LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 novembre 2007), que M. X... et M. Y... ont été engagés respectivement les 2 mai et 5 novembre 2001 par la société Bernier automobiles où ils exerçaient en dernier lieu les fonctions de vendeurs itinérants de pièces de rechange et d'accessoires (vendeurs PRA) ; que leur rémunération comportait une partie variable dont le montant, fonction du volume des ventes qu'ils réalisaient, était déterminé selon des modalités de calcul fixées d'un commun accord chaque année par un "règlement des ventes" ; qu'ils ont été licenciés pour faute grave le 26 février 2004 en raison de leur refus de participer à deux réunions de promotion des accessoires auprès des équipes commerciales d'établissements de la société ;
Attendu que la société Bernier automobiles fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... et M. Y... diverses sommes à titre d'indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que commet une faute grave le salarié qui, malgré les injonctions répétées de son employeur, refuse délibérément d'exécuter des travaux relevant de ses attributions, sans motif légitime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui relève que les vendeurs itinérants PRA devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales, ne pouvait dire que le refus réitéré des salariés de participer à des actions commerciales auprès des vendeurs de véhicules automobiles neufs de l'entreprise n'était pas fautif, ni juger que leur licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse sans violer, ensemble, les articles 1134 du code civil et L. 122-6 et suivants du code du travail ;
2°/ que le contrat de travail et ses avenants, régulièrement signés, doivent être exécutés de bonne foi par le salarié ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait que, conformément aux avenants du 10 juin 2003, les salariés devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales, la cour d'appel ne pouvait dire qu'en leur demandant, en janvier 2004, de se rendre dans les concessions de Paris et de Nanterre de l'entreprise afin de faire connaître à la force de vente des véhicules neufs automobiles, les accessoires pouvant être vendus à la clientèle, la société Bernier automobiles avait imposé des modifications, par anticipation, de leurs activités ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134 du code civil et L. 122-6 et suivants du code du travail ;
3°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dire que "le licenciement était fondé sur le seul refus des salariés de débuter par anticipation les nouvelles activités commerciales de prospection conditionnant les modifications non encore acceptées de leurs rémunérations variables", quand les lettres de licenciement leur reprochait leurs refus réitérés de se rendre dans une concession de l'entreprise "afin de promouvoir nos accessoires auprès des équipes commerciales" sans méconnaître les termes de cette lettre et les articles L. 122-14-2 et L. 122-6 du code du travail ;
4°/ que la cour d'appel qui constate que, conformément aux avenants en date du 10 juin 2003, les vendeurs itinérants PRA devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales et que les propositions de modification de la rémunération variable étaient simplement envisagées, pour permettre le calcul futur de leurs rémunérations variables, ne pouvait juger que le refus des salariés d'exécuter ces activités était néanmoins justifié, sans caractériser en quoi elles conditionnaient "les modifications non encore acceptées de leurs rémunérations variables" ou étaient dépendantes de ventes réalisées par des tiers et sans rechercher si l'employeur n'avait pas garanti, en tout état de cause, aux salariés le maintien de leurs rémunérations, ni caractériser, enfin, que la modification de la rémunération variable aurait d'ores et déjà été effective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du code civil, L. 121-1 et L. 122-6 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les salariés percevaient, pour leur activité commerciale, une rémunération variable déterminée en fonction d'objectifs et de modalités définis chaque année par un règlement des ventes soumis à leur acceptation, ce dont il résultait qu'il ne pouvait leur être confié, sans leur accord, aucune action commerciale qui n'était pas prise en compte pour le calcul de cette rémunération ; qu'ayant relevé que l'employeur avait décidé, au début de l'année 2004, de charger les salariés d'une action commerciale nouvelle consistant dans la promotion des accessoires auprès des équipes commerciales de ses établissements alors que sa proposition de règlement des ventes pour l'année 2004 qui prévoyait une rémunération variable spécifique pour cette activité n'avait pas été acceptée par les intéressés, elle a décidé à bon droit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, que le refus des salariés de remplir cette mission n'était pas fautif ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bernier automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bernier automobiles à payer à MM. X... et Y... une somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société Bernier automobiles
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Société BERNIER AUTOMOBILES à payer à Messieurs Y... et X... différentes sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'avoir ordonné le remboursement des indemnités chômage à l'ASSEDIC de l'Ouest Francilien ;
AUX MOTIFS QUE :
« que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise , qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l'autre partie d'en rapporter seul la preuve, que la société BERNIER AUTOMOBILES a notifié à Gianni X... et Karl Z... U leurs licenciements en invoquant leur insubordination, c'est-à-dire leur refus réitéré de se rendre dans une concession afin de promouvoir les accessoires auprès des équipes commerciales, qu'il convient de relever que si les modifications apportées aux contrats de travail des salariés par les avenants en date du 10 juin 2003, pris dans le cadre de la révision de classement des salariés négociée le 6 décembre 2002, permettaient de considérer que désormais les vendeurs itinérants PRA (pièces de rechange et accessoires) devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales, pour autant il est certain que les nouvelles instructions données à Gianni X... et Karl Z... U, à la fin du mois de janvier 2004, de se rendre sur les sites des concessions de Paris 16eme et de Nanterre (afin de faire connaître à la force de vente des véhicules automobiles neufs les accessoires qui pourraient être vendus à la clientèle à l'occasion d'achats de véhicules automobiles neufs), étaient directement en relation avec les modifications envisagées concernant la partie variable de leur rémunération telles qu'elles étaient en cours de négociation depuis le 2 janvier 2004 (s'agissant du nouveau règlement des ventes 2004) , qu'il ressort à l'évidence des courriers transmis par les salariés à la société BERNIER AUTOMOBILES les 12 et 23 janvier 2004 (par l'intermédiaire de leur conseil) que Gianni X... et Karl Y... étaient plus que réticents à consentir à une modification des bases de calcul de leurs rémunérations variables dès lors que celle-ci leur imposait, à côté de la prospection classique auprès de la clientèle, de participer en outre à des actions commerciales auprès des vendeurs de véhicules automobiles neufs pour promouvoir l'acquisition d'accessoires par les acquéreurs de ces véhicules (l'entreprise ayant décidé de calculer désormais une partie de la rémunération variable des vendeurs itinérants sur les ventes ainsi réalisées par des tiers); en conséquence que dans l'attente de l'acceptation ou du refus par Gianni X... et Karl Z... U de la modification de leur rémunération sollicitée définitivement par la société BERNIER AUTOMOBILES selon courrier en date du 22 janvier 2004, cette société ne pouvait, dès le 28 janvier 2004 et sans attendre l'expiration du délai d'un mois fixé pour recueillir l'accord des deux salariés, leur imposer déjà les modifications de leurs activités qui devaient permettre le calcul futur de leurs rémunérations variables; dès lors que le licenciement fondé sur le seul refus des salariés de débuter par anticipation les nouvelles activités commerciales de prospection conditionnant les modifications non encore acceptées de leurs rémunérations variables est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il convient donc de réformer le jugement déféré ; que Gianni X... et Karl Z... U peuvent prétendre au paiement des indemnités conventionnelles de rupture de leurs contrats de travail qui ne font l'objet, quant à leurs montants respectifs, d'aucune contestation; qu'après avoir pris en considération l'ancienneté des salariés dans l'entreprise et les difficultés rencontrées par ceux-ci pour retrouver un nouvel emploi, la cour alloue à Gianni X... et à Karl Z... U les sommes respectives de 25 000 euros et 23 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices conformément aux dispositions prévues par l'article L. 122-14-4 du code du travail » (arrêt, p. 4 et arrêt, p. 5, alinéas 1 et 2) ;
1./ ALORS QUE, commet une faute grave, le salarié qui, malgré les injonctions répétées de son employeur, refuse délibérément d'exécuter des travaux relevant de ses attributions, sans motif légitime ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui relève que les vendeurs itinérants PRA devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales, ne pouvait dire que le refus réitéré des salariés de participer à des actions commerciales auprès des vendeurs de véhicules automobiles neufs de l'entreprise BERNIER, n'était pas fautif, ni juger que leur licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans violer, ensemble, les articles 1134 du Code civil, et L 122-6 et suivants du Code du travail ;
2./ ALORS QUE le contrat de travail et ses avenants, régulièrement signés, doit être exécuté de bonne foi par le salarié ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait que, conformément aux avenants du 10 juin 2003, les salariés devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales, la Cour d'appel ne pouvait dire qu'en leur demandant, en janvier 2004, de se rendre dans les concessions de PARIS et de NANTERRE de l'entreprise BERNIER afin de faire connaître à la force de vente des véhicules automobiles neufs, les accessoires pouvant être vendus à la clientèle, la Société BERNIER AUTOMOBILES avait imposé des modifications, par anticipation, de leurs activités ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134 du Code civil et L 122-6 du Code du travail ;
3./ ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait dire que « le licenciement (était) fondé sur le seul refus des salariés de débuter par anticipation les nouvelles activités commerciales de prospection conditionnant les modifications non encore acceptées de leurs rémunérations variables » (arrêt, p. 4, in fine), quand les lettres de licenciement leur reprochaient leurs refus réitérés de se rendre dans une concession de l'entreprise BERNIER « afin de promouvoir nos accessoires auprès des équipes commerciales » (productions n° 9 et 14), sans méconnaître les termes de ces lettres et les articles L 122-14-2 et L 122-6 du Code du travail ;
4./ ALORS QUE, subsidiairement, la Cour d'appel qui constate que, conformément aux avenants en date du 10 juin 2003, les vendeurs itinérants PRA devaient contribuer à la mise en oeuvre d'actions commerciales et que les propositions de modification de la rémunération variable étaient simplement envisagées (arrêt, p. 4, alinéa 3), pour permettre le calcul futur de leurs rémunérations variables (arrêt, p. 4, alinéa 5), ne pouvait juger que le refus des salariés d'exécuter ces activités était néanmoins justifié, sans caractériser en quoi elles conditionnaient « les modifications non encore acceptées de leurs rémunérations variables », où étaient dépendantes de ventes réalisées par des tiers et sans rechercher si l'employeur n'avait pas garanti, en tout état de cause, aux salariés le maintien de leurs rémunérations, ni caractériser, enfin, que la modification de la rémunération variable aurait d'ores et déjà été effective, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du Code civil, L 121-1 et L 122-6 du Code du travail.