LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... qui avait été engagé le 1er juillet 2000 en qualité de technicien en expertise automobile par la société E@2M, a été licencié pour motif économique le 29 juillet 2004 ;
Attendu que pour décider que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée faute de préciser l'incidence sur l'emploi ou le contrat de travail de M. X... de la réorganisation dont elle fait état et qu'à supposer que cette réorganisation ait conduit à la modification du contrat de travail de ce dernier, l'employeur qui n'a pas respecté les formalités prescrites par l'article L. 1222-6 du code du travail ne peut se prévaloir ni d'un refus ni d'une acceptation de cette modification ;
Attendu, cependant, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle énonçait que les parties avaient soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions et que celles-ci ne comportent aucun moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la lettre de licenciement ou de l'inobservation par l'employeur des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, ce dont il résulte que la cour d'appel a soulevé ces moyens sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, celle-ci a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, mais seulement en ce qu'il condamne la société E@2M à verser à M. X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 11 avril 2008, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blanc, avocat aux Conseils pour la société Ea2m.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que la lettre de licenciement pour motif économique devait comporter non seulement l'énonciation de l'élément causal du licenciement, notamment des difficultés économiques, des mutations technologiques ou la réorganisation de l'entreprise, mais également l'incidence de cet élément sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié ; que la lettre de licenciement ne répondait pas en l'espèce aux exigences de motivation puisqu'elle ne précisait pas l'incidence de la réorganisation de l'entreprise sur l'emploi ou le contrat de Monsieur X... ; qu'à supposer que l'incidence ait été une modification du contrat de travail, l'employeur aurait dû informer le salarié de cette modification par lettre recommandée avec accusé de réception et l'informer dans cette lettre qu'il disposait d'un délai d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus ; que le courrier du 16 mars 2004 avait été remis en mains propres, donnait un délai de huit jours pour répondre mais surtout n'informait pas Monsieur X... d'une modification de son contrat de travail puisqu'il était en fait destiné à lui proposer un poste de reclassement ; qu'en conséquence, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse parce que la lettre de licenciement n'était pas correctement motivée, de surcroît parce qu'à supposer que la réorganisation ait conduit à modifier le contrat de travail, le salarié n'en n'avait pas été informé comme il aurait dû l'être en application de l'article L. 321-1-2 du Code du travail ;
Alors que 1°) le juge qui recherche d'office si la lettre de licenciement est motivée doit le faire en respectant le principe du contradictoire ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt que Monsieur X... s'est borné à soutenir oralement à l'audience ses conclusions, qui n'invoquaient pas l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ; qu'en ayant soulevé d'office un moyen tiré de ce la lettre de licenciement n'était pas motivée, dès lors qu'elle ne précisait pas l'incidence de la réorganisation de l'entreprise sur l'emploi ou le contrat de travail de Monsieur X..., quand cet élément n'avait pas été discuté par les parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
Alors que 2°) est suffisamment précise la lettre de licenciement faisant état d'une restructuration de l'entreprise et du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail pour un motif non inhérent à sa personne ; qu'en ayant décidé que n'était pas motivée la lettre par laquelle l'employeur indiquait « restructurer l'entreprise » par « nécessité de préserver la compétitivité de l'entreprise », et licenciait le salarié suite à son refus de se voir « reclasser » pour travailler « sur le même poste mais en région parisienne (le parc de Bourges n'est que très peu utilisé », ce qui impliquait, nonobstant le terme « reclasser » que l'employeur avait notifié au salarié son licenciement, suite à une restructuration de l'entreprise et à son refus de voir modifier son contrat de travail, la lettre mentionnant donc à la fois la cause du licenciement et son incidence sur le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du travail (recodif. L 1233-16 et L. 1233-3) ;
Alors que 3°) en ayant soulevé d'office le moyen tiré de ce que l'employeur n'avait pas informé le salarié de la modification de son contrat de travail par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception et de ce qu'il disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître sa réponse, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du Code de procédure civile.