LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 31 et 546 du code de procédure civile ;
Attendu que l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel, dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, la société Destel ayant été mise en redressement judiciaire par jugement du 28 septembre 2005, la société Elyo, devenue la société Elyo Suez énergie services (la société Elyo), l'a assignée, le 4 avril 2006, ainsi que M. X..., représentant des créanciers, en vue d'obtenir diverses indemnités, d'ordonner la compensation avec les sommes impayées au titre de factures liées à leur contrat de sous-traitance et de fixer sa créance au passif, la Selarl Etienne-Martin étant intervenue volontairement à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire ; que, par jugement du 6 mars 2007, le tribunal, rejetant la demande présentée par la société Elyo en paiement du solde des factures, a fixé sa créance à 1 292,63 euros ; que la société Destel, M. X..., ès qualités, et la Selarl Etienne-Martin ont interjeté appel de ce jugement le 5 avril 2007 ; que, pendant le cours de la procédure d'appel, le juge-commissaire a, par ordonnance du 26 octobre 2007 n'ayant fait l'objet d'aucun recours, prononcé l'admission au passif de la société Destel de la créance de la société Elyo pour une somme de 16 292,63 euros ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel à l'encontre du jugement du 6 mars 2007, l'arrêt retient que, statuant sur requête modificative du 23 octobre 2007 déposée par le représentant des créanciers de la société Destel visant le jugement intervenu le 6 mars 2007, le juge-commissaire a, par ordonnance du 26 octobre 2007, dont il n'est pas justifié qu'elle ait fait l'objet d'un recours, prononcé l'admission définitive de la créance de la société Elyo à concurrence de 16 292,63 euros de sorte que cette décision ayant autorité de chose jugée, le montant de cette créance se trouve définitivement fixé, mettant ainsi fin au litige qui opposait ces deux parties ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du 26 octobre 2007 prononçant l'admission définitive de la créance de la société Elyo à concurrence de 16 292,63 euros était intervenue postérieurement à la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Elyo Suez énergie services des fins de son appel incident, l'arrêt rendu le 11 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société GDF Suez énergie services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Destel et Etienne-Martin la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour les sociétés Destel et Etienne-Martin
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par la Société DESTEL, Maître X... et Maître ETIENNE Z... contre le jugement du 6 mars 2007 qui, tranchant les demandes réciproques formées au sujet de l'exécution de contrats de travaux, avait fixé la créance de la Société ELYO au passif de la Société DESTEL ;
AUX MOTIFS QUE « le 5 avril 2007, la Société DESTEL a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de commerce de NANTERRE le 6 mars 2007 ; que par requête du 23 octobre 2007, le représentant des créanciers de la Société DESTEL, visant le jugement intervenu le 6 mars 2007, a présenté une requête modificative en vue de la fixation de la créance de la Société ELYO ; que par ordonnance du 26 octobre 2007, le juge commissaire au redressement de la SARL DESTEL, statuant en application des articles L. 621-43 et L. 621-103 du Code de commerce (ancienne rédaction) et de l'article 73 du décret n° 85-1389 du 27 décembre 1985, a prononcé l'admission définitive de la créance de la Société ELYO « à la somme de 16.292,63 € à titre chirographaire, outre les dépens, en ce compris les frais d'expertise » ; qu'il n'est pas justifié de l'existence d'un recours exercé contre cette décision ; que la décision d'admission de la créance de la Société ELYO pour 16.292,63 €, ayant ainsi autorité de chose jugée, le montant de la créance de la Société ELYO à l'encontre de la Société DESTEL à concurrence de cette somme se trouve définitivement fixé et il a été mis fin au litige qui opposait ces deux parties ; qu'en conséquence, la Société DESTEL est irrecevable à remettre en cause le problème des aspects pécuniaires des relations contractuelles ayant existé avec la Société ELYO dans le cadre du contrat de sous-traitance que lui avait confié cette société, litige qui a donné lieu au jugement et à l'admission à titre définitif de la créance de la Société ELYO au passif de la Société DESTEL par le juge-commissaire ; que son appel se trouve dès lors irrecevable » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la recevabilité de l'appel s'apprécie à la date où il est formé ; qu'en fondant l'irrecevabilité de l'appel sur une ordonnance survenue postérieurement, la Cour d'appel a violé les articles 30 et suivants et 546 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la décision du juge-commissaire étant fondée sur le jugement du 6 mars 2007, son autorité était dans la dépendance nécessaire du sort de l'appel formé contre ce jugement et ne pouvait faire obstacle à ce que cet appel soit jugé ; qu'en refusant de statuer sur cet appel et en le déclarant « irrecevable », la Cour d'appel a violé les articles 546 du Code de procédure civile, 1351 du Code civil et L. 621-104 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.