LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Avi,
contre l'arrêt n° 1 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 17 décembre 2008, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroqueries en bande organisée et abus de confiance, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 13 mars 2009 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 12 § 1 de la Convention européenne d'entraide judiciaire, 9 de la Convention franco-israélienne du 12 novembre 1958, 101, 152, 592 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la nullité de la garde à vue et de la mise en examen d'Avi X... ainsi que de toute la procédure subséquente ;
" aux motifs que, par commissions rogatoires délivrées les 24 juin 2005 et 11 septembre 2007, le juge d'instruction faisait procéder à l'indentification et à l'interpellation des personnes susceptibles d'avoir été les auteurs des faits dont il était saisi ; que la résidence d'Avi X... ayant été retrouvée en Israël, les gendarmes entraient en relation avec lui pour l'aviser des recherches dont il faisait l'objet et l'inviter à déférer à leur convocation ; qu'après s'y être refusé, il acceptait de déférer le 12 novembre 2007, date qui lui était confirmée par une « citation à témoin » pour le 21 novembre 2007 à 14 heures à l'aéroport Charles de Gaulle à Roissy et qui lui était remise par l'intermédiaire de son épouse ; que son avocat, par lettres adressées le 6 novembre 2007 aux gendarmes et au juge d'instruction, sollicitait le report de sa comparution en raison d'une cérémonie religieuse prévue en Israël le 26 décembre 2007 ; que la date du 21 janvier 2008 était alors fixée d'un commun accord entre Avi X... et les gendarmes enquêteurs et qu'elle faisait l'objet d'une nouvelle « citation à comparaître » le 21 janvier 2008 à 12 heures à l'aéroport Charles de Gaulle à Roissy qui lui était adressée par courriel le 22 novembre 2007 ; qu'Avi X... revenait en France comme convenu pour le 21 janvier 2008 et se présentait à 12 heures 30 avec son avocat au bureau de l'unité de gendarmerie à Paris Exelmans (16ème) où il était placé en garde à vue à compter du 21 janvier 2008 à 12 heures 30, puis mis en examen le 23 janvier 2008, date à laquelle il était remis en liberté sous contrôle judiciaire ; que s'il résulte des articles 9 de la Convention franco-israélienne conclue le 12 novembre 1958 et 12 § 1 de la Convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959 invoqués par les conseils d'Avi X... au soutien des requêtes en nullité que quiconque résidant dans un autre pays ayant fait l'objet d'une citation à comparaître devant une autorité judiciaire française et y déférant ne peut être soumis à une restriction de sa liberté individuelle, ces articles réservent cette immunité temporaire aux personnes visées par une « citation » ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rechercher si les actes intitulés « citation à comparaître » par les gendarmes désignés par commission rogatoire ont la nature d'une citation et de leur donner leur exacte qualification ; qu'aux termes de l'article 101 du code de procédure pénale, le juge d'instruction fait citer devant lui, par un huissier ou par un agent de la force publique, toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile ; qu'une copie de cette citation leur est délivrée ; que les témoins peuvent aussi être convoqués par lettre simple, par lettre recommandée ou par la voie administrative et peuvent en outre comparaître volontairement ; qu'aucun texte ne prévoit que les enquêteurs commis sur commission rogatoire décident d'eux-mêmes d'une citation et y procèdent ; que, dès lors, les « citations à comparaître » qu'ils ont remises à l'épouse d'Avi X... et adressées par courriel à celui-ci ont été ainsi improprement dénommées et ne sont que de simples convocations dont les circonstances ci-dessus rappelées démontrent qu'il a négocié la date avec le concours de son conseil en compagnie duquel il s'est présenté volontairement dans les locaux de la gendarmerie de Paris Exelmans le 21 janvier 2008 à 12 heures 30 ; qu'au surplus, son avocat n'a soulevé aucune irrégularité lors du placement en garde à vue de son client ; que l'objet desdites conventions est de définir et régler entre les Etats signataires les conditions dans lesquelles ils conviennent de s'accorder mutuellement une aide judiciaire en matière pénale pour l'accomplissement de certains actes ; que ce n'est que dans l'hypothèse où cette aide a été mise en oeuvre par les Etats signataires que peuvent être invoquées les diverses dispositions qu'elles contiennent ; qu'en l'espèce, l'intervention des autorités d'Israël, où Avi X... était domicilié, n'a, à aucun moment, été requise ; qu'il n'y avait pas lieu à application des conventions susvisées et qu'aucune cause de nullité n'affecte l'interpellation critiquée ;
" 1°) alors que les articles 12 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et 9 de la Convention franco-israélienne du 12 novembre 1958 interdisent toute poursuite à l'encontre d'un témoin qui comparait devant les autorités judiciaires de l'Etat requérant à la suite d'une citation, sans distinguer selon la forme prise par la citation ; qu'en excluant Avi X... du bénéfice de cette immunité au seul motif qu'il aurait été convoqué par les gendarmes, par courriel, l'arrêt attaqué a violé par refus d'application les textes susvisés ;
" 2°) alors que les articles des traités susvisés ne distinguent pas non plus selon que la citation a été directement délivrée au témoin à son domicile étranger ou par l'intermédiaire d'une remise d'acte de procédure entre Etats ; qu'en excluant Avi X... du bénéfice de cette immunité au motif qu'il n'avait pas été cité selon la procédure d'entraide judiciaire, l'arrêt attaqué a encore violé par refus d'application les mêmes textes internationaux ;
" 3°) alors que, aux termes de l'article 152 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire exercent tous les pouvoirs du juge d'instruction ; que, dès lors, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué, ils peuvent décider de citer un témoin à comparaitre en application des pouvoirs qu'ils tiennent, par délégation du juge d'instruction, de l'article 101 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite des convocations aux fins d'audition que l'officier de police judiciaire lui avait adressées par l'intermédiaire de son épouse, puis par courrier électronique, Avi X..., qui résidait en Israël, s'est présenté volontairement aux enquêteurs qui l'ont placé en garde à vue le 23 janvier 2008, dans la procédure d'information ouverte le 21 avril 2005, au tribunal de grande instance de Paris, des chefs d'escroquerie en bande organisée et abus de confiance ; que, le 23 janvier 2008, l'intéressé a été mis en examen et placé en détention provisoire ; que, le 23 mai 2008, il a été soumis à un contrôle judiciaire ;
Attendu que, pour rejeter la requête tendant à l'annulation de ces actes pour violation de l'immunité accordée aux témoins par l'article 12 § 1 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, instrument en vigueur entre la France et Israël depuis le 26 décembre 1967, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte qu'à aucun moment l'intervention des autorités de l'Etat d'Israël où résidait Avi X... n'a été requise, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 706-96, 706-97, 706-98, 802, 592 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la nullité de l'ordonnance du 5 juillet 2007 autorisant la mise en place d'un dispositif de sonorisation et de captation d'images dans les locaux de la gendarmerie ainsi que toute la procédure subséquente ;
" aux motifs que, par ordonnance motivée du 5 juillet 2007, le juge d'instruction de Paris a autorisé « la mise en place d'un système de sonorisation et de fixation d'images au sein du local radio / Rubis de la brigade de Paris Exelmans abritant le poste informatique d'interrogation collectif de cette unité » ; que, par commission rogatoire du même jour, il a commis pour y procéder le commandant de la section de recherches de la région de gendarmerie de l'Ile de France ; que l'ordonnance mentionne les éléments permettant d'identifier les lieux visés et l'infraction qui motive le recours à la sonorisation mais n'indique pas sa durée ; que la commission rogatoire prise en exécution le même jour ordonne les mesures techniques qui devront être réalisées et précise que « les procès-verbaux dressés nous seront transmis, avec une copie certifiée conforme, avant le 5 novembre 2007 » ; que l'article 706-96 du code de procédure pénale donne au juge d'instruction le pouvoir d'autoriser la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ; que l'article 706-97 du code de procédure pénale dispose que « les décisions prises doivent comporter tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l'infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celle-ci » ; que deux actes sont nécessaires, à savoir une ordonnance suivie d'une commission rogatoire spécifique pour que l'ordonnance puisse recevoir exécution ; que l'ordonnance visée par l'article 706-96, alinéa 1, du code de procédure pénale s'analyse en une autorisation donnée par le juge d'instruction à des officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire et qu'elle ne peut recevoir exécution que si elle est suivie d'une commission rogatoire spécifique aux fins de mise en place du dispositif de sonorisation ; qu'ainsi, l'ordonnance d'autorisation constitue, avec la commission rogatoire, délivrée pour son exécution, la décision prévue par l'article 706-97 du code de procédure pénale ; que la mention utilisée dans la commission rogatoire délivrée le 5 juillet 2007 fixant au 5 novembre 2007 le délai de transmission des procès-verbaux donne de façon explicite une limite à la durée de cette installation répondant aux exigences de l'article 706-97 du code de procédure pénale ;
" alors que l'article 706-97 impose que les décisions prises en application de l'article 706-96 précisent la durée des mesures de sonorisation et captation d'images qu'elles autorisent ; qu'en l'espèce il ressort des propres constations de l'arrêt que l'ordonnance ne précisait pas la durée tandis que la commission rogatoire ne fixait que la date à laquelle il devait être fait retour des procès-verbaux au juge d'instruction ; qu'ainsi, la durée de la mesure n'a pas été fixée par le juge d'instruction ; qu'il ne peut être palliée cette absence de mention sur la durée de la mesure par la limite résultant du délai fixé pour le retour des procès-verbaux d'exécution au juge d'instruction ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés qui sont d'ordre public " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans l'information ouverte des chefs, notamment, d'escroqueries en bande organisée et abus de confiance, le juge d'instruction a, par ordonnance du 5 juillet 2007, autorisé la mise en place d'un dispositif technique de sonorisation et de captation d'images au sein du " local radio / Rubis de la brigade de Paris Exelmans abritant le poste informatique d'interrogation collectif de cette unité " ; que, pour l'exécution de sa décision, le magistrat a commis le commandant de la section des recherches de la région de gendarmerie de l'Ile de France ; que l'ordonnance précitée mentionne les éléments permettant d'identifier les lieux visés et l'infraction qui motive le recours au dispositif de sonorisation et de fixation d'images mais n'en fixe pas la durée ; que la commission rogatoire délivrée le même jour définit les mesures techniques qui devront être réalisées et précise que les procès-verbaux dressés par l'officier de police judiciaire délégataire devront être transmis au juge mandant avant le 5 novembre 2007 ; que le dispositif installé le 6 juillet 2007 a été utilisé par intermittence jusqu'à l'interpellation de la personne soupçonnée le 14 septembre 2007 ;
Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'absence, tant dans l'ordonnance du juge d'instruction du 5 juillet 2007 que dans la commission rogatoire du même jour, de toute mention relative à la durée des mesures de sonorisation et de captation d'images, l'arrêt retient, d'une part, que l'ordonnance d'autorisation prévue par l'article 706-96, alinéa 1, du code de procédure pénale constitue avec la commission rogatoire délivrée pour son exécution, la décision prévue par l'article 706-97 du code de procédure pénale et, d'autre part, que la commission rogatoire en date du 5 juillet 2007 fixant au 5 novembre 2007, le délai de transmission des procès-verbaux, donne de façon explicite une limite à la durée de cette installation, répondant ainsi aux exigences posées par l'article 706-97 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en l'absence, dans l'ordonnance d'autorisation ou dans la commission rogatoire, de la mention de la durée des mesures de sonorisation et de fixation d'images, la chambre de l'instruction aurait dû constater l'irrégularité qui avait été commise ; que, cependant, les procès-verbaux établis par les enquêteurs à la suite de ces opérations n'ont apporté aucun élément utile à la procédure d'instruction ; qu'il s'ensuit qu'aucune atteinte n'ayant été portée aux droits du demandeur, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Chanet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;