LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Basse-Terre, 19 janvier 2009), que la société Compagnie d'investissements touristiques (CIT) est propriétaire de deux bâtiments à usage notamment d'un hôtel donné en location-gérance à la société Baie des Flamands ; que le 5 septembre 1995, cet ensemble immobilier, assuré auprès de la société GFA Caraïbes (l'assureur), a été endommagé par un cyclone qui a fait l'objet d'un arrêté de catastrophe naturelle le 27 septembre 1995 ; que le 17 août 1999, la société CIT a fait assigner l'assureur devant un tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de son préjudice ;
Attendu que la société CIT fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la réparation du préjudice résultant de " l'aggravation du dommage pour non-intervention ", alors, selon le moyen :
1° / que l'indemnisation résultant de la garantie des catastrophes naturelles doit être attribuée à l'assuré dans un délai de trois mois à compter de la remise de l'état estimatif des biens endommagés si bien que commet une faute l'assureur qui, même en présence d'une délégation ou d'une opposition, refuse de régler à l'assuré victime d'une catastrophe naturelle le montant de l'indemnité lui revenant contractuellement en vertu du contrat d'assurance, le cas échéant diminué du montant objet de la délégation ou de l'opposition ; que la cour d'appel qui, tout en se bornant à constater l'existence d'un litige entre le propriétaire des murs et du fonds de commerce et son locataire-gérant, sans incidence sur l'obligation de l'assureur d'indemniser son assuré, a cependant considéré que l'assureur n'avait pas commis de faute en retenant l'intégralité de l'indemnité d'assurance due à la société CIT, a violé l'article L. 125-2 ancien du code des assurances ;
2° / qu'en l'absence de paiement de l'indemnité d'assurance par l'assureur d'un bien endommagé par une catastrophe naturelle, le propriétaire ne peut se voir imputer les dégradations du bien entraînées par l'absence de réparation de celui-ci ; qu'en l'absence de règlement de l'indemnité par l'assureur dans les conditions légales, la société CIT ne pouvait se voir imputer à faute l'absence de réparation de l'immeuble endommagé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 125-2 ancien du code des assurances ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le litige quant à la désignation du bénéficiaire de l'indemnité et au sort des oppositions existant sur celle-ci justifiait la prudence de l'assureur qui a d'ailleurs incité les parties à solliciter une mesure de consignation ; qu'en outre la société CIT a poursuivi en justice une action tendant à voir prononcer la résiliation du contrat de location-gérance et que l'expert a relevé que le site avait ensuite subi d'autres cyclones, dégradations et vandalismes, n'étant ni fermé ni gardé, ce qui permet de constater que la société CIT n'a jamais envisagé la réparation de l'immeuble ; que l'assureur a dû attendre que lui soit notifié le protocole d'accord du 13 mai 1998 aux termes duquel la société CIT et son locataire-gérant se mettaient d'accord sur la destination de l'indemnité d'assurance pour régler celle-ci dans son intégralité ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu déduire que le lien de causalité entre la carence imputée à l'assureur et l'aggravation alléguée du préjudice n'était pas établi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CIT aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CIT ; la condamne à payer à la société GFA Caraïbes la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société CIT
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société CIT tendant à la réparation du préjudice résultant de l'aggravation des dommages pour non intervention,
AUX MOTIFS QUE les articles L 125-1 et s. du code des assurances imposant à l'assureur en cas de catastrophe naturelle de verser l'indemnité due au titre de la garantie dans un délai de trois mois à compter de la date de remise par l'assuré de l'état estimatif des biens endommagés, peut-on considérer que la compagnie d'assurances GFA CARAIBES a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ? que sur ce point, le jugement entrepris a très justement considéré qu'il ne pouvait être fait grief à la compagnie d'assurance GFA CARAIBES d'avoir violé le code des assurances ou d'avoir commis une faute, le litige quant à la désignation du bénéficiaire de l'indemnité et les oppositions justifiant une prudence de l'assureur, lequel a d'ailleurs incité les parties à solliciter une mesure de consignation ; qu'il relève en outre que la CIT a poursuivi une action tendant à voir prononcer la résiliation du contrat de location-gérance sur le fondement de l'article 1722 du code civil, que le site n'étant ni fermé ni gardé avait subi d'autres cyclones, dégradations et vandalismes, et que dans ces conditions le lien de causalité entre la carence imputée à la compagnie d'assurances GFA CARAIBES et l'aggravation du préjudice n'est pas établie ; que de ce chef le jugement querellé mérite confirmation ; que l'expert X... ayant lui-même précisé dans son rapport que l'indemnité s'est trouvée frappée d'indisponibilité ce qui a empêché le financement de toutes mesures conservatoires et de toute réparation (cf. p. 12 du rapport) ; que ce n'est donc que postérieurement au protocole signé le 13 mai 1998 entre la CIT et sa locataire gérante, la SARL BAIE DES FLAMANDS HOTELS ET VILLES que l'indemnité a pu être réglée, le protocole mentionnant notamment « en raison du litige opposant les parties soussignées à propos de la location gérance, la cie d'assurances a différé le paiement de l'indemnité jusqu'au règlement du litige. Ce litige ayant été tranché les parties sont convenues que 75 % du montant des indemnités reviendrait à la CIT et 25 % à la SARL BAIE DES FLAMANDS HOTELS ET VILLES … En conséquence les parties donnent pouvoir à Me Y... Guy d'effectuer toutes diligences auprès de la Cie GFA CARAIBES aux fins de parvenir au règlement de l'indemnité » ; que ce règlement interviendra le 3 novembre 1998 déduction faite des oppositions bancaires et de la franchise notamment ; que c'est dire que le retard dans le paiement ne saurait être imputé à faute à la cie GFA CARAIBES, la CIT reconnaissant implicitement mais nécessairement dans le protocole susmentionné que l'assureur a différé le paiement de l'indemnité en raison du litige opposant les parties ; (…) que concernant à présent les demandes au titre de l'aggravation du préjudice, le tribunal a tout aussi justement tiré des faits de l'espèce les raisons pour lesquelles la Cie GFA CARAIBES ne s'est pas acquittée dès 1996 de l'indemnité d'assurance ; que cet assureur ayant dû attendre que lui soit notifié le protocole d'accord du 13 mai 1998 susmentionné aux termes duquel la CIT et la SARL BAIE DES FLAMANDS, son locataire-gérant, se mettaient d'accord sur la destination de l'indemnité d'assurance ; qu'ainsi le lien de causalité entre la carence imputée à la société GFA CARAIBES et l'aggravation du préjudice n'est pas établi, l'expert X... précisant encore dans son rapport que le jour de la visite (juin et août 2000), la CIT n'avait encore entrepris aucune mesure conservatoire et aucune réparation ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QU'il ne peut être fait grief à la société GFA CARAIBES d'avoir violé le code des assurances ou d'avoir commis une faute, le litige quant à la désignation du bénéficiaire de l'indemnité et les oppositions justifiant une prudence de l'assureur, lequel a d'ailleurs incité les parties à solliciter une mesure de consignation ; que si l'on considère en outre que la CIT a poursuivi en justice une action tendant à voir prononcer la résiliation du contrat de location-gérance sur le fondement de l'article 1722 du code civil et que l'expert a relevé que le site avait postérieurement au cyclone LUIS subi d'autres cyclones, dégradations et vandalismes, n'étant ni fermé, ni gardé, force est de constater que la CIT n'a jamais envisagé la réparation de l'immeuble, et que dans ces conditions le lien de causalité entre la carence imputée à la société GFA CARAIBES et l'aggravation du préjudice n'est pas établi ;
1) ALORS QUE l'indemnisation résultant de la garantie des catastrophes naturelles doit être attribuée à l'assuré dans un délai de trois mois à compter de la remise de l'état estimatif des biens endommagés si bien que commet une faute l'assureur qui, même en présence d'une délégation ou d'une opposition, refuse de régler à l'assuré victime d'une catastrophe naturelle le montant de l'indemnité lui revenant contractuellement en vertu du contrat d'assurance, le cas échéant diminué du montant objet de la délégation ou de l'opposition ; que la cour d'appel qui, tout en se bornant à constater l'existence d'un litige entre le propriétaire des murs et du fonds de commerce et son locataire-gérant, sans incidence sur l'obligation de l'assureur d'indemniser son assuré, a cependant considéré que l'assureur n'avait pas commis de faute en retenant l'intégralité de l'indemnité d'assurance due à la société CIT, a violé l'article L 125-2 ancien du Code des assurances.
2) ALORS QU'en l'absence de paiement de l'indemnité d'assurance par l'assureur d'un bien endommagé par une catastrophe naturelle, le propriétaire ne peut se voir imputer les dégradations du bien entraînées par l'absence de réparation de celui-ci ; qu'en l'absence de règlement de l'indemnité d'assurance par la compagnie GFA Caraïbes dans les conditions légales, la société CIT ne pouvait se voir imputer à faute l'absence de réparation de l'immeuble endommagé ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et L 125-2 ancien du Code des assurances.