LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Michaëla X...,
contre l'arrêt n° 142 de la cour d'appel de VERSAILLES, 21e chambre, en date du 1er juillet 2009, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles 510 et 592 du code de procédure pénale ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et qu'à l'audience où l'arrêt a été rendu, il a été lu par l'un d'eux en application de l'article 485 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles préliminaire, 459, 460, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le témoin a eu la parole en dernier ;
"alors que le principe selon lequel le prévenu ou son avocat doivent toujours être entendus en dernier, qui constitue une des garanties essentielles des droits de la défense, est applicable à toute procédure intéressant la défense et se terminant par un jugement ou un arrêt, en sorte qu'il convient de le respecter même lorsque ne restent en cause que les intérêts civils, et qu'il a été définitivement statué sur l'action publique ; que la cour d'appel qui a donné la parole en dernier au témoins après que les avocats des prévenus aient développé leurs conclusions, a méconnu le principe susvisé" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué établissent qu'un témoin a été entendu au cours des débats avant les réquisitions du procureur de la République et les plaidoiries ; que c'est par suite d'une erreur purement matérielle qu'il est mentionné que ce même témoin a été entendu après que la prévenue a eu la parole en dernier ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 121-3, 313-1 du code pénal, préliminaire, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable du délit d'escroquerie et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs qu'il est reproché à Mme X... d'avoir commisle délit d'escroquerie au préjudice du Centre national de la cinématographie (CNC) ; qu'il est constant que le CNC a accordé une subvention de 600 000 francs à la société Charisma le 28 avril 2000, sur devis, puis le 7 juillet 2000, sur présentation des comptes définitifs à la suite d'une demande initiale présentée le 14 septembre 1999, l'autorisation définitive est intervenue le 23 juin 2000, une somme de 450 000 francs ayant été versée le 6 juin 2000, le solde soit 150 000 francs, le 20 juillet 2000 ; que l'aide ainsi accordée par le CNC avait pour objet la réalisation d'un documentaire intitulé : "l'âge d'or de la musique arabe andalouse à Royaumont" ; qu'il ressort de l'information que Mme X... et la société Charisma films ont adressé au CNC un plan de financement, des comptes définitifs de production, un récapitulatif de production non conformes à la réalité, ce que d'ailleurs la prévenue ne conteste pas ; qu'elle n'a, par ailleurs, que ni au stade de l'information, comme elle s'y était engagée, ni devant les premiers juges fourni d'élément probant au regard des anomalies relevées, alors que le caractère affecté des subventions du CNC exclut qu'elles soient utilisées librement par le bénéficiaire ; que Mme X... soutient qu'elle n'a commis aucune manoeuvre et que la rédaction et l'envoi du document terminal résulte d'une erreur ; qu'elle soutient que les contre vérités constatées ne suffisent pas à établir l'existence d'une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 313-1 du code pénal ; que si de simples allégations mensongères ne suffisent pas à caractériser les manoeuvres frauduleuses, elles peuvent constituer l'un des éléments de ces manoeuvres ; qu'or, en l'espèce, Mme X... a fait de fausses déclarations et les a accompagnées de divers faux justificatifs ; qu'ainsi la mention de salariés (MM. Y..., Z..., A...) s'avérait totalement fausse ; de même d'autres personnes (MM. B..., C...) déclaraient ne pas avoir été rémunérées à hauteur de leurs prestations, certaines précisant n'avoir travaillé que trois jours et non seize ; que des prestataires s'avéraient ne pas être intervenus (Telegrip image ressources) ; que Mme D..., secrétaire de production a déclaré avoir constitué les documents destinés au CNC, sur instructions de Mme X... et confirmé que les devis avaient été "gonflés" pour obtenir la subvention ; que Mme X... a, par ailleurs, reconnu avoir elle même signé les comptes définitifs, adressés après la réalisation des prestations, accompagnés des comptes erronés, alors qu'elle avait la qualité de productrice délégué ; que cet ensemble d'éléments caractérise une mise en scène au sens de l'article 313-1 du code pénal ; que certes le préjudice est un élément constitutif du délit d'escroquerie, mais il est caractérisé dès lors que les remises n'ont pas été librement consenties mais l'ont été par des moyens frauduleux ; que, en l'espèce, le versement de la subvention est intervenu sur la base de documents erronés établis en juin 2000 soit alors que les films étaient réalisés, peu important que les sommes aient été versées par le CNC entre les mains de la société Cofiloisirs, laquelle s'était fait céder par Charisma la créance correspondant à la subvention du CNC ; que Mme X... soutient qu'elle n'a pas voulu escroquer le CNC, car les erreurs commises dans la ventilation des frais engagés ne procèdent pas d'une intention de commettre le délit ; que si l'escroquerie est une infraction intentionnelle, la mauvaise foi peut être induite de l'examen du comportement de l'agent ; qu'en l'espèce, il demeure que Mme X... n'ignorait rien des règles d'attribution d'une subvention par le CNC et notamment le fait que cet organisme n'est pas doté d'une structure de contrôle des bénéficiaires et pas davantage que le dossier qu'elle a remis au CNC pour obtenir la subvention ne reflétait pas la réalité du projet qu'elle poursuivait ; qu'elle ne saurait se réfugier derrière "l'impérieuse nécessité d'adresser au CNC des comptes définitifs correspondant aux devis", non plus qu'invoquer les arguments de M. de E...,"expert choisi par Mme X..." ou les déclarations de sa secrétaire, témoins selon lesquels "il serait de pratique courante de présenter des "comptes aménagés" ; qu'en effet, il résulte des déclarations de la prévenue au cours de l'information que si le premier terme de la subvention a été versé au vu de devis qui pouvaient être approximatifs, la subvention définitive l'a été alors que la prestation était réalisée au vu de comptes définitifs que Mme X... a signé en le sachant erronés ; que contrairement à ses engagements, Mme X... n'a produit aucun document justifiant ses dires, qu'ils soient relatifs aux engagements de Bellavista, ou à la fourniture d'une liste de "salariés" par M. B... ; qu'elle affirme, enfin, ne pas s'être "enrichie" et avoir été confrontée à des partenaires déterminés à sa perte, alors que l'escroquerie pour être constituée n'exige pas que les valeurs escroquées aient profitées à l'auteur du délit ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le délit d'escroquerie, du chef duquel Mme X... seule était renvoyée, le tribunal de commerce de Nanterre ayant prononcé le 20 avril 2005, la liquidation judiciaire de la société Charisma films, dont la responsabilité pénale ne pouvait plus être recherchée, apparaît caractérisé ainsi que l'ont retenu les premiers juges ;
"1/ alors que le délit d'escroquerie suppose l'existence de manoeuvres frauduleuses commises, en toute connaissance de cause, dans le but de tromper la victime et de la déterminer à remettre des fonds, des valeurs ou un bien ; qu'en estimant que l'erreur commise par Mme X... dans la rédaction du dossier destiné au CNC consistait en l'élément matériel du délit d'escroquerie, la cour d'appel a méconnu les dispositions des textes visés au moyen ;
"2/ alors, en tout état de cause, qu'en l'absence de fait extérieur ou acte matériel ou intervention de tiers, un simple mensonge ne constitue pas une manoeuvre caractérisant l'escroquerie ; qu'en déclarant Mme X... coupable d'escroquerie, pour avoir uniquement rempli de façon erronée les documents administratifs destinés au CNC, sans constater par ailleurs aucun élément extérieur permettant de donner force et crédit à cette simple erreur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3/ alors qu'en postulant que le dossier remis au CNC a conditionné le versement de la subvention litigieuse, sans déterminer en quoi consistaient les conditions d'attribution de ladite subvention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
"4/ alors que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante ;qu'en jugeant que Mme X... ne « fournit pas d'éléments probants au regard des anomalies relevées », la cour d'appel a fait peser sur le prévenu la charge d'établir la preuve de son innocence en méconnaissance des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Mme X... devra payer au Centre national de la cinématographie au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;