LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux avocats aux parties :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2007, RG 06 / 00862) que, par jugement du 17 mars 2005, la société Cousolre distribution (le débiteur) a été mise en redressement judiciaire ; que le tribunal, par jugement du 18 août 2005, a arrêté le plan de cession de ce dernier au profit de la société Distribution Casino France (la société Casino), M. X... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que les sociétés Prodim et CSF qui avaient présenté une offre non retenue, ont formé tierce opposition-réformation à ce jugement ; que le tribunal a déclaré cette tierce opposition irrecevable ;
Attendu que les société Prodim et CSF font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel-réformation, interjeté par deux candidats repreneurs, ayant présenté des offres antérieurement à la cession d'une entreprise en difficulté, évincés au profit d'une concurrente, la société Casino, à l'encontre du jugement ayant déclaré leur tierce opposition réformation irrecevable alors, selon le moyen :
1° / que la voie de la tierce opposition à l'encontre du jugement ayant arrêté le plan de cession est ouverte au candidat repreneur évincé, lequel peut ensuite interjeter appel du jugement ayant à tort déclaré cette tierce opposition irrecevable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a déclaré les sociétés Prodim et CSF irrecevables à interjeter appel-réformation du jugement ayant déclaré irrecevable leur tierce opposition au jugement ayant arrêté le plan de cession du débiteur a violé les articles L. 623-6 II et L. 623-7 du code de commerce ;
2° / que l'appel d'un jugement rendu sur tierce opposition ayant déclaré le recours irrecevable est toujours recevable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a déclaré l'appel réformation formé par les sociétés Prodim et CSF irrecevable, prétexte pris de ce que le jugement rendu sur tierce opposition n'était pas davantage susceptible d'appel que le jugement arrêtant le plan de cession, quand la tierce opposition avait été déclarée irrecevable, ce qui ouvrait la voie de l'appel-réformation, la cour d'appel a violé les articles L. 623-6 II et L. 623-7 du code de commerce et 592 du code de procédure civile ;
3° / que le droit de toute partie à bénéficier d'un recours effectif et équitable, poursuivi devant un tribunal impartial, implique que le candidat repreneur évincé par le jugement arrêtant le plan de cession d'une entreprise en difficulté puisse exercer un recours à l'encontre de ce jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appela, par le jeu combiné des articles L. 623-6 II et L. 623-7 du code de commerce et 592 du code de procédure civile, privé les sociétés Prodim et CSF de toute possibilité d'exercer un recours contre le jugement arrêtant le plan de cession du débiteur, méconnaissant ainsi les prescriptions des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que les jugements rendus sur tierce opposition sont susceptibles des mêmes voies de recours que les décisions de la juridiction dont ils émanent ; que selon l'article L. 623-7, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application du II et du III de l'article L. 623-6 dans cette même rédaction ; qu'il n'est dérogé à cette règle comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours qu'en cas d'excès de pouvoir ;
Et attendu que les sociétés Prodim et CSF qui, en tant que repreneurs évincés n'ont aucune prétention à faire valoir au sens les articles 4 et 31 du code de procédure civile et n'ont pas la qualité de partie au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, n'invoquent aucun excès de pouvoir commis ou consacré par les juges du fond ; que le pourvoi est, en conséquence, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare le pourvoi IRRECEVABLE ;
Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Prodim et autre
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel-réformation, interjeté par deux candidats repreneurs-ayant présenté des offres antérieurement à la cession d'une entreprise en difficulté (la société COUSOLRE DISTRIBUTION, représentée par Me ROUVROY et la SELARL SOINNE)- évincés (les sociétés CSF et PRODIM) au profit d'une concurrente (la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE), à l'encontre du jugement ayant déclaré leur tierce-opposition réformation irrecevable ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 592 du nouveau code de procédure civile, le jugement rendu sur tierce-opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane ; que l'article L. 623-6- II du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, édicte que « ne sont susceptibles que d'un appel, soit du Ministère Public même s'il n'a pas agi comme partie principale, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L. 621-88, les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise » ; que le cocontractant mentionné à ce dernier article est celui dont le contrat a été jugé nécessaire au maintien de l'activité et dont le jugement arrêtant le plan emporte, en conséquence, cession ; qu'il en résultait que l'appel interjeté par les sociétés PRODIM et CSF, et tendant à la réformation du jugement en cause, était irrecevable ; que les sociétés PRODIM et CSF invoquaient encore, à l'appui de la recevabilité de leur appel, les dispositions des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, cependant, ces textes n'édictent de droit à un procès équitable par une juridiction impartiale qu'au profit des parties à l'instance, ce que n'étaient pas les sociétés PRODIM et CSF, dès lors qu'elles n'étaient pas parties à la procédure de redressement judiciaire ayant donné lieu à l'adoption d'un plan de cession, n'étant ni la société débitrice, ni le candidat dont l'offre de cession avait été retenue ; que ce moyen n'était donc pas de nature à rendre leur appel recevable ;
ALORS QUE, d'une part, la voie de la tierce-opposition à l'encontre du jugement ayant arrêté le plan de cession est ouverte au candidat repreneur évincé, lequel peut ensuite interjeter appel du jugement ayant à tort déclaré cette tierce-opposition irrecevable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déclaré les sociétés PRODIM et CSF irrecevables à interjeter appel réformation du jugement ayant déclaré irrecevable leur tierce-opposition au jugement ayant arrêté le plan de cession de la société COUSOLRE DISTRIBUTION, a violé les articles L. 623-6 II et L. 623-7 du code de commerce ;
ALORS QUE, d'autre part, l'appel d'un jugement rendu sur tierce-opposition ayant déclaré le recours irrecevable est toujours recevable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déclaré l'appel réformation formé par les sociétés CSF et PRODIM irrecevable, prétexte pris de ce que le jugement rendu sur tierce-opposition n'était pas davantage susceptible d'appel que le jugement arrêtant le plan de cession, quand la tierce-opposition avait été déclarée irrecevable, ce qui ouvrait la voie de l'appel réformation, a violé les articles L. 623-6 II, L. 623-7 du code de commerce et 592 du code de procédure civile ;
ALORS QU'enfin, le droit de toute partie à bénéficier d'un recours effectif et équitable, poursuivi devant un tribunal impartial, implique que le candidat repreneur évincé par le jugement arrêtant le plan de cession d'une entreprise en difficulté puisse exercer un recours à l'encontre de ce jugement ; qu'en l'espèce, la cour a, par le jeu combiné des articles L. 623-6 II, L. 623-7 du code de commerce et 592 du code de procédure civile, privé les sociétés PRODIM et CSF de toute possibilité d'exercer un recours contre le jugement arrêtant le plan de cession de la société COUSOLRE DISTRIBUTION, méconnaissant ainsi les prescriptions des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.