LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2008), que Mme X..., engagée le 1er septembre 1996, en qualité de secrétaire administrative, par la société Services assistance réalisations techniques (SART), a été affectée en septembre 2002, en sus de ses précédentes fonctions, à celles de chef de salle au parc omnisports de Bercy ; qu'ayant été déchargée de ces dernières fonctions à compter du 4 mars 2004, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer à ses torts la résiliation du contrat de travail et de le condamner au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen, que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; que, selon la directive 91 / 533 CEE du conseil du 14 octobre 1991, l'employeur n'est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié que les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ; qu'en estimant que le fait pour l'employeur d'avoir fait assurer à Mme X... pendant dix-huit mois, au moins pour partie, les fonctions de chef de salle, sans " acter les nouvelles responsabilités confiées, fut-ce à titre temporaire, et proposer à la salariée un avenant à son contrat de travail destiné à préciser les conditions, le cas échéant temporaires, dans lesquelles elle était appelée à remplacer provisoirement le chef de salle manquant ", pour en déduire que l'employeur, en mettant fin à son remplacement, avait modifié le contrat de travail de Mme X..., a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ainsi qu'en tant que de besoin, les articles 2, 3 et 5 de la directive 91 / 533 CEE du conseil du 14 octobre 1991 relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'employeur avait imposé à Mme X... une présence le soir sur le site pour exercer des fonctions d'organisation et d'encadrement des équipes placées sous son autorité, la cour d'appel, qui a constaté que la salariée, qui avait en fait exercé pendant dix-huit mois des fonctions de responsable du personnel, s'était vu retirer celles-ci, avec retour à des fonctions purement administratives, a caractérisé l'existence d'une modification du contrat de travail ; qu'elle a ainsi, abstraction faite des motifs dont fait état le moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et Mme Z..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et Mme Z..., ès qualités et les condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat la M. Y... et Mme Z..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail conclu entre la Société SART et Madame X... aux torts exclusifs de la Société SART, et d'avoir condamné celle-ci à payer à Madame X... 36 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et une indemnité compensatrice de préavis avec congés-payés afférents, une indemnité légale de licenciement et une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'employeur, qui ne conteste pas avoir chargé Madame X... de se rendre chaque soir au site du P. O. P. B., en l'absence de « chef de salle », conteste en revanche qu'elle ait assuré ces fonctions dans leur intégralité, arguant tout d'abord, non sans un certain aplomb, que « la diversité et la multiplication des attributions relevant de ces deux emplois (secrétaire administratif et chef de salle) ne lui permettait pas à l'évidence un tel cumul ; que pourtant, M. V. directeur commercial des salles du P. O. P. B. lui a remis lors de sa prise de fonction un descriptif des responsabilités du chef de salle, sans que de quelconques limites soient notifiées à Madame Pascale X... au regard de ces responsabilités ;
qu'au delà, le débat sur le point de savoir si la salariée a occupé l'intégralité des fonctions incombant au chef de salle ou si elle a été secondée, pour certains aspects, par d'autres personnes, et notamment les cadres du P. O. P. B., apparaît dépourvu de toute pertinence dans la mesure où il n'est donc pas utilement contesté par l'employeur que la salariée a effectivement et régulièrement assuré à tout le moins une partie importante des fonctions correspondant aux responsabilités de chef de salle sur le site du P. O. P. B. et pendant plus de 18 mois, qu'il lui en reconnaisse le statut ou pas ; que ces fonctions étant établies, l'employeur ne saurait, en application de la règle « nemo auditur », invoquer l'absence de tout élément écrit tels que, selon ses propres termes, « la conclusion d'un avenant à son contrat de travail, des bulletins de paie émis depuis septembre 2002 mentionnant sa qualification, un quelconque courrier faisant état d'une promesse à ce sujet, ou une attestation », alors qu'il lui appartenait précisément, et en sa qualité d'employeur, d'acter les nouvelles responsabilités confiées, fût-ce à titre temporaire, à Madame Pascale X... ; que ces fonctions de chef de salle, comme l'a justement relevé le Conseil de Prud'hommes, sont suffisamment établies par l'ensemble des attestations produites par Madame Pascale X..., et cette qualification lui a été contestée par l'employeur, non pas comme il le prétend « toujours », mais seulement à partir du moment où elle a posé des revendications à leur sujet, plus précisément dans les courriers de la S. A. R. L. SART des 2 juillet et 20 septembre 2004 ; que la salariée, qui avait protesté contre le retrait de ses fonctions et revendiquait leur maintien par courrier du 19 mai 2004 n'était, après refus de l'employeur, pas tenue de faire constater judiciairement sa qualification de chef de salle avant de saisir le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;
que les manquements de l'employeur à l'égard de Madame Pascale X... sont d'autant plus évidents, que, alors qu'il admet qu'elle avait pendant plus de 18 mois tenu, au moins pour partie les fonctions de chef de salle, il n'a jamais cru nécessaire, ni pendant cette période de 18 mois, ni après les réclamations de la salariée au mois de mai 2004, de reconnaître le surplus de travail et de responsabilités ainsi occasionné, pour en tirer les conséquences, ni en termes de réintégration dans ses fonctions, ni en termes de mise à niveau des salaires ; que s'il lui contestait la qualification de chef de salle, il ne conteste pas le fait que Madame Pascale X..., qui selon ses dires « avait une parfaite connaissance de l'organisation et du fonctionnement de cet équipement municipal », ait assuré dans une large partie ces fonctions après le départ de leur titulaire en septembre 2002 et ce jusqu'en mai 2004 ; que par ailleurs et s'agissant de ses fonctions d'origine, la distinction que la S. A. R. L. SART tente d'introduire entre les « attributions » et la « qualification » de Madame Pascale X..., restée celle de secrétaire administrative même quand elle est devenue cadre en janvier 1999, apparaît tout à fait spécieuse ;
que le fait que la S. A. R. L. SART ne soit pas certaine qu'elle devrait assurer durablement, par le biais d'un de ses salariés, les fonctions de chef de salle, ne la dispensait pas de proposer à Madame Pascale X... un avenant à son contrat de travail destiné à préciser les conditions, le cas échéant temporaires, dans lesquelles elle était appelée à remplacer, fût-ce provisoirement, le chef de salle manquant et de tirer de ce surplus de travail les conséquences en termes de salaire ; que ceci n'a à aucun moment été envisagé par la S. A. R. L. SART qui s'est contentée de demander ce « service » supplémentaire à la salariée sans contrepartie ni garantie pour l'avenir, et ce alors que de toute évidence la S. A. R. L. SART a été rétribuée par le P. O. P. B. pour cette prestation, pendant la période durant laquelle le P. O. P. B. n'avait pas réembauché directement de chef de salle ; que l'affectation à titre provisoire de Madame Pascale X... à ces tâches ne saurait toutefois s'analyser, comme tente de le faire l'employeur, comme une « mise à disposition » sans impact sur le contrat de travail de la salariée, mais correspond à un élargissement de la prestation fournie par la S. A. R. L. SART à P. O. P. B., dans le cadre général du contrat de prestation de services qui liait les deux structures, élargissement confié pour exécution à Madame Pascale X... ; cette analyse est confortée par le fait qu'il n'y a pas eu de convention triangulaire entre la S. A. R. L. SART, Madame Pascale X... et P. O. P. B., Madame Pascale X... restant salariée de la S. A. R. L. SART ; qu'en ne prenant pas la précaution de rédiger un avenant pour acter cette modification du contrat de travail et ses conditions de mise en oeuvre, l'employeur n'a pas informé la salariée du caractère temporaire de ses fonctions supplémentaires, et ce caractère temporaire devient alors inopposable à la salariée ;
que Madame Pascale X... était donc en droit de refuser le retrait des fonctions qu'elle exerçait chaque soit au P. O. P. B., se trouvant ramenée à exécuter des tâches purement administratives, ce retrait constituant une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail et pouvant s'analyser à juste titre, sinon comme une rétrogradation, n'ayant pas de dimension disciplinaire, du moins comme une réduction injustifiée des prérogatives de « chef de salle » qu'elle a eues, de septembre 2002 à mai 2004, sans que leur caractère temporaire ne lui ait été spécifié par écrit, ce qui constitue un déclassement ; que soutenir comme il le fait « que cette mise à disposition entrait dans l'exercice de ses attributions initiales de secrétaire administrative, ses horaires de travail ayant été annualisés pour lui permettre, dès son embauche, de pouvoir travailler dans le domaine du sport et du spectacle, les samedis et dimanches et jours fériés … », alors même qu'aucun élément versé au dossier n'établit que les heures assurées en nocturne sur le site du P. O. P. B. auraient été soit « récupérées » par la salariée, soit payées en heures supplémentaires, équivaut à soutenir qu'avec un salaire et une fonction de secrétaire administrative « tout » aurait pu être demandé à la salariée ;
que pour l'ensemble de ces raisons, et sans qu'il soit besoin d'examiner la question de l'existence d'une éventuelle communauté d'intérêts, notamment par le biais de M. A..., entre la S. A. R. L. SART, le Groupe HORODE et P. O. P. B., la mauvaise foi de l'employeur, la S. A. R. L. SART, est clairement établie et la modification de son contrat de travail subie par la salariée est abusive, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette modification a pour cause une discrimination à caractère sexiste à l'encontre de la salariée, discrimination qui est, par ailleurs, insuffisamment établie ;
que la Cour confirmera la décision du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, au 13 juin 2006, date du jugement du Conseil de Prud'hommes ; toutefois, le jugement ayant été frappé d'appel, et la salariée ayant continué à travailler pour la S. A. R. L. SART jusqu'à son licenciement pour motif économique intervenu le 27 juin 2008, c'est à cette date que la rupture consécutive à la résiliation imputable à l'employeur a pris effet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner le bienfondé ni la régularité du licenciement économique auquel a procédé l'employeur le 27 juin 2008 ; que la résiliation du contrat de travail à la charge de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit, en application de l'article L. 1235-3, nouveau, du Code du travail à une indemnité au profit du salarié ; que compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté de son emploi de la salariée et du préjudice qu'elle a nécessairement subi à la suite de celui-ci, la Cour confirmera la somme de 36 000 euros allouée par le Conseil de Prud'hommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QU'il est constant qu'il n'y a jamais eu d'avenant écrit faisant état de la nomination de Madame X... dans les fonctions de chef de salle ; que pour autant, Madame X... produit les très nombreuses attestations du personnel travaillant sous ses ordres au P. O. P. B., et qui la situent sans aucune ambiguïté comme chef de salle, de très nombreuses attestations de personnes extérieures au P. O. P. B. qui font état de l'intervention de Madame X... comme chef de salle, les contrats de travail de personnel de Bercy, faisant explicitement référence à la qualité de chef de salle de Madame X... (à cet égard, l'observation de la S. A. R. L. SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES « S. A. R. T. » sur le caractère ambigu de la mention « chef de salle / Pascale X... », est dépourvue de toute pertinence, la présentation étant toujours la même avec le nouveau chef de salle ; que par ailleurs, la S. A. R. L. SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES « S. A. R. T. » procède à la reconnaissance implicite mais nécessaire de cette situation de fait, en admettant l'extension progressive des fonctions de Madame X..., et le partage avec cette dernière des fonctions de chef de salle ; que si la S. A. R. L. SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES « S. A. R. T. » éprouve le besoin de faire retourner Madame X... dans ses fonctions d'origine, c'est bien qu'elle s'en était allée ; que le dossier ne permet donc pas la moindre hésitation sur le fait que Madame X... a exercé de septembre 2002 à mars 2004 les fonctions de chef de salle au P. O. P. B. ; qu'il convient de tirer les conséquences de cette constatation ;
que l'exercice des fonctions de chef de salle a été, même sans avenant écrit, de toute évidence accepté par Madame X... ; que le retour à ses anciennes fonctions ne l'a, de façon tout aussi évidente, pas été ; que ce retour à ses seules fonctions antérieures s'analyse comme une rétrogradation, comme il ne fait guère de doute, ou pas, importe peu, dans la mesure où il s'agit, de toute façon, d'une modification du contrat de travail de la salariée que celle-ci est en droit de refuser ; la S. A. R. L. SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES « S. A. R. T. » maintenant son refus de réintégrer Madame X... dans ses fonctions de chef de salle, la demande de résiliation du contrat présentée par la salariée est donc recevable ; que la S. A. R. L. SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES « S. A. R. T. » ne démontrant pas la légitimité de cette modification du contrat de travail de Madame X..., la rupture ainsi constatée est abusive et imputable à la S. A. R. L. SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES « S. A. R. T. » ; elle produira les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
ALORS QUE le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; que, selon la directive 91 / 533 CEE du Conseil du 14 octobre 1991, l'employeur n'est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié que les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ; qu'en estimant que le fait pour l'employeur d'avoir fait assurer à Madame X... pendant 18 mois, au moins pour partie, les fonctions de chef de salle, sans « acter les nouvelles responsabilités confiées, fut-ce à titre temporaire, et proposer à la salariée un avenant à son contrat de travail destiné à préciser les conditions, le cas échéant temporaires, dans lesquelles elle était appelée à remplacer provisoirement le chef de salle manquant », pour en déduire que l'employeur, en mettant fin à son remplacement, avait modifié le contrat de travail de Madame X..., a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ainsi qu'en tant que de besoin, les articles 2, 3 et 5 de la directive 91 / 533 CEE du Conseil du 14 octobre 1991 relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail.