LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le 1er juin 1999, M. X... a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager dans le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société Assurances générales de France (AGF) ; que M. X..., qui exerçait la profession de conducteur de machine à ouate avant l'accident, a été reclassé comme agent de qualité à compter du 7 mars 2001 ; qu'ayant refusé une modification de son contrat de travail, il a été licencié pour motifs économiques par lettre du 7 octobre 2002 ; que M. et Mme X... ont assigné M. Y..., la société AGF et la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse devant un tribunal de grande instance en réparation des préjudices résultant de l'accident du 1er juin 1999 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... et la société AGF font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de la réparation de l'incapacité permanente partielle et de l'incidence professionnelle de cette incapacité jusqu'au 13 mai 2014, alors, selon le moyen, que l'incidence professionnelle d'une incapacité permanente partielle n'est indemnisée que si elle est la conséquence directe de l'accident, mais non si elle résulte d'une décision personnelle de la victime ; qu'en énonçant que le licenciement économique de M. X... était la conséquence de l'accident, dès lors qu'il était le résultat d'une "incapacité de l'employeur à le reclasser sérieusement" du fait des blessures causées par l'accident, alors que le licenciement était la conséquence directe du refus par M. X... du poste proposé, pourtant compatible avec son état, de sorte que l'indemnisation à laquelle il pouvait prétendre devait prendre en considération la différence non pas entre le salaire perçu avant l'accident et les indemnités de chômage mais entre le salaire perçu avant l'accident et celui qu'il aurait perçu s'il avait accepté le nouveau poste ; qu'en allouant à la victime la somme de 39 803,38 euros correspondant à la différence entre le salaire perçu avant l'accident et les indemnités de chômage versées, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'auteur d'un accident est tenu d'en réparer toutes les conséquences dommageables, et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ;
Et attendu que l'arrêt retient que le licenciement de M. X... est la conséquence de l'accident, qui l'a rendu inapte au poste qu'il occupait précédemment, lequel n'a pas été supprimé et a même été assorti d'augmentations de rémunérations, alors que l'employeur était dans l'incapacité de faire une proposition sérieuse de nouveau poste à M. X... ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations la cour d'appel a pu décider que l'indemnisation de la perte de gains consécutive au licenciement de M. X... correspondait à la différence entre le salaire perçu avant l'accident et les indemnités de chômage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu le principe de la réparation intégrale des préjudices ;
Attendu que pour fixer le montant de l'indemnité due à M. X... en réparation de l'impossibilité pour lui de retrouver un emploi pour la période du 30 août 2005 au 13 mai 2014, l'arrêt retient que ce préjudice justifie une réparation selon une table de capitalisation temporaire à 4,06 % de (29 223,56 euros - 19 353,52 euros) x 8.335 = 82 266,78 euros ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que la perte de gains professionnels devait être calculée en fonction du salaire perçu par M. X... avant l'accident de la circulation du 1er juin 1999, sans qu'il soit tenu compte de son refus d'une modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu ‘il a fixé à la somme 201 470 euros, le montant de la réparation de l'incapacité permanente partielle et de l'incidence professionnelle de cette incapacité pour M. X... jusqu'au 13 mai 2014 et dit que sur cette somme la CPAM de Vaucluse peut exercer son recours à concurrence de 98 866,85 euros et condamné solidairement M. Y... et la société AGF à payer à M. X... la somme de 34 203,31 euros en deniers ou quittances et avec le calcul éventuel des intérêts tels que déterminés en première instance, en réparation des postes de préjudices liés à l'incapacité permanente partielle avec incidence professionnelle jusqu'au 13 mai 2014, l'arrêt rendu le 29 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société AGF et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société AGF et de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à 82 266,78 euros l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente partielle de Monsieur X... résultant d'une incapacité de retrouver un emploi pour un homme âgé de 50 ans à compter de la fin de l'indemnisation de son chômage à l'âge de la retraite à 60 ans, soit le 13 mai 2014 et de l'avoir débouté de sa demande de réparation de son incidence sur ses droits à la retraite ;
AUX MOTIFS QUE : « …..
- une incapacité permanente partielle de 38% chez un homme de 47 ans au moment de la consolidation fixée au 22 janvier 2002, justifiant sur la base d'un taux de 1.800 du point communément admis dans le ressort de la Cour d'Appel de NIMES ; une indemnisation de 68.400 ;
- une incidence professionnelle résultant :* d'un reclassement à compter du 7 mars 2001 sur un poste de contrôleur qualité moins bien rémunéré que celui de conducteur de machine à ouate, M. X... justifiant d'une différence de salaire moyen de 11.000 ;* d'un licenciement économique en relation avec la perte précédente à compter du 12 décembre 2002 jusqu'au 30 août 2005, date de la fin de l'indemnisation ASSEDIC, et justifiant, compte tenu de cette indemnisation sociale partielle, une réparation à hauteur de 39 803,38 euros, sans que l'on puisse être admis à objecter que le licenciement est le fait volontaire de M. X... puisqu'il est le résultat d'une incapacité de l'employeur à le reclasser sérieusement au sein de l'entreprise à la suite de l'accident, le poste précédemment occupé n'ayant pas été supprimé et ayant même bénéficié d'augmentations de rémunérations qui n'ont échappé à M. X... qu'en raison de sa propre inaptitude au poste considéré du fait exclusif de ses blessures accidentelles* d'une incapacité de retrouver un emploi pour un homme âgé de 50 ans à compter de la fin de l'indemnisation de son chômage à l'âge de la retraite à 60 ans, soit le 13 mai 2014, justifiant une réparation selon une table de capitalisation temporaire à 4,06% de (29 223,56-19 353,52 euros) x 8,335 = 82.266,78 soit pour l'incidence professionnelle un total de 133.070,16 duquel doit être déduite la capitalisation de la rente d'invalidité servie par la CPAM de Vaucluse d'un montant, selon le même barème, de 98.866,85 qui sera directement remboursé à l'organisme social par les obligés intimés, soit à revenir à M. X... pour la réparation de l'incidence professionnelle issue directement de l'accident, une somme de 34.203,31 à l'exclusion de toute autre dont notamment l'incidence sur les droits à la retraite pour laquelle M. X... n'apporte aucune justification de prévision, étant rappelé tout de même qu'il résulte de l'article 146 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile qu'il est interdit au juge de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe, y compris par l'organisation d'une expertise, demande qui sera donc rejetée » ;
ALORS 1°) QUE : en constatant d'une part, que le licenciement de Monsieur X... du poste dans lequel il avait été reclassé ne relevait pas de son fait volontaire et d'autre part, l'incapacité de Monsieur X... de retrouver un emploi pour un homme âgé de 50 ans à compter de la fin de l'indemnisation de son chômage jusqu'à l'âge de la retraite tout en limitant le calcul de l'indemnité correspondant au préjudice économique par le versement d'une somme représentant la différence entre les revenus que la victime eût continué de recevoir sans la survenance de l'accident et ceux qu'elle aurait reçus dans le cadre de son reclassement de façon injustifiée eu égard au caractère total et absolu de ce préjudice économique, la Cour n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qu'elles comportaient et partant, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil.
ALORS 2°) QUE : en se contentant d'écarter l'indemnisation de l'incidence professionnelle du préjudice sur les droits à la retraite de Monsieur X... aux seuls motif inopérants que ce dernier n'apportait aucune justification de prévision et qu'une mesure d'expertise ne pouvait suppléer la carence de Monsieur X... dans l'administration de cette preuve tout en constatant expressément l'incapacité de retrouver un emploi pour Monsieur X... jusqu'à l'âge de sa retraite découlant directement de l'accident, la Cour a omis de tirer de ses propres constatations les conséquences qu'elles comportaient et partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux conseils pour M. Y... et la société AGF.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé à 201.470,16 le montant de la réparation de l'incapacité permanente partielle et de l'incidence professionnelle de cette incapacité pour Monsieur X... jusqu'au 13 mai 2014 - incluant d'une part, la somme de 39.803,38 correspondant à l'indemnisation de l'incidence professionnelle pendant la période du 12 décembre 2002 au 30 août 2005, et d'autre part, la somme de 82.266,78 correspondant à l'indemnisation de l'incidence professionnelle pendant la période du 30 août 2005 au 13 mai 2014 - puis d'avoir dit que sur cette somme la CPAM de Vaucluse pouvait exercer son recours à concurrence de 98.866,85 et d'avoir en conséquence condamné solidairement Monsieur Y... et la SA AGF à payer directement à Monsieur X... la somme de 34.203,31 en deniers ou quittances et avec le calcul éventuel des intérêts tels que déterminés en première instance, en réparation des postes de préjudices liés à l'incapacité permanente partielle avec incidence professionnelle jusqu'au 13 mai 2014,
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le préjudice de Monsieur X... dont il est acquis aux débats par non contestation des conclusions expertales, qu'âgé de 45 ans au moment de l'accident pour être né le 13 mai 1954, droitier, conducteur de machine à ouate et titulaire de mandats sociaux dans son entreprise qui le rémunérait à hauteur moyenne de l'équivalent de 2.435,29 euros par mois (les parties sont d'accord sur ce montant), il a subi (...) une incidence professionnelle résultant notamment d'une part, d'un licenciement économique en relation avec la perte précédente à compter du 12 décembre 2002 jusqu'au 30 août 2005, date de la fin de l'indemnisation Assedic, et justifiant, compte tenu de cette indemnisation sociale partielle, une réparation à hauteur de 39.803,38 , sans que l'on puisse être admis à y objecter que le licenciement est le fait volontaire de M. X... puisqu'il est le résultat d'une incapacité de l'employeur à le reclasser sérieusement au sein de l'entreprise à la suite de l'accident, le poste précédemment occupé n'ayant pas été supprimé et ayant même bénéficié d'augmentation de rémunération qui n'ont échappé à Monsieur A... qu'en raison de sa propre inaptitude au poste considéré du fait exclusif de ses blessures accidentelles et d'autre part, d'une incapacité de retrouver un emploi pour un homme âgé de 50 ans à compter de la fin de l'indemnisation de son chômage à l'âge de la retraite, soit le 13 mai 2014, justifiant une réparation selon une table de capitalisation temporaire à 4,06% de (29.223,56 - 19.353,52 ) x 8.335 = 82.266,78 (arrêt p.7).
ALORS QUE D'UNE PART, l'incidence professionnelle d'une incapacité permanente partielle n'est indemnisée que si elle est la conséquence directe de l'accident, mais non si elle résulte d'une décision personnelle de la victime ; qu'en énonçant que le licenciement économique de Monsieur X... était la conséquence de l'accident, dès lors qu'il était le résultat d'une "incapacité de l'employeur à le reclasser sérieusement" du fait des blessures causées par l'accident, alors que le licenciement était la conséquence directe du refus par Monsieur X... du poste proposé, pourtant compatible avec son état, de sorte que l'indemnisation à laquelle il pouvait prétendre devait prendre en considération la différence non pas entre le salaire perçu avant l'accident et les indemnités de chômage mais entre le salaire perçu avant l'accident et celui qu'il aurait perçu s'il avait accepté le nouveau poste ; qu'en allouant à la victime la somme de 39 803,38 correspondant à la différence entre le salaire perçu avant l'accident et les indemnités de chômage versées, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.
ET ALORS QUE D'AUTRE PART, en allouant à Monsieur X... une indemnité au titre de l'incidence professionnelle calculée - pour la période du 12 décembre 2002 au 30 août 2005 - d'après la différence entre le salaire perçu avant l'accident et les indemnités de chômage, en considération du fait que le licenciement était le fait exclusif de ses blessures accidentelles (arrêt p.7 §2), puis en lui allouant une indemnité calculée - pour la période du 30 août 2005 au 13 mai 2014 - d'après la différence entre le salaire perçu avant l'accident (29.223,56 ) et le salaire qui aurait été perçu s'il avait accepté la modification de son contrat de travail (19.353,52 ), la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.