LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., militaire de carrière, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD (l'assureur) ; que, blessé, M. X... a assigné M. Y... et son assureur ainsi que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (la caisse) en responsabilité et en indemnisation de son préjudice ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu les articles 29-2 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 4 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et 1er III de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que la pension militaire d'invalidité versée à la victime d'un accident de service indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenus et l'incidence professionnelle, la rente s'impute nécessairement, en tout ou partie, sur l'indemnité réparant le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que, lorsque la pension est concédée définitivement, l'Etat est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus, de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie ;
Attendu que pour limiter la condamnation de M. Y... et de l'assureur au paiement d'une certaine somme à l'agent judiciaire du Trésor, l'arrêt retient que ce dernier ne démontre pas que la pension d'invalidité qui est versée à M. X... indemnise de façon incontestable un poste de préjudice personnel, que cette pension n'a pas été versée effectivement et préalablement comme l'exige l'article 31, alinéa 3, de la loi du 5 juillet 1985 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé ;
Et attendu que la cassation encourue sur le pourvoi principal, qui conduira la juridiction de renvoi à examiner à nouveau les sommes de 19 738,97 euros et 32 052,92 euros allouées à l'agent judiciaire du Trésor, rend sans objet le pourvoi incident ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. Y... et la société AGF à payer à M. X... la somme de 125 900 euros et à l'agent judiciaire du Trésor les sommes de 66 299,94 euros et de 52 618,38 euros, et 1 500 euros à M. X... et à l'agent judiciaire du Trésor sur le fondement de l'article 700, l'arrêt rendu le 20 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne la société Allianz et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz et M. Y... ; les condamne, in solidum, à payer au Trésor public la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour l'agent judiciaire du Trésor ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le recours de l'Agent judiciaire du Trésor s'exercera, pour la pension militaire d'invalidité, sur la perte des gains professionnels futurs et sur l'incidence professionnelle, en conséquence limité la condamnation solidaire du tiers responsable et de son assureur au profit de l'Etat au titre de la pension militaire d'invalidité définitivement concédée à M. X... à 32.052,92 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur le recours des organismes sociaux M. X... s'est vu allouer une pension militaire d'invalidité de 65% augmentée d'une allocation grand mutilé ;
Que l'Agent judiciaire du Trésor Public revendique l'imputation de sa créance « pensions » sur le déficit fonctionnel permanent et sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ;
Que les pensions d'invalidité ont pour but de compenser les pertes de gains de la victime dans l'incapacité totale ou partielle de travailler ;
Que l'Agent judiciaire du Trésor Public ne démontre pas que la pension d'invalidité qui est versée à M. X... indemnise de façon incontestable un poste de préjudice personnel ; qu'elle n'a pas, comme l'exige l'article 31 alinéa 3 de la loi du 5 juillet 1985, versé effectivement et préalablement cette pension ;
Qu'en conséquence, la rente versée doit s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle :
Perte des gains professionnels futurs : 14.052,92 Incidence professionnelle : 18.000 Total : 32.052,92 Que le recours ne peut s'exercer qu'à concurrence de la somme de 32.052,92 euros ;
ALORS QUE la pension militaire d'invalidité servie en application des articles L 2 et L 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ;
d'où il résulte qu'en décidant que le recours de l'Etat au titre de la pension militaire d'invalidité servie à M. X... ne pouvait s'exercer que sur les postes perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle à l'exclusion du poste de préjudice personnel déficit fonctionnel permanent qu'elle avait cependant précisément pour objet de réparer, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, et 1382 du Code civil ;
ALORS EN OUTRE QUE en refusant d'imputer la pension militaire d'invalidité sur l'indemnité réparant le poste du déficit fonctionnel permanent, lorsqu'il résultait des arrêtés de liquidation de la pension qu'elle avait été versée d'abord à titre temporaire du 14 avril 2002 au 13 avril 2005, puis à compter du 14 avril 2005 à titre définitif, de telle sorte qu'était démontré le versement effectif et préalable de la pension indemnisant le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, la Cour d'appel a violé les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1er de l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les condamnations prononcées à l'encontre de M. Y... et de son assureur, les AGF, au profit de l'Agent judiciaire du Trésor porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE Sur les autres demandes les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de ce jour ;
ALORS QUE la créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans les droits de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une certaine somme ; le point de départ des intérêts se situe donc, en application de l'article 1153 du Code civil, au jour de la demande ;
De sorte qu'en jugeant, en l'espèce, que les condamnations prononcées à l'encontre de M. Y... et de son assureur, les AGF, au profit de l'Agent judiciaire du Trésor, porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. Y... et la société Allianz IARD ;
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement Monsieur Y... et la compagnie AGF, désormais dénommée Allianz IARD, à payer à l'agent judiciaire du Trésor, outre la somme de 19.738,97 euros représentant les arrérages échus de la pension militaire d'invalidité, la somme de 32.052,92 euros représentant partie du capital représentatif de la pension militaire d'invalidité ;
AUX MOTIFS QU' au titre des pertes de gains professionnels actuels, il sera alloué à l'agent judiciaire du trésor la somme de 39.64,32 euros représentant les salaires versés du 7 décembre 2001 au 14 décembre 2003, outre les charges patronales s'élevant à 13.614,06 euros; que la perte de gains professionnels futurs s'élève à 14.052,02 euros ; que l'incidence de l'état de santé de Monsieur X... sur son avenir sera fixée à 18.000 euros ; que la rente versée par l'agent judiciaire du trésor doit s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle, soit au total 32.052,92 euros ; que le recours ne peut s'exercer qu'à concurrence de la somme de 32.052,92 euros ; que Monsieur Y... et la compagnie AGF seront condamnés à payer à l'agent judiciaire du trésor les sommes suivantes : 39.064,34 euros au titre des rémunérations versées, 13.614,06 euros au titre des charges patronales, 19.738,97 euros au titre des arrérages de la pension d'invalidité et 12.313,95 euros au titre du capital représentatif de cette rente ;
ALORS QU' en condamnant, dans son dispositif, Monsieur Y... et la compagnie AGF à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 32.052,92 euros au titre du capital représentatif de la pension militaire d'invalidité, après avoir jugé, dans ses motifs, que Monsieur Y... et la compagnie AGF devaient être condamnés à payer à l'agent judiciaire du Trésor, à ce titre, la somme de 12.313,95 euros, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.