LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que le tribunal de grande instance de Lyon a été saisi, le 6 novembre 2006, par Mme X... d'une requête en adoption plénière de l'enfant Zina Y..., née le 3 novembre 2003 en Algérie, sans filiation connue et bénéficiant d'une décision de kafala prononcée le 13 janvier 2004 par une juridiction algérienne ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 23 octobre 2007) d'avoir rejeté sa demande, à titre principal, d'adoption plénière et, à titre subsidiaire, d'adoption simple, alors, selon le moyen :
1°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en refusant le bénéfice d'une adoption plénière ou simple à un enfant algérien sans filiation établie recueilli à titre définitif en France par une française en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
2°/ que de surcroît, viole le droit au respect d'une vie familiale normale le texte qui interdit à un enfant étranger sans filiation établie et à une mère élective l'ayant recueilli à titre définitif, de bénéficier d'une adoption plénière ou simple ; qu'en refusant à l'exposante le droit d'adopter l'enfant algérien sans filiation établie qu'elle avait recueilli en France à titre définitif, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'enfin, un tel refus a pour effet d'établir une différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant en raison de sa nationalité et de son lieu de naissance, les enfants nés dans des pays ne prohibant pas l'adoption pouvant en bénéficier en France ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la règle de conflit de l'article 370-3, alinéa 2, du code civil, renvoyant à la loi personnelle de l'adopté, était conforme à la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, celle ci n'ayant vocation à s'appliquer qu'aux seuls enfants adoptables, excluant ceux dont le pays d'origine interdit l'adoption, c'est sans établir de différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant et sans méconnaître le droit au respect de celle-ci, que la cour d'appel, constatant que l'article 46 du code de la famille algérien prohibe l'adoption mais autorise la kafala, a rejeté la requête en adoption, dès lors que la kafala est expressément reconnue par l'article 20, alinéa 3, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, comme préservant, au même titre que l'adoption, l'intérêt supérieur de celui-ci ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une franco-algérienne (Mme X..., l'exposante) de ses demandes d'adoption plénière, à titre principal, et d'adoption simple, à titre subsidiaire ;
AUX MOTIFS QUE l'article 370-3, alinéa 2 du Code civil, introduit par la loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, disposait que «l'adoption d'un mineur étranger ne p(ouvait) être prononcée si sa loi personnelle prohib(ait) cette institution, sauf si ce mineur (était) né et résid(ait) habituellement en France» ; que la règle de conflit, en tant qu'elle renvoyait à la loi du statut personnel, n'était pas discriminatoire et était conforme aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi qu'au droit international ; qu'ainsi l'article 4-a de la convention de La Haye du 29 mai 1993, sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, prévoyait que l'adoption ne pouvait être prononcée que si les autorités compétentes de l'Etat d'origine avaient établi que l'enfant était adoptable, ce qui n'était pas le cas lorsque l'adoption était interdite ; que Hind X... était née en Algérie ; que l'article 46 du Code de la famille algérien autorisait la kafala, mais prohibait l'adoption ; qu'en droit français, l'adoption simple ou plénière créait un lien de filiation au profit des adoptants et ne pouvait être assimilée à la kafala ; que le Code de la famille algérien ne prévoyait pas d'exception à la prohibition de l'adoption lorsque l'enfant n'avait pas de filiation établie ; que le décret exécutif du 13 janvier 1992 relatif au changement de nom n'établissait pas de lien de parenté, l'attributaire du recueil légal conservant la dénomination de tuteur ; que la kafala préservait l'intérêt de l'enfant en légalisant l'accueil des tuteurs ; qu'elle était expressément reconnue par l'article 20, alinéa 3, de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ; que le droit musulman prévoyait d'autres dispositions pour la transmission des biens ;
ALORS QUE, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en refusant le bénéfice d'une adoption plénière ou simple à un enfant algérien sans filiation établie recueilli à titre définitif en France par une Française en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
ALORS QUE, de surcroît, viole le droit au respect d'une vie familiale normale le texte qui interdit à un enfant étranger sans filiation établie et à une mère élective l'ayant recueilli à titre définitif, de bénéficier d'une adoption plénière ou simple ; qu'en refusant à l'exposante le droit d'adopter l'enfant algérien sans filiation établie qu'elle avait recueilli en France à titre définitif, la cour d'appel a violé l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, enfin, un tel refus a pour effet d'établir une différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant en raison de sa nationalité et de son lieu de naissance, les enfants nés dans des pays ne prohibant pas l'adoption pouvant en bénéficier en France ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.