LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil et 1235-10 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée en qualité de dactylo le 2 décembre 1971 par la société Nationale immobilière et exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent administratif à temps partiel, a été licenciée le 9 mai 2000 pour motif économique dans le cadre d'un licenciement collectif ayant donné lieu à l'établissement d'un plan social, après avoir refusé le 24 mars 2000 une offre de reclassement qui lui avait été faite le 4 février 2000 ; que, soutenant que ce refus reposait sur des motifs légitimes, elle a demandé le versement de l'indemnité de licenciement majorée prévue par le plan ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de sommes au titre de l'indemnité de licenciement majorée prévue par le plan social et de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral,
l'arrêt retient qu'elle ne justifie pas que son refus du reclassement interne proposé repose sur des motifs légitimes soumis à la commission de suivi ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, s'il n'appartenait pas à l'employeur auquel incombe la mise en oeuvre du plan, de saisir la commission de suivi afin de déterminer si la salariée remplissait les conditions d'octroi de l'indemnité majorée qu'il prévoyait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Nationale immobilière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nationale immobilière à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me BALAT, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE à lui payer les sommes de 66.315,32 au titre des indemnités de licenciement majorées telles que prévues par le plan social et de 30.000 au titre du dédommagement de ses préjudices financiers et moraux ;
AUX MOTIFS QUE Madame X... a expressément refusé le poste de reclassement interne qui lui a été proposé ; que si elle considère qu'il appartenait à son employeur de lui proposer une deuxième possibilité de reclassement, force est de relever que le paragraphe 4.2 du plan social indique "En règle générale, la société s'engage à réaliser un effort de reclassement marqué pour les personnels de plus de 50 ans et de moins de 57 ans. Toutefois, nonobstant cette priorité, toutes les personnes concernées bénéficieront du présent dispositif et d'un effort particulier en matière de reclassement. La société s'efforcera de rechercher une seconde opportunité de reclassement dans l'hypothèse où la première proposition ne conviendrait pas aux salariés" ; qu'il ne s'agit pas d'une obligation expresse ; que surtout, l'article 3-2 du protocole additionnel du 20 janvier 2000 précise : "Se verront proposer deux offres valables d'emploi les salariés auxquels un poste de reclassement interne n'aura pu être proposé ou dont la candidature sur un poste en reclassement interne n'aura pas été retenue, ou qui pour des motifs légitimes examinés par la commission de suivi n'auront pu accepter un reclassement en interne" ; que Madame X... ne remplit aucun des deux premiers critères, et ne justifie pas de motifs légitimes soumis à la commission de suivi ; qu'effectivement, si elle soutient avoir été discriminée par la proposition d'un poste subalterne, et avoir saisi cette commission par courrier du 29 mai 2000, force est de constater que ce courrier n'est pas versé aux débats, que l'employeur conteste son existence, que le poste de Madame X... a bien été supprimé, et que seuls ont été conclus plusieurs mois après des embauches en CDD de remplacement ou de courte durée pendant la période estivale de surcroît d'activité pendant laquelle de nombreux militaires déménagent ; qu'enfin, il résulte des pièces qu'aucune autre solution en interne ne pouvait lui être proposée, à part un poste de concierge ; que l'employeur n'était donc pas tenu de lui proposer un autre reclassement ; que Madame X... indique ensuite que, licenciée pour motif économique, elle doit bénéficier des dispositions de l'article 4-5 du plan social prévoyant une majoration de l'indemnité de licenciement ; que le paragraphe 4-5 du plan social indique : "les salariés qui seront licenciés sans que la direction ait pu leur proposer une mesure de reclassement bénéficieront d'une indemnité conventionnelle de licenciement qui ne saurait être inférieure à 15.000 F brut par année d'ancienneté effective dans la limite d'un plafond de 350.000 F bruts. Toutefois, la direction s'engage à étudier l'application de ces dispositions aux salariés qui pour des motifs sérieux auront été amenés à ne pas donner de suite favorable aux propositions de reclassement précitées" ; que le protocole additionnel du 20 janvier 2000 a déplafonné ladite indemnité ; qu'il ne peut résulter de l'alinéa 2 de cet article un engagement de la direction à appliquer ces dispositions aux salariés amenés pour des motifs sérieux à ne pas donner de suite favorable aux reclassements proposés, s'agissant uniquement d'un "engagement d'étude" ; que Madame X... a bénéficié d'une proposition de reclassement et ne justifie pas de motifs sérieux, le poste proposé garantissant son salaire ; qu'elle sera déboutée de cette demande ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le plan social, devenu "plan de sauvegarde de l'emploi", a la nature d'un acte unilatéral de l'employeur, qui crée des obligations à sa charge ; qu'en estimant que l'engagement pris par l'employeur de s'efforcer "de rechercher une seconde opportunité de reclassement dans l'hypothèse où la première proposition ne conviendrait pas aux salariés" (paragraphe 4.2 du plan social) ne constituait pas une "obligation expresse", de sorte que la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE avait légitimement pu ne pas envisager de formuler une seconde offre de reclassement à l'égard de Madame X... (arrêt attaqué, p. 5 § 6), cependant que cette obligation était non seulement expresse mais contraignante pour l'employeur, la cour d'appel a dénaturé les termes du plan social et a violé les articles 1134 du Code civil et L.1233-61 et L.1235-10 (anciennement L.321-4-1) du Code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en exonérant l'employeur de toute obligation envers Madame X... au titre de la seconde offre de reclassement, au motif que le protocole additionnel du 20 janvier 2000 prévoyait que la seconde offre de reclassement n'avait à être formulée que lorsque le refus de la première offre par le salarié avait été qualifié de "légitime" par la "commission de suivi" et que, précisément, la salariée ne "justifie pas de motifs légitimes soumis à la commission de suivi" (arrêt attaqué, p. 5 in fine), sans rechercher s'il n'appartenait pas à l'employeur de saisir cette commission pour s'exonérer de son obligation de formuler une seconde offre de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L.1233-61 et L.1235-10 (anciennement L.321-4-1) du Code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en écartant la demande de Madame X... portant sur le paiement d'une indemnité de licenciement au taux majoré, au motif que l'obligation de l'employeur relative au paiement d'une telle indemnité aux salariés non reclassés, ou ayant refusé leur reclassement "pour des motifs sérieux", n'était qu'un "engagement d'étude" (arrêt attaqué, p. 6 § 4), sans constater cependant que cet "engagement d'étude" avait été suivi d'effet et que le sérieux des motifs pour lesquels Madame X... avait été amenée à refuser la première offre de reclassement avait été étudié par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L.1233-61 et L.1235-10 (anciennement L.321-4-1) du Code du travail ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE l'employeur doit mettre en oeuvre de bonne foi le plan social ; qu'en relevant que l'employeur s'exonérait des engagements pris dans le cadre du plan social aux motifs qu'il ne s'agissait pas "d'obligations expresses" (arrêt attaqué, p. 5 § 6), que la "commission de suivi" n'avait pas été saisie (arrêt attaqué, p. 5 in fine), ou encore qu'il était seulement astreint à un "engagement d'étude" (arrêt attaqué, p. 6 § 4), sans rechercher si la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE avait mis en oeuvre de bonne foi le plan social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L.1233-61 et L.1235-10 (anciennement L.321-4-1) du Code du travail.