LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 mai 2008), que la Banque populaire du Sud venant aux droits de la Banque populaire du Midi (la banque) a mis en relation MM. X... et Y..., qui étaient ses clients, pour la vente par le premier d'une pelle mécanique au second auquel elle a consenti un prêt à la création d'entreprise ainsi qu'un concours financier pour cette opération ; qu'ayant pris possession de ce matériel acquis auprès de la société Groupe de distribution Sud (société GDS), M. X... a remis à celle-ci deux chèques qui sont revenus impayés ; qu'après avoir fait délivrer une sommation interpellative à M. Y..., la société GDS a assigné en paiement M. X... et la banque ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir écarté des débats la sommation interpellative du 19 décembre 2003, alors, selon le moyen :
1° / que le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale permet aux parties de produire des déclarations intervenues dans le cadre d'une sommation interpellative diligentée par un huissier de justice auprès d'un tiers ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter des débats la sommation interpellative, que la société GDS s'était livrée à une véritable enquête, la cour d'appel, qui devait pourtant examiner tous les moyens de preuve produits par les parties au litige, a violé l'article L. 110-3 du code de commerce, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
2° / que le juge ne peut rejeter une attestation non conforme aux exigences de l'article 202 sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constitue l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter des débats la sommation interpellative, que l'auteur des déclarations n'avait pas prêté serment et qu'il n'avait pas été avisé des sanctions pénales encourues en cas de faux témoignage, sans rechercher si cette omission constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie adverse, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 202 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant souverainement apprécié la valeur probante de la sommation interpellative litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas encouru le grief de la première branche, n'avait pas à effectuer la recherche mentionnée à la seconde branche ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes dirigées à l'encontre de la banque, alors, selon le moyen :
1° / que le simple fait pour une banque de mettre en relation ses clients afin qu'ils effectuent des transactions constitue un manquement à son devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients et donc une faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers ; qu'en l'espèce, en considérant que la banque n'avait pas commis de faute, tout en relevant par ailleurs qu'il n'entrait pas dans sa mission de mettre en relation ses clients afin qu'ils effectuent entre eux des transactions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a donc violé l'article 1382 du code civil ;
2° / que le tiers à un contrat, qui peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel, qui lui a causé un dommage, ne peut se voir opposer l'absence de réclamation du cocontractant ; qu'en l'espèce, en se fondant cependant sur l'absence de réclamation des clients à l'encontre de la banque, pour considérer que la banque n'avait pas commis de faute en présentant deux de ses clients en vue de la conclusion d'une transaction, a violé l'article 1382 du code civil ;
3° / que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la banque n'avait pas conseillé correctement son client, M. Y..., sur les risques de l'opération eu égard à la situation économique de M. X..., manquement qui lui avait causé un préjudice ; qu'en se prononçant sur le devoir de conseil de la banque à l'égard de la société et non, comme il le lui était pourtant demandé, sur le devoir de conseil de la banque à l'égard de son client, la cour d'appel a mené une recherche qui ne lui était pas demandée, dénaturant ainsi l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4° / que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être reproché à la banque de ne pas avoir informé la société, faute d'avoir établi qu'elle avait connaissance de l'acquisition de la pelle mécanique par M. X... auprès de cette société ; qu'en statuant à l'aune de motifs qui ne permettaient en rien de caractériser le respect par la banque de son obligation d'information à l'égard de son propre contractant, M. Y..., sur la situation financière de M. X..., manquement contractuel que pouvait utilement invoquer la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
5° / que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la banque avait favorisé la rencontre entre M. Y... et M. X... afin de réduire le découvert en compte de M. X..., ce qui était notamment révélé par son empressement à remplacer l'une des traites initialement prévue par un seul et même virement au profit de M. X... ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes de l'existence d'une faute de la banque, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la banque s'était bornée à présenter deux de ses clients l'un à l'autre, lesquels avaient conservé toute leur liberté, que la société connaissait M. X... qui avait été son salarié pendant plus de trois ans et se trouvait en relation d'affaires avec elle et qu'elle avait pris un risque financier certain en acceptant, en l'état du prêt accordé à M. Y..., l'enlèvement immédiat de la marchandise sans s'assurer de la sécurité financière de la transaction et enfin que la banque n'avait pas été informée de l'acquisition en cause, l'arrêt retient que la preuve d'une faute de cette dernière n'est pas établie ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants évoqués à la deuxième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation a, sans méconnaître l'objet du litige, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe de distribution Sud GDS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Groupe de distribution Sud GDS.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir écarté des débats la sommation interpellative du 19 décembre 2003 ;
Aux motifs que « l'huissier instrumentaire, agissant dans les locaux de sa mandante, la sa GDS, en présence de l'épouse de David Y..., a posé à celui-ci 14 questions rédigées à l'avance par la sa GDS et concernant plus particulièrement l'attitude de M. A..., employé par la banque populaire du midi, venant aux droits de la banque populaire du midi, agence de Montpellier Comédie ; que comme il s'y était engagé dans cet acte, David Y... a remis ensuite à l'huissier le relevé de son compte bancaire ;
Attendu que cette sommation correspond à l'interrogation d'un tiers à la procédure à l'aide d'un questionnaire manifestement préétabli par la sa GDS qui, au surplus, a pu ainsi obtenir la production volontaire d'une pièce couverte par le secret bancaire ; que par le biais de cet acte de procédure, la sa GDS s'est livrée à une véritable enquête ; que l'auteur des déclarations n'a pas prêté serment et qu'il n'a pas été avisé des sanctions pénales encourues en cas de faux témoignage ; que dans ces conditions, aucun caractère probant ne sera attaché à cette sommation interpellative qui sera écartée des débats » ;
1 / Alors que, d'une part, le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale permet aux parties de produire des déclarations intervenues dans le cadre d'une sommation interpellative diligentée par un huissier de justice auprès d'un tiers ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter des débats la sommation interpellative, que la société GDS s'était livrée à une véritable enquête, la Cour d'appel, qui devait pourtant examiner tous les moyens de preuve produits par les parties au litige, a violé l'article L. 110-3 du Code de commerce, ensemble l'article 9 du Code de procédure civile ;
2 / Alors que, d'autre part, le juge ne peut rejeter une attestation non conforme aux exigences de l'article 202 sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constitue l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter des débats la sommation interpellative, que l'auteur des déclarations n'avait pas prêté serment et qu'il n'avait pas été avisé des sanctions pénales encourues en cas de faux témoignage, sans rechercher si cette omission constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie adverse, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 202 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société GDS de ses demandes dirigées à l'encontre de la Banque Populaire du Sud, venant aux droits de Banque Populaire du Midi ;
Aux motifs que « que s'il n'entre pas dans la mission d'une banque de mettre en relation ses clients afin qu'ils effectuent entre eux des transactions, en l'espèce, la sa GDS ne démontre aucune faute commise par la banque en présentant l'un à l'autre David Y... et Thierry X..., qui ont conservé toute liberté et qui n'ont formulé aucune réclamation à l'encontre de celle-ci ;
Attendu ensuite, que la sa GDS ne prouve pas que, le jour de la transaction réalisée avec Thierry X..., la banque lui a affirmé téléphoniquement que le chèque de 23 703, 52 serait réglé et que curieusement, dans la sommation interpellative du 18 décembre 2003, elle n'a pas fait poser cette question à M. Y... dont elle affirme la présence sur les lieux à la date du 2 septembre 2003 ;
Attendu par ailleurs, que la sa GDS a contracté avec Thierry X... qu'elle connaissait parfaitement puisqu'il avait été son salarié pendant plus de trois ans, ce qu'elle a d'ailleurs curieusement nié jusqu'à la délivrance d'une injonction par le conseiller de la mise en état ; qu'étant concessionnaire de matériel de travaux publics de marque Case, elle ne pouvait ignorer, au moment des faits, que celui ci exerçait une activité de négoce des mêmes marchandises ; qu'elle ne dément pas l'assertion de la banque populaire du sud, venant aux droits de la banque populaire du midi, selon laquelle, au moment des faits, elle était en relations d'affaires avec Thierry X... ; que ces divers éléments expliquent le fait que, prenant un risque financier certain, elle a accepté, en l'état du prêt accordé aux époux Y..., l'enlèvement immédiat de la marchandise contre la remise d'un chèque par Thierry X..., alors que, si elle s'était comportée en commerçant avisé et soucieux d'assurer la sécurité financière de cette transaction, elle aurait soit exigé de Thierry X... la remise d'un chèque certifié, soit différé la livraison du matériel jusqu'à son règlement soit appliqué une clause de réserve de propriété, soit demandé de conclure le contrat directement avec M. Y... ;
Attendu ensuite qu'il n'est pas démontré que la banque populaire du sud, venant aux droits de la banque populaire du midi, était informée de l'acquisition de la pelle mécanique par Thierry X... auprès la sa GDS de sorte qu'il lui est vainement reproché de n'avoir pas informé celle-ci ;
Attendu que de l'ensemble de ces éléments, il ressort, d'une part, que le préjudice subi par la sa GDS ressort de sa propre négligence, d'autre part, que la preuve d'une faute commise par la banque populaire du sud, venant aux droits de la banque populaire du midi, n'est pas rapportée par la sa GDS qui en a la charge » ;
1 / Alors que, d'une part, le simple fait pour une banque de mettre en relation ses clients afin qu'ils effectuent des transactions constitue un manquement à son devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients et donc une faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers ; qu'en l'espèce, en considérant que la banque n'avait pas commis de faute, tout en relevant par ailleurs qu'il n'entrait pas dans sa mission de mettre en relation ses clients afin qu'ils effectuent entre eux des transactions, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a donc violé l'article 1382 du Code civil ;
2 / Alors que, d'autre part, le tiers à un contrat, qui peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel, qui lui a causé un dommage, ne peut se voir opposer l'absence de réclamation du cocontractant ; qu'en l'espèce, en se fondant cependant sur l'absence de réclamation des clients à l'encontre de la banque, pour considérer que la banque n'avait pas commis de faute en présentant deux de ses clients en vue de la conclusion d'une transaction, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3 / Alors qu'en outre l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la banque n'avait pas correctement conseillé son client, M. Y..., sur les risques de l'opération eu égard à la situation économique de Monsieur X..., manquement qui lui avait causé un préjudice ; qu'en se prononçant sur le devoir de conseil de la Banque à l'égard de la société GDS et non, comme il le lui était pourtant demandé, sur le devoir de conseil de la banque à l'égard de son client, la Cour d'appel a mené une recherche qui ne lui était pas demandée, dénaturant ainsi l'objet du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
4 / Alors que, pour le surplus, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, qui lui a causé un dommage ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être reproché à la banque de ne pas avoir informé la société GDS, faute d'avoir établi qu'elle avait connaissance de l'acquisition de la pelle mécanique par Thierry X... auprès de cette société ; qu'en statuant à l'aune de motifs qui ne permettaient en rien de caractériser le respect par la banque de son obligation d'information à l'égard de son propre contractant, M. Y..., sur la situation financière de M. X..., manquement contractuel que pouvait utilement invoquer la société GDS, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
5 / Alors qu'enfin l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la banque avait favorisé la rencontre entre M. Y... et M. X... afin de réduire le découvert en compte de Monsieur X..., ce qui était notamment révélé par son empressement à remplacer l'une des traites initialement prévue par un seul et même virement immédiat au profit de M. X... ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes de l'existence d'une faute de la banque, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.