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19/01/2010 | FRANCE | N°09-41054;09-41055

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2010, 09-41054 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 09-41.054 et M 09-41.055 ;
Sur le moyen unique, commun à tous les pourvois :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et M. Y..., ainsi que 73 autres salariés de la Société française de Maintenance, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts à l'encontre de leur ancien employeur, La Française des jeux, fondées sur les articles L.122-45 du code du travail et 22 et 23 de l'ordonnan

ce du 21 octobre 1986, estimant avoir fait l'objet d'une discrimination en ét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 09-41.054 et M 09-41.055 ;
Sur le moyen unique, commun à tous les pourvois :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et M. Y..., ainsi que 73 autres salariés de la Société française de Maintenance, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts à l'encontre de leur ancien employeur, La Française des jeux, fondées sur les articles L.122-45 du code du travail et 22 et 23 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, estimant avoir fait l'objet d'une discrimination en étant exclus du plan d'épargne d'entreprise (PEE) du 30 novembre 1983 applicable à tous les salariés du groupe, après leur transfert au sein de la Société française de maintenance ;
Attendu que pour déclarer la juridiction prud'homale incompétente, les arrêts énoncent qu'en cas de transfert de son contrat de travail, le salarié ne peut agir contre son ancien employeur qu'à la condition que la cause du litige se soit produite antérieurement à la cessation du contrat et que tel n'est pas le cas en l'espèce, la décision selon laquelle seuls les salariés de la société La Française des jeux pouvaient souscrire au PEE étant du 26 juin 1992, soit postérieurement au transfert des contrats de travail en date du 1er septembre 1991, et qu'au surplus une telle question concernant l'application d'accords collectifs ne relève pas de la compétence d'attribution des conseils de prud'hommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les demandes individuelles de dommages-intérêts de salariés contre leur ancien employeur en réparation du préjudice causé par la perte du bénéfice du PEE du fait de la perte de leur qualité de salariés après leur transfert au sein d'une filiale trouvent leur source dans leurs contrats de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du code de procédure civile, il y a lieu de casser sans renvoi, la cassation n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur la compétence ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 décembre 2008 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;
Déclare la juridiction prud'homale compétente ;
Renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence pour statuer sur les demandes ;
Condamne la société La Française des jeux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux 75 demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Bailly, président, et Mme Piquot, greffier de chambre lors de la mise à disposition de l'arrêt, en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen commun produit, aux pourvois n° K 09-41.154 et M 09-41.055, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MM. X... et Y... et des 73 autres salariés ;
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le conseil des prud'hommes d'Aix en Provence n'est pas matériellement compétent pour connaître du litige, renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre, et condamné les salariés exposants aux frais de l'instance de contredit,
AUX MOTIFS QUE « selon l'article L 1411-4 du Code du travail, que le conseil des prud'hommes est matériellement compétent pour statuer si un contrat de travail a existé entre les parties, qu'un litige est né à l'occasion de ce contrat de travail ou du travail et que le litige a un caractère individuel.

Attendu que M. X... et les 73 autres personnes ont, certes, été salariés de la société LA FRANÇAISE DES JEUX. Que, toutefois, leurs contrats de travail ont été transférés à la société LA FRANÇAISE DE MAINTENANCE le 1er septembre 1991 et que leur employeur n'était, donc, plus, à cette date, la société LA FRANÇAISE DES JEUX. Qu'en outre, si le salarié, en cas de transfert de son contrat de travail, peut agir contre son ancien employeur, c'est à la condition que la cause du litige survenu après la cessation du contrat, se soit produite antérieurement à celle-ci. Qu'en l'espèce, la décision selon laquelle seuls les salariés de la société LA FRANÇAISE DES JEUX pouvaient souscrire au FCP ACTIONNARIAT, à l'origine du présent litige, est du 26 juin 1992 et, donc, postérieure au transfert des contrats de travail. Que par ailleurs, la preuve d'une fraude lors de la prise de décision de créer des filiales en septembre 1991 n'est pas rapportée en l'état des pièces produites, compte tenu de ce que le processus de création a été autorisé par un arrêté ministériel, qu'une raison économique, non sérieusement contestable, tenant à la réorganisation de l'activité de maintenance, a conduit à la création de la société LA FRANÇAISE DE MAINTENANCE et que cette création a été réalisée depuis plus de dix ans sans contestation. Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments l'absence de contrats de travail de M. X... et des 73 autres salariés avec la société LA FRANÇAISE DES JEUX de nature à justifier la compétence d'attribution du conseil des prud'hommes.
Attendu, au surplus, que M. X... et les 73 autres personnes, en se prévalant de droits tirés de l'accord du 30 novembre 1983 remet en cause l'accord du 26 juin 1992 et qu'une telle question concernant l'application de ces accords collectifs ne relève pas de la compétence d'attribution des conseils des prud'hommes.
Attendu que le jugement qui a admis l'exception soulevée par la société LA FRANÇAISE DES JEUX et a déclaré, par suite, le conseil des prud'hommes matériellement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nanterre dans le ressort duquel se trouve le siège sociale de cette société doit être confirmé. Que le contredit doit, en conséquence, être rejeté » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les salariés en cause ont été transférés par application de l'article L. 122-12 du Code du travail dans la société FRANCAISE DE MAINTENANCE le 1er septembre 1991 ; qu'en l'état, il sera mis en place dans la FRANCAISE DE MAINTENANCE un accord en date du 26 juin 1992 validé par les instances du personnel Comité d'Entreprise et Comité groupe dans lequel il est prévu : « Les collaborateurs de la FRANCAISE DE MAINTENANCE souhaitant constituer leur propre FCP envisagent de racheter les parts (actions) détenues par le FCP de la FRANCAISE DES JEUX par l'intermédiaire d'une nouvelle structure » ; qu'en l'état, il ne peut être contesté que le litige est né en 1992 et aujourd'hui il est demandé au Conseil de Prud'hommes de céans de statuer sur les conséquences du transport des salariés sur l'accord collectif de la FRANCAISE DES JEUX ; que nous sommes en l'état non dans le cadre d'un litige individuel mais collectif au motif que ce qui est demandé est bien la conséquence de l'accord collectif sur les fonds de placement ; que ce fait ne relève donc pas de la compétence prud'homale ; que de surcroît, ce litige est survenu après cessation des salariés auprès de la FRANCAISE DES JEUX ; que la volonté des demandeurs de juxtaposer sur des dommages et intérêts alors que le conflit relève exclusivement d'une conséquence de l'accord de 1983 de la FRANCAISE DES JEUX alors que ce dernier n'a jamais été contesté devant les juridictions compétentes est une volonté délibérée de détourner l'application de la loi sur la compétence matérielle des conseils de prud'hommes ;
1. ALORS QUE le conseil des prud'hommes est seul compétent, même après la cessation de la relation de travail entre un salarié et un employeur, pour connaître d'un litige qui trouve sa source dans le contrat de travail et est en relation directe avec lui ; qu'il est, partant, seul compétent pour statuer sur les conséquences de la rupture du contrat de travail et de la cessation de la relation de travail entre le salarié et l'employeur, et notamment pour statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts d'un salarié, dirigée contre son ancien employeur, en réparation du préjudice causé par la perte du bénéfice d'un plan d'épargne d'entreprise, du fait de la perte de sa qualité de salarié suite au transfert de son contrat de travail au sein d'une filiale; qu'en jugeant incompétente la juridiction prud'homale pour réparer un tel préjudice, au motif inopérant que la décision d'exclusion des salariés exposants du plan d'épargne d'entreprise de la FRANCAISE DES JEUX était postérieure au transfert de leur contrat de travail auprès de la FRANCAISE DE MAINTENANCE, quand il résultait de ses propres constatations que cette décision d'exclusion n'était justifiée que par la perte par les exposants de leur qualité de salariés de la société FRANCAISE DES JEUX, ce dont il s'évinçait que le préjudice personnel dont M. X... et les 73 autres exposants demandaient chacun réparation était la conséquence directe du transfert de leur contrat de travail à la société FRANCAISE DE MAINTENANCE et de la cessation corrélative de leur relation de travail avec la société FRANCAISE DES JEUX, la Cour d'appel a violé l'article L1411-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE la fraude consiste à appliquer une règle de droit dans le but de contourner l'application d'une autre règle de droit et de se soustraire à ses effets, tout en rendant la situation inattaquable sur le terrain du droit positif ; qu'ainsi, le propre de la fraude est d'accomplir un acte en principe licite, qui sera cependant corrompu en raison du mobile illégitime ayant animé son auteur ; que pour établir que l'opération de filialisation et le transfert de leur contrat de travail auprès de la société FRANCAISE DE MAINTENANCE avaient été décidés en fraude de leurs droits, afin de les évincer, eux et les autres salariés de la FRANCAISE DE MAINTENANCE du plan d'épargne d'entreprise conclu au sein de la FRANCAISE DES JEUX, les salariés exposants faisaient valoir que les salariés de la société FRANCAISE DES JEUX transférés auprès de la société FRANCAISE DE MAINTENANCE avaient été exclus du droit de participer au 5ème tour d'actionnariat, lorsque les salariés d'autres filiales de la société FRANCAISE DES JEUX avaient pu y participer, d'où s'évinçait une traitement inégal, et injustifiable, des différentes filialisations ; qu'ils ajoutaient que cette exclusion était intervenue très peu de temps après le transfert des contrats de travail, et qu'elle avait permis à la société FRANCAISE DES JEUX de réaliser une importante économie en raison de ce que les salariés du service maintenance qui avaient été transférés au sein de la société FRANCAISE DE MAINTENANCE étaient justement les plus nombreux à bénéficier du plan d'épargne d'entreprise avant le transfert de leur contrat de travail; qu'ils soulignaient, enfin, que la fraude aux droits des salariés ainsi externalisés et le préjudice subséquent n'avaient pu être découverts qu'une fois les avoirs versés, en 2003 ; qu'en se bornant, pour écarter la fraude, à relever de manière inopérante que le processus de création de la filiale maintenance avait été autorisée par décision ministérielle, qu'il y avait une raison économique de réorganiser l'activité de maintenance, et que la création de cette filiale n'avait pas été contestée pendant plus de dix ans, sans cependant rechercher si les circonstances de fait précitées n'étaient pas de nature à établir le caractère frauduleux de la filialisation, en elle-même juridiquement régulière, et subséquemment du transfert des contrats de travail des salariés exposants, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble l'article L 1411-1 du code du travail ;
3. ALORS QU'a un caractère individuel, et relève en conséquence de la compétence de la juridiction prud'homale, le litige opposant un employeur à d'anciens salariés, relatif à la réparation du préjudice personnel résultant pour chacun de ces salariés de son éviction du champ d'application d'un accord collectif ; qu'à cet égard, le litige ne perd pas son caractère individuel du seul fait que plusieurs salariés agissent dans le cadre d'une même instance, du moment que chaque salarié agit bien en son nom personnel pour obtenir une indemnité ou un avantage individuel ; qu'en l'espèce, chacun des salariés exposants a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner la société FRANCAISE DES JEUX à indemniser son préjudice personnel, résultant pour lui d'avoir été écarté du bénéfice de l'accord du 30 novembre 1983 sur le plan d'épargne entreprise, par l'accord du 26 juin 1992 ; qu'en jugeant que ce litige ne relevait pas de la compétence prud'homale, dès lors qu'il posait la question de l'application de ces accords collectifs, la Cour d'appel a violé l'article L1411-1 du code du travail ;
4. ALORS QUE les articles L3326-1 et R3326-1 du code du travail – insérés dans le Titre II du Livre III - n'excluent strictement de la compétence prud'homale que les litiges relatifs à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise prévue au Titre II du Livre III, et non ceux concernant les plans d'épargne salariale, régis par le Titre III du Livre III ; qu'en jugeant que le litige ne relevait pas de la compétence prud'homale dès lors qu'il posait la question de l'application des accords instituant les plans d'épargne d'entreprise au sein de la société FRANCAISE DES JEUX et de la société FRANCAISE DE MAINTENANCE, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L1411-1, L1411-4, L3326-1 et R3326-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-41054;09-41055
Date de la décision : 19/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jan. 2010, pourvoi n°09-41054;09-41055


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.41054
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