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30/06/2010 | FRANCE | N°09-84466

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 juin 2010, 09-84466


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIÉTÉ SAINT-GOBAIN EMBALLAGE,

contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 3 juin 2009, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

Vu les mémoi

res produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIÉTÉ SAINT-GOBAIN EMBALLAGE,

contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 3 juin 2009, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 55 de la Constitution de 1958, 6, 8, 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la décision attaquée a confirmé l'ordonnance entreprise ayant autorisé des visites et saisies dans les locaux qui y sont mentionnés, aux fins de rechercher la preuve d'agissements anticoncurrentiels dans le secteur du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, ainsi que toute manifestation de concertation prohibée ;

"aux motifs propres que l'article L. 420-1 du code de commerce énonce que sont prohibées lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions notamment lorsqu'elles tendent à :
- limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
- limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;
que l'article L. 450-4, alinéa 2, du même code dispose que lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du code de commerce en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée ; que la société SGE conclut à l'annulation de l'ordonnance en cause du fait que les infractions constatées étant passées, le juge ne pouvait se contenter de présomptions pour autoriser les visites en cause ; que l'infraction en cause est une infraction continue ; que les constatations rapportées par l'administration laissent penser qu'une entente avait débuté en 2005 entre la société O-I et la société SGE, que celle-ci s'était poursuivie jusqu'au moins en 2007 et que rien ne permettait alors de penser que la commission de l'infraction était terminée ; qu'au surplus, la saisine du juge des libertés et de la détention est intervenue en début de l'année 2008 et que les éléments rapportés ne pouvaient alors porter qu'uniquement que pour l'année antérieure (sic) ; qu'en ce sens donc, le juge des libertés et de la détention pouvait valablement penser qu'une infraction était en train de se commettre ; qu'en outre, les présomptions rapportées et énoncées par le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance, soit une hausse des prix similaire de la société O-I et de la société SGE ainsi que les déclarations des différents professionnels viticoles de différents endroits du territoire français étaient suffisantes pour fonder l'autorisation d'opérer (resic)aux visites en cause ;

"et aux motifs adoptés que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanent de la consultation de banques de données électroniques accessibles au public, mais également de l'exercice par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de son droit de communication, qui semble en avoir usé de manière régulière ; que dans sa requête, l'administration fait état d'informations selon lesquelles les entreprises précitées se seraient concertées en vue de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, limiter ou contrôler la production, les débouchés et répartir les marchés et ce, en violation des dispositions de l'article L. 420-1-2°, 3° et 4°, du code de commerce...qu'ainsi la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues à l'article L. 420-1 du code de commerce dans les points 2, 3 et 4 ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée...que, par ailleurs, l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'administration de corroborer ses soupçons...que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés..."

"1) alors qu'il résulte de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que les ingérences des autorités publiques et des Etats dans la vie privée des personnes ne sont conformes à la Convention et au principe de prééminence du droit affirmé par son Préambule que si elles sont prévues par la loi et nécessaires notamment pour le bien-être économique du pays ; qu'en autorisant les visites et saisies dans les locaux de la société, sans ordonner que celle-ci soit, préalablement aux opérations, informée de la faculté d'être assistée d'un conseil de son choix (article 6 de la Convention), indépendant des agents chargés de la poursuite, la décision attaquée a méconnu les textes susvisés ;

"2) alors qu'aux termes de l'article L. 450-4, alinéa 7, du code de commerce,"la visite, qui ne peut commencer avant six heures ou après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant..." ; qu'il ne suffit pas que ces garanties soient prévues par la loi, encore faut-il que la décision qui ordonne les visites domiciliaires, non seulement les rappelle aux officiers de police judiciaire, mais informe les justiciables de leurs droits, ce qui constitue une garantie essentielle dans une société démocratique ; que la décision attaquée, qui confirme l'ordonnance entreprise, laquelle ne reproduit pas les dispositions susvisées, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

"3) alors qu'aux termes de l'article L. 450-4, alinéa 2, du code de commerce : "le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite ; lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée" ; que, s'agissant de mesures coercitives, limitant la liberté des personnes, les visites et saisies ne peuvent être autorisées que dans des conditions strictes ; que, ce n'est que lorsqu'une pratique anticoncurrentielle est "en train de se commettre "que le juge peut se contenter "d'indices permettant de présumer" l'existence de telles pratiques ; qu'en faisant droit à la demande de l'administration tout en relevant que les constatations rapportées par l'administration laissent penser qu'une entente avait débuté en 2005 pour se poursuivre jusqu'en 2007 et en ajoutant, que rien ne permettait de penser que la commission de l'infraction était terminée, sans constater que les pratiques présumées étaient en train de se commettre à la date de la requête de l'administration, la cour d'appel a privé sa décision de motifs propres à la justifier et a violé l'article L. 450-4 du code de commerce ;

"4) alors que tout jugement doit être motivé et comporter, à peine de nullité, des motifs suffisants pour justifier le dispositif ; que les motifs insuffisants équivalent à une absence de motifs ; que, dans ses conclusions, la société Saint-Gobain Emballage contestait les caractères prétendument concomitant et similaire des hausses de prix de même qu'elle contestait les prétendues restrictions à l'approvisionnement dont elle était suspectée ; qu'en s'abstenant de répondre aux articulations précises et circonstanciées du mémoire de SGE de nature à établir que les soupçons qui lui étaient imputés ne reposaient sur aucune réalité, la cour d'appel a privé sa décisions des motifs propres à en justifier le dispositif" ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que le 21 février 2008, le Ministre chargé de l'Economie a demandé l'ouverture d'une enquête relative à l'existence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole ; que par ordonnance du 2 avril 2008, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Montpellier a autorisé la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), à effectuer des opérations de visite et de saisie dans la locaux de la société saint Gobain Emballage ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le juge, qui a répondu aux conclusions dont il était saisi et s'est référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée ;

D'où il suit que le moyen, mélangé de fait et comme tel irrecevable en ses deux premières branches, doit être écarté ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, Mme Slove conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, MM. Rognon, Nunez, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch conseillers de la chambre, Mmes Divialle, Labrousse, M. Roth conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mathon ;

Greffier de chambre : Mme Villar ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-84466
Date de la décision : 30/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 03 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jui. 2010, pourvoi n°09-84466


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Odent, Me Ricard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.84466
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