LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., engagé le 18 novembre 1971 par la Société rémoise de luminescence Lheureux et Doyen (Sorelum) en qualité de plasturgiste, a été licencié pour motif économique le 6 décembre 2002 sur autorisation du juge commissaire de la société, mise successivement en redressement judiciaire le 8 octobre 2002, en plan de continuation le 20 avril 2004 et en liquidation judiciaire le 16 juillet 2009 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1233-4 du code du travail et 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des frais irrépétibles et ordonner le remboursement des indemnités de chômage servies au salarié, la cour d'appel retient que celle-ci ne justifie pas de recherche de reclassement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le commissaire à l'exécution du plan soutenait que le reclassement du salarié était impossible faute de poste disponible dans l'entreprise qui n'appartenait à aucun groupe, la cour d'appel a violé le premier de ces textes et n'a pas satisfait aux exigences du second ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société à payer 10 000 euros de dommages-intérêts au salarié pour ne pas avoir établi une liste exhaustive des salariés dont le licenciement était envisagé catégorie par catégorie, la cour d'appel retient que dans la note transmise au représentant des salariés le 29 octobre 2002 le salarié figurait seul sur la liste par sa qualification de plasturgiste quand son collègue M. Y... était mentionné en qualité de peintre tandis que la requête au juge-commissaire mentionnait M. Y... en qualité de plasturgiste, de sorte qu'il appartenait à la société, pour la catégorie des plasturgistes, d'inclure M. Y... ;
Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, qu'elle exclut toute violation de l'ordre des licenciements et alors, d'autre part, qu'elle ne caractérise pas un préjudice subi par le salarié du fait d'une erreur sans incidence sur le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Sorelum et M. Z..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société SORELUM à payer à Monsieur X... 37.488 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, d'avoir ordonné le remboursement des indemnités de chômage qui lui ont été servies, et d'avoir déclaré cette décision opposable à Maître Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'autorisation donnée par le juge-commissaire de procéder à des licenciements ne dispense pas le mandataire judiciaire de procéder à des recherches individualisées de reclassement ; qu'en l'espèce, sauf à indiquer dans la lettre de licenciement qu'il avait tenté de procéder au reclassement de Brahim X..., la SARL SORELUM n'en justifie pas, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que sur ce fondement, Brahim X... prétend, à bon droit, au bénéfice de dommages et intérêts, dont le montant, s'agissant d'un salarié comptant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise comptant plus de dix salariés, ne saurait être inférieur à six mois de salaires; que compte tenu de l'ancienneté de Brahim X... dans l'entreprise au jour du licenciement, sa demande en paiement de dommages et intérêts sera accueillie pour la somme de 37.488,00 € que la SARL SORELUM est condamnée à lui payer ;
ET AUX MOTIFS ET LES SUPPOSER PAR EXTRAORDINAIRE ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE le Conseil constate que Monsieur X..., au vu des pièces produites telles qu'attestations et surtout bulletins de salaire, a bien rempli plusieurs fonctions ; peintre, zingueur, soudeur, plasturgiste ; que Monsieur X... possédait une solide expérience dans la majorité des fonctions manuelles de la Société, au point qu'il était chargé d'assurer la formation des nouveaux salariés, ce qui n'est pas contesté par le défendeur ; que selon la cotation définie à l'article 52 de la convention collective nationale de l'industrie de fabrication mécanique du verre, Monsieur X... est au maximum de cette cotation parce qu'il avait plus de 30 ans d'ancienneté ; que le Conseil, au vu de tous ces éléments en déduit que Monsieur X... pouvait tout à fait occuper un autre poste que celui de plasturgiste et constate donc que l'ordre des licenciements n'a pas été respecté ; qu'il constate également qu'il y a eu absence de recherche de reclassement pour Monsieur X... puisque des postes qu'il avait occupés sont maintenus et que dans le dossier il n'apparaît pas de justification de ce poste de plasturgiste ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur faisait valoir dans ses conclusions devant la Cour d'appel qu'il n'existait aucun poste disponible dans l'entreprise ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART QUE, s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence de poste disponible au sein la Société SORELUM, dont il était pas soutenu qu'elle était membre d'un groupe, ne rendait pas le reclassement de Monsieur X... impossible, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en regard de l'article L.321-1 alinéa 1 devenu L.1233-4 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société SORELUM à payer à Monsieur X... 10.000 € de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des bulletins de salaires versés aux débats par le salarié, que celui-ci, au cours de son activité au sein de la SARL SORELUM a exercé une activité de peintre, de zingueur, pour les derniers bulletins de salaires mentionner la fonction de plasturgiste polyvalent ; que dans la note transmise au représentant des salariés le 29 octobre 2002 relative aux causes économiques des licenciements envisagés et leurs incidences sur l'emploi, l'employeur indiquait retenir pour critères de l'ordre des licenciements l'ancienneté et les charges de famille ; que par sa qualification de plasturgiste, Brahim X... figurait seul sur la liste ; que toutefois, son collègue Monsieur Y..., était mentionné en qualité de peintre ; que pourtant, dans le cadre de la requête soumise à l'accord du juge-commissaire pour licenciement, ce dernier y était mentionné en qualité de plasturgiste ; qu'il appartenait donc à l'employeur pour la catégorie professionnelle des plasturgistes d'inclure Monsieur Y... ; que le fait pour l'employeur de ne pas établir une liste exhaustive des salariés, catégorie par catégorie, dont le licenciement est envisagé, ouvre droit, pour Brahim X..., au bénéfice de dommages et intérêts mais ne peut caractériser de la part de l'employeur une inobservation de l'ordre des licenciements ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il ressort tant des conclusions de Monsieur X... devant la Cour d'appel que de l'exposé de ses prétentions résultant de l'arrêt, qu'il réclamait des dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements ; qu'en lui allouant des dommages et intérêts à raison de ce que l'employeur n'aurait pas établi une liste exhaustive des salariés, catégorie par catégorie, dont le licenciement était envisagé, tout en relevant que cela ne caractérisait pas de la part de l'employeur une inobservation de l'ordre des licenciements, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le représentant des salariés n'a pas pour mission d'intervenir dans la détermination des emplois supprimés et la désignation des salariés licenciés ; qu'en outre 'il résulte de l'article 63 du décret du 27 décembre 1985 devenu l'article R.631-26 du Code de commerce que l'ordonnance rendue par le juge-commissaire en application de l'article L.631-17 du Code de commerce, doit indiquer le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, mais n'a pas à en dresser une liste nominative ; qu'en estimant qu'était de nature à engager la responsabilité de la Société le fait qu'un autre salarié, Monsieur Y..., ait été mentionné en qualité de peintre, et non de plasturgiste, dans la liste incluse dans une note relative aux causes économiques des licenciements envisagés et les critères d'ordre des licenciements remise par l'employeur au représentant des salariés, bien que cette liste soit dépourvue de valeur juridique et que la mention erronée ait été rectifiée tant dans la requête déposée par la Société que dans l'ordonnance autorisant les licenciements, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ainsi que l'article 1147 du Code civil et le articles L.631-17, R.631-26, L.625-1, L.625-2 et R.625.1 du Code de commerce ;
ET ALORS, ENFIN, QU'en s'abstenant d'indiquer quel préjudice aurait résulté pour Monsieur X... de l'indication erronée sur une liste de salariés comprises dans une note remise au représentant des salariés de Monsieur Y..., en qualité de peintre, bien qu'il ait été indiqué par la Société, dans ses conclusions, que les deux seules places de plasturgistes employés par la Société, Monsieur X... et Monsieur Y..., avaient été licenciés avec l'autorisation du juge-commissaire, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en regard de l'article 1147 du Code civil.