LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 novembre 2007, pourvoi n° 06-19.984), que la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale (la société du Canal de Provence) a confié à la société Enit des travaux de construction de la canalisation principale d'un réseau d'irrigation, le délai d'exécution des travaux étant fixé à cinq mois ; que l'ordre de service de démarrage des travaux a été notifié le 30 décembre 1998 et la réception prononcée le 31 juillet 2000 ; que la société Enit a demandé la condamnation de la société du Canal de Provence à lui payer des dommages-intérêts par suite de l'allongement du délai d'exécution du marché ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société du Canal de Provence fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Enit la somme de 322 155,26 euros, assortie du taux de TVA applicable au jour de l'arrêt, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2002 et capitalisation des intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le prix n° 0572 du bordereau des prix unitaires, rémunérant forfaitairement l'heure d'immobilisation d'un atelier de terrassement et de pose de canalisation à 150 francs, n'était applicable, selon les dispositions contractuelles, qu'en cas d'interruption de chantier ; qu'en faisant application de cette clause à compter du 30 décembre 1998, après avoir pourtant constaté que la société Enit ne démontrait pas avoir exécuté la moindre installation sur place avant le 3 janvier 2000, ce dont il découlait nécessairement que le chantier n'avait débuté qu'au mois de janvier 2000 et que, partant, il n'avait pas pu être interrompu avant cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'heure d'immobilisation donnant lieu à une réparation forfaitaire de 150 francs prévue par le prix n° 0572 du bordereau des prix unitaires s'entend nécessairement de l'heure qui aurait dû normalement être travaillée, ce qui excluait que la société Enit puisse réclamer une indemnité prenant en compte des journées de 24 heures et des journées non travaillées ou chômées ; qu'en faisant droit à l'intégralité des demandes de la société Enit sans calculer l'indemnité conformément aux clauses contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la société du Canal de Provence ait soutenu devant la cour d'appel que le prix n° 0572 prévu dans le bordereau des prix unitaires n'était pas applicable au litige ni qu'au cas où il serait applicable, l'heure d'immobilisation s'entend de l'heure travaillée ; que le moyen est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1149 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société du Canal de Provence à payer la TVA sur l'indemnité forfaitaire compensatrice du préjudice résultant du retard du chantier qu'elle doit payer à la société Enit, l'arrêt retient que la TVA est due dès lors que la société Enit y est assujettie ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Enit était tenue de s'acquitter de la TVA sur ladite indemnité et, dans l'affirmative, si elle pourrait la récupérer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a assorti du taux de TVA applicable au 26 mars 2009 la condamnation de la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à payer à la société Enit la somme de 322 155,26 euros en indemnisation des prolongations des délais d'exécution du chantier, l'arrêt rendu le 26 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Enit aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes :
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la Société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Sciété du canal de Provence à payer à la société Enit la somme de 322.155,26 euros, assortie du taux de TVA applicable au jour de l'arrêt, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2002 et capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la société Enit a reçu l'ordre de service de démarrage des travaux le 30 décembre 1998 et elle a dû attendre le 3 janvier 2000 pour réaliser les travaux à la demande de la Société du canal de Provence, de même à la fin du chantier, du fait de l'abandon d'une partie des travaux qui étaient contractuellement prévus, elle a dû rester à la disposition de la Société du canal de Provence jusqu'à la réception ; que les délais contractuels d'exécution du chantier de cinq mois ont donc étaient allongés d'un an avant exécution et de quelques mois après jusqu'au 5 février 2001, date où la Société du canal de Provence a informé la société Enit de son abandon de la liaison station de pompage du pavillon-réservoir de la Tuilière, soit vingt mois et cinq jours d'allongement, dont elle demande l'indemnisation ; qu'en méconnaissance de l'article 19.2 du CCAG relatif à la prolongation des délais d'exécution en raison notamment de difficultés imprévues rencontrées ou d'un ajournement de travaux décidé par la personne responsable du marché qui justifie une prolongation du délai d'exécution de l'ensemble des travaux, la Société du canal de Provence, par l'intermédiaire de son maître d'oeuvre, n'a pas débattu avec la société Enit d'un report, ni n'a notifié un nouvel ordre de service ; que, de même, les parties n'ont pas, en méconnaissance de l'article 48 du CCAG, décidé de l'ajournement des travaux, ni fixé d'indemnité d'attente de reprise des travaux suivant les modalités de l'article 14 ; qu'en l'absence de tout accord intervenu entre les parties sur la fixation d'indemnité pour la prolongation des délais d'exécution, la société Enit demande une indemnisation sur la base des coûts réels générés par le retard frais d'installation du chantier, frais d'arrêt du chantier, frais d'encadrement ; que, sur les frais d'arrêt du chantier, la société Enit demande l'indemnisation de l'arrêt du chantier sur la base de francs de l'heure pendant 587 jours, soit 322.155,26 euros, en application du bordereau de prix unitaire ; que le bordereau de prix prévoit, en cas de découvertes archéologiques ou «pour tout autre cas nécessitant l'interruption ou le transfert du chantier (problème foncier par exemple)» que la Société du canal de Provence n'acceptera aucune autre incidence financière que celle prévue dans les prix n° 0572 ; que ce prix n° 0572 rémunère forfaitairement l'heure d'immobilisation d'un atelier de terrassement et de pose de canalisation sur ordre du maître d'oeuvre et comprend toutes sujétions sur l'organisation et le rendement du chantier et il est fixé à 150 francs de l'heure d'arrêt ; que la Société du canal de Provence a donné le 30 décembre 1998 à la société Enit l'ordre de service n° 1 d'exécuter les travaux de la conduite principale du réseau d'irrigation sous pression dans un délai de cinq mois à compter de cet ordre de service ; que la société Enit, qui avait des délais d'exécution très courts, a commencé immédiatement l'exécution de son marché et a notamment passé une pré-commande le 20 janvier 1999, confirmée le 23 février 1999, auprès de la société Pont-à-Mousson de tuyaux, de fonte à livrer «à la demande avant fin avril 1999» ; que la société Enit a dû faire différer la livraison, compte tenu du retard des travaux ; que le compte-rendu de chantier n° 1 du 6 janvier 2000 révèle que, alors que les travaux d'exécution ont commencé le 3 janvier 2000, l'installation du chantier a été faite, que les plans d'exécution ont été remis le 7 septembre 1999 concernant le tracé des conduites sur fond IGN et cadastral, et que l'implantation des conduites a été faites le 7 septembre 1999 ; que la Société du canal de Provence a contrôlé, visé et payé trois situations de travaux : le décompte n° 1 de décembre 1998 émis le 11 janvier pour 666.330 francs HT, le décompte n° 2 de septembre 1999 émis le 6 octobre pour 644.686 francs HT, le décompte n° 3 de décembre 1999 émis le 10 janvier 2000 pour 345 078 francs HT ; qu'en conséquence, la Société du canal de Provence, qui a payé trois situations de travaux, ne peut prétendre que le marché ne s'est pas exécuté dès le 30 décembre 1998, date de son premier ordre de service, qu'elle n'a jamais annulé ou suspendu ; que la Société du canal de Provence ne peut soumettre cette indemnisation à la preuve que la société Enit a immobilisé un atelier de terrassement et de pose de canalisation sur le chantier ou des engins de chantier ; qu'en effet, cette indemnisation est forfaitaire en fonction de la suspension horaire du chantier décidée par le maître d'ouvrage, elle n'est pas fonction d'un préjudice réel subi par l'entreprise ; qu'il s'agit donc d'une réparation forfaitaire ; qu'il convient donc d'indemniser la société Enit, qui a été contrainte pendant toute l'année 1999 et les derniers mois de l'année 2000 jusqu'au 2 février 2001 de se tenir à la disposition de la Société du canal de Provence pour exécuter le marché dans le délai impératif de cinq mois, qui a exécuté tous les travaux préparatoires à l'exécution des travaux et a été désorganisée par la durée excessive du démarrage de chantier et par l'attente de l'achèvement du marché, sur la base de l'indemnité forfaitaire de 150 francs de l'heure, soit une indemnité de 322.155,26 euros HT ; que, sur les frais d'installation du chantier et les frais d'encadrement, le bordereau de prix rémunère forfaitairement l'interruption du chantier sur ordre du maître d'oeuvre et il est stipulé que ce prix comprend toute sujétion sur l'organisation et le rendement du chantier ; que la société Enit ne peut donc demander aucune autre indemnisation pour les frais d'installation du chantier ou les frais d'encadrement ; qu'en raison de son caractère forfaitaire, l'indemnité pour arrêt de chantier est censée réparer l'intégralité du préjudice résultant du retard ; qu'en outre, la société Enit qui ne justifie pas avoir installé les baraquements de chantier, ni exécuté la moindre installation sur place avant le démarrage effectif des travaux à partir du 3 janvier 2000, n'établit pas avoir eu des frais d'installation et d'entretien supérieurs, compte tenu de l'ajournement d'un an du début des travaux, d'autant que les dits frais faisaient l'objet d'un coût forfaitaire ; que la société Enit ne peut demander des frais supplémentaires d'encadrement du chantier, car elle ne justifie que d'un calcul théorique sans établir de sujétions particulières ; qu'en conséquence, la société Enit ne saurait donc réclamer des dommages-intérêts supplémentaires au motif que son préjudice comprendrait d'autres postes ; que l'entier préjudice doit donc être indemnisé par l'allocation de l'indemnité forfaitaire de 322.155,26 euros ; que la TVA est due sur cette indemnité compensatrice, puisque la société Enit est assujettie à la TVA ; que les intérêts au taux légal de cette indemnité forfaitaire contractuellement prévue sont dus à compter de la sommation de payer conformément à l'article 1153 du code civil ; que la société Enit a formulé sa demande d'indemnité forfaitaire pour 587 jours de suspension d'activité par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mai 2001 en adressant son mémoire à la Société du canal de Provence ; qu'en l'absence de mise en demeure, les intérêts courent à compter de l'assignation du 10 janvier 2002 aux fins de condamnation de la Société du canal de Provence au paiement de la somme de 462.897,72 euros ; que les intérêts étant dus depuis plus d'un an, il convient de faire droit à la demande de capitalisation ;
ALORS, 1°), QUE le prix n° 0572 du bordereau des prix unitaires, rémunérant forfaitairement l'heure d'immobilisation d'un atelier de terrassement et de pose de canalisation à 150 francs, n'était applicable, selon les dispositions contractuelles, qu'en cas d'interruption de chantier ; qu'en faisant application de cette clause à compter du décembre 1998, après avoir pourtant constaté que la société Enit ne démontrait pas avoir exécuté la moindre installation sur place avant le 3 janvier 2000, ce dont il découlait nécessairement que le chantier n'avait débuté qu'au mois de janvier 2000 et que, partant, il n'avait pas pu être interrompu avant cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 2°) et subsidiairement, QUE l'heure d'immobilisation donnant lieu à une réparation forfaitaire de 150 francs prévue par le prix n° 0572 du bordereau des prix unitaires s'entend nécessairement de l'heure qui aurait dû normalement être travaillée, ce qui excluait que la société Enit puisse réclamer une indemnité prenant en compte des journées de 24 heures et des journées non travaillées ou chômées ; qu'en faisant droit à l'intégralité des demandes de la société Enit sans calculer l'indemnité conformément aux clauses contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 3°), QU'en assortissant la condamnation prononcée à l'encontre de la Société du canal de Provence de la TVA au motif que la société Enit était assujettie à la TVA, cependant qu'il résultait de cette constatation que la société était donc habilitée à la récupérer, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1149 du code civil.