LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Colo, a vendu à M. et Mme Y..., par l'intermédiaire de la société Must immobilier (la société Must), le fonds de commerce de bar-restaurant de celle-ci ; que quelques jours après la vente, les acquéreurs ont appris que le commerce n'avait jamais obtenu l'autorisation d'ouverture en raison d'un avis défavorable de la commission communale de sécurité et que la terrasse n'était pas conforme au permis de construire ; que l'établissement ayant fait l'objet d'une fermeture administrative et que le bail ayant été résilié, M. et Mme Y... ont assigné M. X..., ès qualités, la société Must et son assureur, la société Axa France (la société Axa), en résolution de la vente et en responsabilité ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche qui est recevable :
Vu les articles 1131,1147 et 1150 du code civil ;
Attendu que pour écarter toute responsabilité du vendeur, l'arrêt retient que les clauses de dispense concernant la réglementation de sécurité qui figurent dans la promesse d'achat et dans l'acte de vente du fonds de commerce sont valables dès lors qu'elles traduisent l'acceptation par les acquéreurs d'un aléa ou d'une obligation qu'ils étaient en mesure d'identifier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X..., ès qualités, qui avait comme obligation essentielle de délivrer le fonds de commerce pourvu d'une autorisation d'ouverture, ne pouvait s'en exonérer par une clause élusive de responsabilité qui, contredisant la portée de son engagement, devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter toutes les demandes de M. et de Mme Y... à l'encontre des sociétés Must et Axa, l'arrêt retient que celle-ci avait simplement obligation de présenter et de mettre en relation M. X..., ès qualités avec un éventuel acquéreur du fonds de commerce ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle l'y était invitée, si la société Must serait intervenue en qualité d'intermédiaire à la vente du fonds de commerce acquis par M. et Mme Y..., comme il en serait résulté des courriers que celle-ci leur a adressés en les qualifiant de clients et de leur versement d'une commission de 100 000 F, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M. et Mme Y... à l'encontre de M. X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Colo, de la société Must immobilier et de la société Axa France, l'arrêt rendu le 20 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Me X... agissant es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL COLO, de la SA Must Immobilier et de la SA AXA France ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE les époux Y... font valoir pour l'essentiel que même les ventes faites par autorité de justice sont assorties des garanties auxquelles peut prétendre tout cessionnaire, que la clause de non garantie est nulle en ce qu'elle contrevient aux dispositions des articles L 141-1 et L 141-3 du Code de commerce qui imposent l'information de l'acquéreur quant à la consistance du fonds et à sa valeur et obligent le vendeur à garantir l'exactitude des énonciations de l'acte, que le dol du vendeur est caractérisé dès lors qu'il ne les a pas renseignés sur les problèmes de non-conformité largement antérieurs à la cession, que l'absence d'autorisation d'ouverture et de permis de construire caractérisent un manquement à l'obligation de délivrance et constituent des vices cachés graves qui doivent conduire à la résolution de la vente aux torts du vendeur, et que l'éviction et le dommage subis par le fait de l'autorité publique doivent donner lieu à garantie dès lors que la fermeture est la conséquence de circonstances antérieures à la cession et que non informés de l'interdiction d'exploiter qui leur serait faite, de la durée de l'importance et du coût des mises en conformité, ils ne pouvaient en empêcher les effets ; que vainement les acquéreurs invoquent un dol par réticence, aucune manoeuvre imputable au liquidateur au notaire ou à l'agence immobilière n'étant caractérisée et l'ignorance dans laquelle ceux-ci se trouvaient de la situation du fonds au regard des règles d'urbanisme et de sécurité ne pouvant être mise en doute par de simples affirmations quant au caractère notoire de cette situation ; qu'à tort ils se prévalent des dispositions des articles L 141-1 et suivants du code de commerce qui ne contraignent le vendeur à garantir qu'un nombre limité d'énonciations de l'acte de vente étrangères aux manquements qu'ils invoquent ; que le liquidateur ayant accepté d'en assumer les frais, la société SOCOTEC mandatée par les acquéreurs, a procédé à une visite du fonds et déposé un rapport daté du 3 septembre 1998 préconisant un certain nombre de travaux, précautions et diligences, la non-exécution des travaux étant l'une des causes de la fermeture décidée par la ville le 24 novembre 1998 ; que les précautions telles l'ouverture d'une imposte, le positionnement d'une vanne, la suppression de dépôts et stockages le dévérouillage des grilles, le positionnement de divers dispositifs ou la fourniture de justificatifs, ne pouvaient mettre obstacle à la prise de possession et à l'exploitation du fonds, les acquéreurs qui ne soutiennent pas le contraire, ayant été en mesure d'y satisfaire avant l'intervention de l'arrêté d'ouverture ; que les travaux consistent en l'étiquetage d'une vanne, la pose de plaques de repérage sur différents équipements, la fermeture d'une imposte par un matériau coupe-feu ; la remise en état d'une vanne de gaz et la pose d'une goulotte métallique sur les tuyaux de réseau de gaz situés à moins de 1,80 mètres du sol ; qu'encore que les acquéreurs ne les aient pas fait chiffrer il peut être retenu compte tenu de leur nature qu'ils étaient d'un coût modique quasi dérisoire comparé au prix d'acquisition du fonds et que les acquéreurs qui s'étaient engagés contractuellement à supporter ce coût, ne doivent qu'à leur mauvaise volonté ou à la mise en oeuvre d'une stratégie délibérée de ne pas les avoir fait exécuter ; qu'ils ne peuvent en conséquence, quelle que soit la qualification juridique retenue, s'en prévaloir de bonne foi pour solliciter la résolution de la vente ; que des courriers échangés entre la mairie de Perpignan et le bailleur ou son conseil, il résulte que la terrasse dépendant du restaurant avait été construite selon les plans non-conformes au permis de construire mais que le bailleur ayant été propriétaire de la parcelle voisine, la régularisation simplement administrative pouvait intervenir moyennant la fourniture d'une attestation d'un notaire et un permis rectificatif ; que le propriétaire de la parcelle voisine, la régularisation simplement administrative pouvait intervenir moyennant la fourniture d'une attestation d'un notaire et un permis rectificatif ; que le propriétaire a certes fourni l'attestation le 4 novembre 1998 mais n'a déposé la demande de permis de construire que le 8 février 1999, postérieurement à l'arrêté de fermeture ; qu'il ne résulte qu'aucune négligence ne peut à cet égard être reprochée aux acquéreurs qui avaient au demeurant été informés par un courrier de la mairie du 6 août 199 qu'une demande de permis rectificative avait été déposée et que seule manquait l'attestation notariée certifiant que l'immeuble faisait partie de la même unité foncière ; que l'obstacle à l'exploitation résultant de l'impossibilité d'utiliser la terrasse, cause de la fermeture administrative, ne rend pas le fonds impropre à sa destination qui n'en est pas affectée et caractérise, non un vice caché mais un manquement à l'obligation de délivrance pesant sur le liquidateur vendeur ; que ne peut par suite être invoquées par ce dernier les dispositions de l'article 1649 du Code civil aux termes duquel les ventes faites comme en l'espèce par autorité de justice ne peuvent donner lieu à une action pour vices rédhibitoires ; que sont inapplicables également celles de l'article 1648 du Code civil qui, dans leur rédaction applicable imposent d'engager l'action résolutoire par pour vice cachés dans un bref délai ; qu'il appartient au vendeur seul de satisfaire à l'obligation de délivrance de rechercher les obstacles s'y opposant et d'en informer l'acquéreur ; qu'une dispense n'est valable qu'à condition d'être précise et de traduire l'acceptation par l'acquéreur d'un aléa ou d'une obligation qu'il est en mesure d'identifier ; que si sont valides en l'espèce au regard de ces principes les clauses de dispense figurant dans la promesse d'achat et dans l'acte de vente en tant qu'elles se rapportent à la réglementation de sécurité ces clauses ne sauraient être étendues à la conformité à la réglementation d'urbanisme du bâtiment faisant l'objet du bail cédé qui n'est pas même évoquée ; qu'à cet égard les acquéreurs peuvent en conséquence invoquer la violation de l'obligation de délivrance, ils en sauraient cependant obtenir l'annulation ou la résolution de la vente et les dédommagements qui en découlent alors que la fermeture et la perte du fonds sont indivisibles et ont pour origine partielle leur propre carence ; que les époux Y... s'abstenaient de régler le loyer des murs, se faisant expulser du fonds, et par la même occasion entraînant la perte de celui-ci ; qu'en application de l'article 1184 du Code civil, les choses ne peuvent être remises en état en cas de résolution de la vente, car le fonds de commerce a disparu du fait des consorts Y... et ils seraient dans l'impossibilité de restituer le fonds objet de la vente ;
1. ALORS QUE doit être réputée non écrite la clause élusive de responsabilité à raison d'un manquement du débiteur à une obligation essentielle, dès lors qu'elle contredit la portée de l'engagement ; que le vendeur d'un fonds de commerce de restauration a pour obligation essentielle de délivrer un fonds de commerce ayant bénéficié d'une autorisation d'ouverture ; qu'en l'espèce, le vendeur avait cédé un fonds de commerce de restauration pour la somme de 1 500 000 francs n'ayant pourtant jamais bénéficié d'une quelconque autorisation d'ouverture et étant ainsi affecté d'une interdiction d'exploitation ; qu'en écartant toute responsabilité du vendeur au visa de clauses élusives de responsabilité, quand ces dernières devaient être réputées non écrites la cour d'appel a violé les articles 1131, 1147 et 1150 du Code civil ;
2. ALORS en tout état de cause QU' il appartient au juge saisi d'une demande de résolution de la vente d'apprécier, en cas d'inexécution partielle, si cette inexécution est suffisamment importante pour que la résolution doive être immédiatement prononcée, ou si elle ne sera pas suffisamment réparée par l'octroi de dommages intérêts ; que la perte de la chose vendue ne peut faire obstacle à la résolution lorsqu'elle est la conséquence d'une faute partielle du vendeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un défaut de délivrance partielle du fonds de commerce était imputable au vendeur du fonds de commerce, lequel défaut de délivrance était l'une des causes de la disparition du fonds de commerce ; qu'en refusant néanmoins de prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce au motif inopérant que les acheteurs étaient également partiellement responsables de la disparition du fonds de commerce, quand il lui appartenait de rechercher si l'inexécution partielle du vendeur de son obligation de délivrance n'était pas suffisamment importante pour que la résolution soit immédiatement prononcée, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1184 et 1604 du code civil ;
3. ALORS QUE dans tous les cas de délivrance non-conforme, le vendeur doit être condamné aux dommages intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu ; que la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; qu'en l'espèce, les époux Y... sollicitaient la condamnation du vendeur à les dédommager pour le préjudice causé par la délivrance non-conforme sur le fondement de l'article 1147 du code civil (cf. conclusions p. 23 § 1 et p. 25) ; que pour les débouter de toute indemnisation, la cour d'appel, après avoir expressément constaté que le vendeur n'avait pas – au moins partiellement - respecté son obligation de délivrance, a retenu que «la fermeture et la perte du fonds sont indivisibles et ont pour origine partielle leur propre carence » ; qu'en statuant ainsi lorsqu'ayant retenu un défaut de délivrance partielle, il lui appartenait d'indemniser la victime du préjudice subi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1611 et 1147 du Code civil ;
4. ALORS QUE le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision, sans pouvoir faire appel à ses connaissances personnelles ; qu'en l'espèce, les époux Y... soutenaient que le montant des travaux préconisés par la SOCOTEC représentaient un élément nouveau, que leur valeur n'était pas neutre…. Et qu'il s'agissait de travaux et de diligences importants dont l'aboutissement n'était nullement certain pour permettre au final une exploitation normale du fonds » (cf. conclusions p. 21) ; qu'en affirmant que « quoi que les acquéreurs ne les aient pas fait chiffrer, il peut être retenu compte tenu de leur nature qu'ils étaient d'un coût modique quasi-dérisoire comparé au prix d'acquisition du fonds » sans préciser sur quel élément il se fondait pour déduire de la nature des travaux préconisés leur coût prétendument modique, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Y... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA Must Immobilier et de la SA AXA France ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE la SARL MUST IMMOBILIER avait simplement obligation de présenter et de mettre en relation Me X... ès qualités avec un éventuel acheteur du fonds de commerce ; qu'elle avait simplement obligation de présenter le bien et n'avait pas à attirer l'attention des futurs acquéreurs sur les éventuelles difficultés ; que les époux Y... ne rapportent pas la preuve que la SARL MUST IMMOBILIER ait eu un comportement dolosif ; que la vente du fonds de commerce est une vente par autorité administrative et tombe sous le coup des dispositions de l'article 1649 du code civil, excluant ainsi toutes garanties des vices cachés ; que le tribunal ne peut en l'absence de preuve d'une faute et d'un dol que constater l'absence de démonstration de l'existence d'un vice rejeter les demandes de M et Mme Y... à l'encontre de la SARL MUST IMMOBILIER sur le fondement tant du dol que du vice caché ;
1. ALORS QUE l'agent immobilier intermédiaire d'une vente de fonds de commerce, et rémunéré par commission, est tenu d'une obligation d'information et de conseil de l'acheteur ; qu'ainsi doit-il notamment vérifier que le fonds bénéficie de toutes les autorisations nécessaires, et notamment d'une autorisation d'ouverture et des permis de construire nécessaires à l'exploitation ; qu'en l'espèce, les époux Y... reprochaient à la société Must Immobilier, rémunérée par une commission de 100 000 francs, un manquement à son obligation de conseil et d'information, notamment en ce qu'elle n'avait pas vérifié l'existence des autorisations nécessaires à l'exploitation du fonds, telle l'autorisation d'ouverture (cf. conclusions p. 23-24) ou en ce qu'elle ne les avait pas alertés sur leur absence ; qu'en affirmant que l'agent immobilier SARL MUST IMMOBILIER avait simplement obligation de présenter le bien et n'avait pas à attirer l'attention des futurs acquéreurs sur d'éventuelles difficultés, quand en sa qualité d'intermédiaire lui incombait une obligation de conseil et d'information, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil
2. ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties et de préciser les éléments sur lesquels ils fondent leurs affirmations ; qu'en l'espèce, les époux Y... soutenaient que la société Must Immobilier était bien intervenue en qualité d'intermédiaire, ainsi qu'en témoignaient les courriers adressés les qualifiant de « clients », ainsi que le versement d'une commission de 100 000 francs (cf. conclusions p. 24) ; qu'en se contentant d'affirmer péremptoirement que la SARL MUST IMMOBILIER avait simplement obligation de présenter et de mettre en relation Me X... ès qualités avec un éventuel acheteur du fonds de commerce, sans nullement préciser les documents sur lesquels elle se fondaient pour l'affirmer ni examiner ceux produits par les époux Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.