LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-4, L. 122-13, L. 122-14-3, alinéa 1 et alinéa 2, devenus L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1232-1, L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que le licenciement auquel l'employeur a procédé après la prise d'acte du salarié doit être considéré comme non avenu ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'ouvrier agricole le 12 avril 1995 par la société Le Salzet, tout d'abord par contrat à durée déterminée puis à compter du 1er décembre 1996 par contrat de travail à durée indéterminée ; qu'à la suite d'un arrêt pour maladie, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à tout poste dans l'entreprise lors d'une première visite le 7 avril 2004 puis à l'issue d'une seconde visite le 7 mai 2004 ; que le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 15 juillet 2004 en reprochant à l'employeur de ne pas avoir repris le paiement des salaires ; qu'il a été licencié le 20 août 2004 pour inaptitude physique ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir sollicité du médecin du travail un avis supplémentaire sur l'aptitude du salarié en vue d'envisager les possibilités de reclassement à l'intérieur de son groupe et d'avoir attendu cet avis pour prendre une décision sur la situation du salarié, sans que la prise d'acte soit justifiée par le retard de paiement du salaire par l'employeur ;
Qu'en statuant comme elle a fait alors qu'il lui appartenait de ne statuer que sur la seule prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... par la société Le Salzet est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui verser diverses sommes à ce titre, l'arrêt rendu le 23 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne société Le Salzet aux dépens ;
Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Salzet à payer la somme de 302,78 euros à M. X... et 2 200 euros à la SCP Didier et Pinet ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour M. X... ;
MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... par la société Le Salzet est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la société Le Salzet, après avoir été avisée de la seconde visite du médecin du travail effectuée le 7 mai 2004, a, le 8 juillet 2004, demandé au médecin du travail si Monsieur X... pouvait être reclassé dans le groupe dont elle dépendait, c'est-à-dire, plus précisément, dans sa filiale, et le médecin du travail a répondu le 29 juillet 2004 que Monsieur X... était « inapte et définitif au poste de chauffeur agricole qu'il occupait dans la SA Le Salzet et à tout poste sur cette exploitation, ainsi qu'à tout poste comparable qui lui serait éventuellement attribuable dans la filiale de cette société » ; qu'or, aucune faute n'est démontrée à l'encontre de l'employeur qui a saisi le médecin du travail d'une demande d'examen supplémentaire en vue d'envisager le reclassement du salarié dans le groupe dont il fait partie, et aucune disposition du code du travail ne prévoit la nullité du licenciement lorsque l'employeur a attendu près de deux mois pour saisir le médecin du travail ; que l'article L.122-24-4 prévoit seulement en son avant-dernier alinéa, que «si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail » ; que dès lors que la société Le Salzet a sollicité du médecin du travail un avis supplémentaire sur l'aptitude de Monsieur X... en vue d'envisager les possibilités de reclassement à l'intérieur de son groupe, il ne peut lui être reproché d'avoir attendu cet avis pour prendre une décision sur la situation du salarié ; que par ailleurs, la cour considère que le retard de la société Le Salzet dans le paiement du salaire, retard dans le paiement du salaire du mois de juin, payé le 21 juillet 2004, ne suffit pas à justifier la prise d'acte, par le salarié, d'une rupture du contrat de travail par l'employeur ; qu'en conséquence, à défaut de preuve de fraude de la part de la société Le Salzet pour tenter d'échapper à ses obligations, le licenciement de Monsieur X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse due à son inaptitude physique ;
ALORS QU'il résulte de l'article L.122-24-4 du code du travail que le salarié qui n'a pas été reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou qui n'a pas été licencié, peut faire constater la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur à son obligation de payer le salaire ; que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la saisine du médecin du travail en vue d'un examen supplémentaire n'a pas pour effet d'interrompre ou de suspendre le délai d'un mois ; qu'en retenant dès lors, pour débouter Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir attendu l'avis du médecin du travail, saisi d'une demande d'examen supplémentaire, pour prendre une décision sur la situation du salarié quand il résultait de ses constatations que la société Le Salzet n'avait pas repris le paiement des salaires à l'issue du délai d'un mois après la seconde visite de reprise, la cour d'appel a violé l'article L.122-24-4 du code du travail.