LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2008), que la SCI Foncière Erick Hugonin Pal, qui avait donné à bail un local commercial à la société Téneré, a délivré à celle-ci, à domicile, le 3 janvier 2006, un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis l'a assignée en expulsion devant un juge des référés, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile ; que l'expulsion de la locataire a été ordonnée par décision réputée contradictoire du 3 mai 2006 et mise à exécution ; que la société Ténéré a alors saisi un tribunal en soutenant que la procédure d'expulsion était nulle et en sollicitant des dommages-intérêts ;
Attendu que la société Ténéré fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à faire constater que la procédure d'expulsion en référé avait été diligentée en fraude de ses droits et à annuler le commandement de payer et tous les actes de procédure subséquents, alors, selon le moyen :
1°/ que la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement ; qu'à défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses représentants légaux ; que si la signification est faite selon les modalités prévues par l'article 656 du code de procédure civile, l'huissier doit mentionner dans l'acte les investigations concrètes auxquelles il a procédées pour tenter de remettre l'acte dans les mains du destinataire et ensuite pour s'assurer que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée ; qu'en considérant que la seule mention de ce que l'huissier avait vérifié que la personne morale destinataire du commandement de payer demeurait bien à l'adresse indiquée suffisait à l'informer de la procédure diligentée à son encontre, sans constater l'existence, dans l'acte de signification, de mentions relatives aux faits ou aux circonstances concrètes et précises rendant impossible la signification en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir, notamment à l'adresse du gérant figurant sur l'extrait Kbis, la cour d'appel a violé les articles 654, 655, 656, 663 et 690 du code de procédure civile ;
2°/ que pour que la signification par procès-verbal de recherches infructueuses soit valablement effectuée, il faut que le requérant ignore l'adresse à laquelle le destinataire peut être touché ; qu'en l'espèce, il est constant qu'ainsi que le soutenait la société Ténéré, la SCI Foncière Erick Hugonin Pal connaissait l'adresse de son gérant, pour lui y avoir adressé par l'intermédiaire de son mandataire toutes les correspondances antérieures aux significations litigieuses en l'absence de boîte aux lettres au siège social de la société ; qu'il n'a été constaté aucune diligence de l'huissier pour délivrer les actes à l'une ou l'autre des deux adresses connues par le bailleur comme il ressortait des courriers versés aux débats ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile ;
3°/ que caractérise l'existence d'une fraude qui justifie l'annulation de la procédure, le fait de la part du créancier poursuivant d'agir volontairement à l'insu du débiteur ; qu'en l'espèce, la société preneuse avait fait valoir que le bailleur avait sciemment diligenté, dès le commandement de payer, une procédure en fraude de ses droits dès lors qu'il avait délibérément omis d'indiquer à l'huissier de justice l'adresse à laquelle le destinataire des actes pouvait être utilement joint, sachant que le local donné à bail ne disposait d'aucune boîte aux lettres et que l'huissier ne pouvait par conséquent laisser aucun avis de passage, et qu'il avait étrangement renoncé, lors de la procédure de référé, à assigner son gérant, caution solidairement tenue au paiement des loyers dont il connaissait l'adresse personnelle ; qu'en écartant la fraude sans se prononcer sur aucune de ces circonstances, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe fraus omnia corrumpit ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le commandement de payer avait été délivré au lieu où la société Ténéré avait son établissement lequel correspondait au lieu de son siège social tel que figurant au Kbis, la cour d'appel en a exactement déduit, en l'absence sur place de toute personne susceptible de recevoir l'acte, que la signification faite selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile était régulière ;
Et attendu qu'ayant constaté, pour la signification des actes subséquents de la procédure d'expulsion, que l'huissier de justice avait indiqué qu'après plusieurs passages à cette même adresse, il avait trouvé le restaurant fermé, qu'un voisin lui avait précisé que celui-ci était fermé depuis plusieurs semaines, que les services télématiques ne mentionnaient pas d'abonné au nom de la société et à l'adresse en cause et que le Kbis ne mentionnait aucun changement de siège social, la cour d'appel en a exactement déduit que la signification avait été régulièrement faite selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, sans qu'il puisse être reproché au bailleur de ne pas avoir signifié l'acte à l'adresse personnelle du gérant de la société ;
Attendu, enfin, que la dernière branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ténéré aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ténéré ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Ténéré
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Ténéré de sa demande tendant à faire constater que la procédure d'expulsion en référé avait été diligentée en fraude de ses droits et à annuler le commandement de payer et tous les actes de procédure subséquents ;
AUX MOTIFS QUE :
«La signification à une personne morale est faite au lieu de son établissement.Le commandement de payer afin de résiliation du bail commercial visant la clause résolutoire, délivré le 3 janvier 2006 à la société Ténéré au lieu de son établissement et qui correspond au lieu de son siège social tel que figurant au Kbis, a été signifié à mairie en application des dispositions de l'article 656 du code de procédure civile en sa rédaction applicable à l'époque des faits.L'huissier mentionne qu'il a vérifié que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée et qu'il a laissé un avis de passage conformément à l'article 655 du code de procédure civile ;Une telle signification, de nature à informer la société Ténéré de la procédure diligentée en son encontre, étant régulière, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en annulation du commandement de payer.A l'exception de l'acte de signification à l'expulsé du procès-verbal d'expulsion du 13 décembre 2006 remis au lieu d'établissement et à la personne du gérant, tous les actes de procédure postérieurs au commandement de payer ont été délivrés selon l'article 659 du code de procédure civile.Mention y est portée par l'huissier que la société TENERE n'a pas son domicile ou sa résidence ou son établissement à l'adresse du 22 rue Brise Echalas à Saint Denis, que le restaurant est fermé après plusieurs passages, que sur interrogation un voisin a déclaré que le restaurant était fermé depuis plusieurs semaines, que les services télématiques ne mentionnent pas d'abonné à ces nom et adresse, que le KBIS levé n'indique aucun changement de siège social.De telles indications dont l'exactitude n'est pas mise en cause, témoignent d'un défaut d'exploitation des lieux conforté par la demande de dégrèvement concernant la taxe professionnelle 2006 pour défaut d'activité du restaurant et par l'absence de toutes pièces comme des factures de gaz, d'électricité, de téléphone, de fournitures et même simplement d'attestations du personnel ou de clients et dont il n'est pas démontré qu'il avait été porté à la connaissance du bailleur.Aucune obligation n'est faite au bailleur de signifier en pareil cas les actes de procédures au gérant dont au demeurant l'adresse est à chaque fois différente dans les courriers versés aux débats.La preuve d'une fraude ou d'une faute de la SCI FONCIERE ERICK HUGONIN PAL dans la mise en oeuvre de la procédure d'expulsion n'étant pas rapportée, il convient d'infirmer la décision déférée et de débouter la société TENERE de toutes ses demandes».
ALORS QUE la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement ; qu'à défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses représentants légaux ; que si la signification est faite selon les modalités prévues par l'article 656 du code de procédure civile, l'huissier doit mentionner dans l'acte les investigations concrètes auxquelles il a procédé pour tenter de remettre l'acte dans les mains du destinataire et ensuite pour s'assurer que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée ; qu'en considérant que la seule mention de ce que l'huissier avait vérifié que la personne morale destinataire du commandement de payer demeurait bien à l'adresse indiquée suffisait à l'informer de la procédure diligentée à son encontre, sans constater l'existence, dans l'acte de signification, de mentions relatives aux faits ou aux circonstances concrètes et précises rendant impossible la signification en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir, notamment à l'adresse du gérant figurant sur l'extrait K bis, la Cour d'appel a violé les articles 654, 655, 656, 663 et 690 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE pour que la signification par procès verbal de recherches infructueuses soit valablement effectuée, il faut que le requérant ignore l'adresse à laquelle le destinataire peut être touché ; qu'en l'espèce, il est constant qu'ainsi que le soutenait la société Ténéré, la SCI FONCIERE ERICK HUGONIN PAL connaissait l'adresse de son gérant, pour lui y avoir adressé par l'intermédiaire de son mandataire toutes les correspondances antérieures aux significations litigieuses en l'absence de boîte aux lettres au siège social de la société ; qu'il n'a été constaté aucune diligence de l'huissier pour délivrer les actes à l'une ou l'autre des deux adresses connues par le bailleur comme il ressortait des courriers versés aux débats ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé l'article 659 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE caractérise l'existence d'une fraude qui justifie l'annulation de la procédure, le fait de la part du créancier poursuivant d'agir volontairement à l'insu du débiteur ; qu'en l'espèce, la société preneuse avait fait valoir que le bailleur avait sciemment diligenté, dès le commandement de payer, une procédure en fraude de ses droits dès lors qu'il avait délibérément omis d'indiquer à l'huissier de justice l'adresse à laquelle le destinataire des actes pouvait être utilement joint, sachant que le local donné à bail ne disposait d'aucune boîte aux lettres et que l'huissier ne pouvait par conséquent laisser aucun avis de passage, et qu'il avait étrangement renoncé, lors de la procédure de référé, à assigner son gérant, caution solidairement tenue au paiement des loyers dont il connaissant l'adresse personnelle ; qu'en écartant la fraude sans se prononcer sur aucune de ces circonstances, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe fraus omnia corrumpit.