il appartient à la juridiction des référés de mettre fin, en ordonnant la réintégration sous astreinte, sollicitée par l'appelant, outre le paiement des salaires réclamés à titre d'indemnité compensatrice provisionnelle ; qu'en vain, en effet, l'intimée objecte que la qualité de salarié protégé de Monsieur X... devrait exister au jour de sa convocation à l'entretien préalable, alors que la condition d'antériorité à la date de cette convocation vaut, aux ternies de l'article L 425-1 du Code du travail, pour le salarié qui revendique une protection exclusivement fondée sur cette candidature, et non, pour le salarié qui, en vertu du premier alinéa de ce même texte, bénéficie du statut de salarié protégé en raison de sa qualité d'élu ; que sur le fondement de ce second moyen, invoqué oralement à la barre par Monsieur X... – auquel la société SISP a répondu par la note en délibéré susvisée – les demandes de Monsieur X... seront donc accueillies tandis que l'ordonnance entreprise, infirmée en toutes ses dispositions ;
ALORS D'UNE PART QUE la procédure spéciale de licenciement prévue par l'article L 425-1 alinéa 1 et 2 du Code du travail n'est pas applicable, même s'agissant d'un salarié effectivement élu au jour du licenciement, dès lors que la procédure de licenciement a été engagée par l'employeur, dans les formes du droit commun, avant que la candidature du salarié n'ait été notifiée à l'employeur et connue de ce dernier ; qu'ayant expressément constaté que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement par l'envoi, le 9 mars 2007, d'une convocation à un entretien préalable fixé au 19 mars 2007 (arrêt p. 2, § 5) et que la société employeur n'avait pas connu la candidature du salarié aux élections « avant le 12 mars 2007, date à laquelle la fédération SUD COMMERCES ET SERVICES avait remis au président de la société la liste de ses candidats pour le second tour de scrutin » (arrêt p. 3, § 1) et encore qu'au jour de l'engagement de la procédure de licenciement, l'employeur n'avait pas connaissance de l'imminence de la candidature du salarié, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations d'où il ressortait que la procédure spéciale de licenciement prévue par l'article L 425-1 alinéa 1 et 2 du Code du travail n'était pas applicable au licenciement de ce salarié et partant que l'inobservation de ces dispositions protectrices n'était pas constitutive d'un trouble manifestement illicite et a violé les dispositions des articles L 425-1 et L 421-1 et suivants du Code du travail, ensemble l'article R 516-31 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE si la procédure de licenciement est engagée, dans les formes du droit commun, par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable prévue à l'article L 122-14 du Code du travail, avant que la candidature du salarié aux fonctions de délégué du personnel ne soit connue de l'employeur, la procédure spéciale de licenciement prévue par l'article L 425-1 alinéa 1 et 2 du Code du travail n'est pas applicable au salarié même effectivement élu au jour du licenciement ; Qu'après avoir expressément constaté que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement par l'envoi, le 9 mars 2007, de la lettre portant convocation à un entretien préalable au licenciement et qu'à cette date l'employeur n'avait pas connaissance ni de l'imminence de la candidature de l'intéressé, ni de sa candidature déclarée qui n'avait été portée à la connaissance de l'employeur que le « 12 mars 2007 par la remise, par la fédération SUD COMMERCES ET SERVICES, au président de la société, de la liste de ses candidats pour le second tour de scrutin », la Cour d'appel qui, pour infirmer l'ordonnance entreprise, et ordonner à la société employeur, à titre de mesure permettant de faire cesser un trouble manifestement illicite, notamment de réintégrer le salarié dans son emploi, retient que c'est en vain que l'employeur objecte que la qualité de salarié protégé devait exister au jour de la convocation à l'entretien préalable dès lors que « la condition d'antériorité à la date de cette convocation vaut, aux termes de l'article L 425-1 du Code du travail, pour le salarié qui revendique une protection exclusivement fondée sur sa candidature et non, pour le salarié qui, en vertu du premier alinéa de ce texte, bénéficie du statut de salarié protégé en raison de sa qualité d'élu », a violé les dispositions de l'article L 425-1 du Code du travail ;