LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'Union départementale Force ouvrière du Val-de-Marne de ce qu'elle s'associe au moyen du pourvoi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (Boissy-Saint-Léger, 11 février 2010), que par courrier du 12 octobre 2009, le Syndicat du commerce et des industries de l'alimentation de la région parisienne-CNT (la CNT) a désigné M. X... en qualité de représentant de section syndicale au sein de la société Baud ; que contestant que la CNT remplisse les conditions légales d'une telle désignation, notamment s'agissant du critère de respect des valeurs républicaines, l'employeur a saisi le tribunal d'instance en annulation de la désignation ;
Attendu que la société Baud et le syndicat FO font grief au jugement d'avoir validé la désignation d'un représentant syndical par le syndicat CNT, alors, selon le moyen :
1°/ que le respect des valeurs républicaines suppose de la part d'un syndicat qu'il ne poursuive pas des objectifs contraires aux principes fondateurs de l'Etat républicain tels qu'ils résultent de la Constitution et de l'ensemble des textes et principes à valeur constitutionnelle ; que le syndicat dont l'objet est de former et d'organiser les travailleurs pour l'abolition de l'Etat prône la négation d'une organisation républicaine de la France en contradiction avec les textes constitutionnels ; qu'en l'espèce, pour valider la désignation au sein de la société Baud de M. X... au mandat de représentant de section syndicale par le syndicat SCIAL-CNT, le tribunal d'instance considère que prôner l'abolition de l'Etat n'est pas contraire aux valeurs de la République ; qu'en statuant ainsi, le tribunal viole pour refus d'application les principes sus-évoqués, les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail ensemble l'article 1131 du code civil ;
2°/ que le respect des valeurs républicaines implique le rejet catégorique de tout recours à la violence comme mode de revendication ; qu'en l'espèce, pour valider la désignation au sein de la société Baud de M. X... au mandat de représentant de section syndicale par le syndicat SCIAL-CNT, le tribunal d'instance se borne à énoncer que "l'action directe" préconisée par ce syndicat est une "forme de lutte décidée, mise en oeuvre et gérée directement par les personnes concernées", et n'est donc pas contraire aux valeurs de la République ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme l'y invitaient expressément les conclusions de la société Baud, pièce à l'appui, si le syndicat CNT ne présentait pas lui-même le recours à la force comme une forme d'action directe possible, le tribunal ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 2142-1 et L.2142-1-1 du code du travail, ensemble l'article 1131 du code civil et de l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que c'est à celui qui conteste le respect, par une organisation syndicale, des valeurs républicaines, d'apporter la preuve de sa contestation ;
Et attendu que le tribunal d'instance a constaté que la preuve n'était pas rapportée que le syndicat CNT, en dépit des mentions figurant dans les statuts datant de 1946, poursuive dans son action un objectif illicite, contraire aux valeurs républicaines ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par de Me Blondel, avocat aux conseils pour la société Baud
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir validé la désignation de Monsieur Jannick X... au mandat de représentant de section syndicale au sein de la SA BAUD effectuée par le syndicat SCIAL-CNT ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L.2142-1-1 du Code du travail issu de la loi du 20 août 2008, « chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L2142-1 une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement de cinquante salariés ou plus peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement » ; qu'aux termes de l'article L.2142-1, « dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 2131-1 » ; qu'un syndicat non représentatif peut donc désigner, au sein d'une entreprise de plus de cinquante salariés, un représentant de section syndicale s'il compte plusieurs adhérents, satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, est légalement constitué depuis deux ans au moins et si son champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée ; qu'il n'est en l'espèce pas contesté par la société BAUD, qui compte plus de 50 salariés, que le SCIAL-CNT a un champ professionnel et géographique couvrant l'entreprise et est indépendant au sens des dispositions susvisées ; que ce dernier justifie en outre avoir deux adhérents et répond donc aux critères de pluralité fixé par l'article L2142-1 du Code du travail qui n'exige pour la constitution de la section syndicale que la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise (Cassation sociale, 4 novembre 2009 ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE le critère du respect des valeurs républicaines a été introduit dans le code du travail par la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail comme condition commune à la reconnaissance du droit des syndicats à s'implanter dans l'entreprise et à la reconnaissance de la représentativité, en remplacement de l'obligation devenue obsolète d'avoir démontré une « attitude patriotique pendant l'occupation » ; qu'il permet de garantir la liberté syndicale et il appartient à l'employeur qui le conteste de fournir les éléments établissant en quoi le syndicat ne satisferait pas à cette condition (cassation sociale , 8 juillet 2009) ; que les négociations menées antérieurement à la loi du 20 août 2008 par les partenaires sociaux sur la représentativité , le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme avaient abouti, le 9 avril 2008, à la définition d'une « position commune » proposant que la reconnaissance de la représentativité syndicale soit évaluée en fonction de sept critères dont le critère du respect des valeurs républicaines défini comme impliquant « le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance » ; que si cette définition n'a pas été reprise par la loi, les valeurs de la République dont le respect est imposé par le législateur ne peuvent s'entendre que de celles qui garantissent la souveraineté du peuple sans imposer une forme déterminée d'organisation des pouvoirs ; que leur définition doit donc davantage être recherchée dans la Constitution du 4 octobre 1958 dont le préambule renvoie expressément et explicitement à trois autres textes fondamentaux, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Charte de l'environnement de 2004 et qui fixe un certain nombre de valeurs républicaines au nombre desquelles la liberté, l'égalité, la laïcité, la résistance à l'oppression ou la démocratie ; que le fait pour un syndicat d'avoir pour objet de former et d'organiser les travailleurs pour l'abolition de l'Etat (cf article 4 des statuts de la CNT), de s'interroger sur sa participation aux élections professionnelles au sein des entreprises ou de préconiser «l'action directe » c'est-à-dire une « forme de lutte décidée, mise en oeuvre et gérée directement par les personnes concernées » n'est donc nullement contraire aux valeurs de la République mais participe d'une action revendicative propre à l'action syndicale ; qu'il convient à cet égard de se référer à la Charte adoptée en octobre 1906 par la CGT et connue à partir de 1912 sous le nom de Charte d'Amiens, qui reste la référence théorique du syndicalisme en France, laquelle assigne au syndicalisme un double objectif et une exigence : la défense des revendications immédiates et quotidiennes et la lutte pour une transformation d'ensemble de la société en toute indépendance des partis politiques et de l'Etat ; qu'enfin la condamnation isolée d'un militant de la CNT pour outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique ne peut suffire à établir que le SCIAL-CNT, dont il n'est au demeurant par membre, préconiserait le recours à des « moyens illicites » contraires aux valeurs de la République ; que la société BAUD ne démontrant pas que le SCIAL-CNT ne respecte pas les valeurs républicaines, ce dernier doit être considéré comme remplissant les critères posés par la loi pour désigner un représentant de section syndicale ; que la désignation de Monsieur Jannick X... en qualité de représentant de section syndicale au sein de la SA BAUD faite le 12 octobre 2009 par le syndicat du Commerce et des Industries de l'Alimentation de la région parisienne-CNT sera donc validée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le respect des valeurs républicaines suppose de la part d'un syndicat qu'il ne poursuive pas des objectifs contraires aux principes fondateurs de l'Etat Républicain tels qu'ils résultent de la Constitution et de l'ensemble des textes et principes à valeur constitutionnelle ; que le syndicat dont l'objet est de former et d'organiser les travailleurs pour l'abolition de l'Etat prône la négation d'une organisation républicaine de la France en contradiction avec les textes constitutionnels ; qu'en l'espèce, pour valider la désignation au sein de la société BAUD de Monsieur Jannick X... au mandat de représentant de section syndicale par le syndicat SCIAL-CNT, le Tribunal d'instance considère que prôner l'abolition de l'Etat n'est pas contraire aux valeurs de la République ; qu'en statuant ainsi, le Tribunal viole pour refus d'application les principes sus évoqués, les articles L. 2142-1 et L.2142-1-1 du Code du travail ensemble l'article 1131 du Code civil;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le respect des valeurs républicaines implique le rejet catégorique de tout recours à la violence comme mode de revendication ; qu'en l'espèce, pour valider la désignation au sein de la société BAUD de Monsieur Jannick X... au mandat de représentant de section syndicale par le syndicat SCIAL-CNT, le Tribunal d'instance se borne à énoncer que « l'action directe » préconisée par ce syndicat est une "forme de lutte décidée, mise en oeuvre et gérée directement par les personnes concernées" et n'est donc pas contraire aux valeurs de la République ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme l'y invitaient expressément les conclusions de la société BAUD (concl. page 8), pièce à l'appui (pièce n°7), si le syndicat CNT ne présentait pas lui-même le recours à la force comme une forme d'action directe possible, le Tribunal ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 2142-1 et L.2142-1-1 du Code du travail ensemble de l'article 1131 du Code civil et de l'article 2 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.