LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s N 10-60173 et P 10-60174 ;
Sur le moyen unique, commun aux pourvois, pris en sa seconde branche :
Vu les principes généraux du droit électoral ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que MM. X... et Y..., délégués syndicaux, ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des élections des membres du conseil d'administration de la Caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale (CMCAS) qui se sont déroulées les 22 et 26 juin 2009, invoquant diverses irrégularités dans le déroulement du scrutin ;
Attendu que pour les débouter de cette demande, le jugement énonce, d'une part, que pour attester de la collecte frauduleuse des codes internet, les demandeurs produisent le tableau des résultats qui révèle un vote très majoritairement effectué par la voie électronique ; que lors du dépouillement, M. X... a émis des réserves sur les résultats au motif que plus de 50 % des votes par correspondance ont été annulés par le vote interne ; que toutefois, la constatation du double vote n'est pas suffisante pour établir la collecte frauduleuse des codes internet ; que s'agissant d'une nouvelle procédure s'adressant à de nombreux retraités, il n'est pas exclu qu'ils aient cru devoir confirmer leur vote par correspondance par un vote électronique ; d'autre part, que pour justifier du caractère frauduleux de cette collecte, les demandeurs démontrent que lors du premier jour du scrutin, cinquante votes ont été envoyés par voie électronique, par l'intermédiaire d'un même poste dans un temps record de 40 minutes ; que toutefois, si cette rafale de votes émanant de la même adresse IP laisse supposer qu'ils ont effectivement été enregistrés par une personne unique détenant les codes internet de plusieurs électeurs, il n'est produit aucun témoignage établissant une remise forcée des codes internet au profit d'un responsable syndical ; que l'aide apportée à un électeur pour exercer son vote par la voie électronique nouvellement instituée, ne peut être qualifiée de frauduleuse tant que la preuve n'est pas rapportée d'une utilisation du bulletin de vote différente de celle qui a été choisie par l'électeur ;
Attendu, cependant, que constituent une cause d'annulation des élections les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral ;
Qu'en statuant comme il a fait, alors que les irrégularités constatées étaient de nature à entacher la loyauté et la sincérité du scrutin, le tribunal a violé les principes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute MM. X... et Y... et le syndicat CFE-CGC de leur demande d'annulation des élections des membres du conseil d'administration de la Caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale, le jugement rendu le 17 février 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Ajaccio ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation prononcée ;
Annule les élections des membres du conseil d'administration de la Caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale qui se sont déroulées les 22 et 26 juin 2009 ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit aux pourvois n°s N 10-60.173 et P 10-60.174 par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. Y... et autre
Il est reproché à la décision attaquée d'avoir débouté Monsieur Jean Robert X... de sa demande d'annulation des élections au conseil d'administration de la Caisse Mutuelle Complémentaire et d'Action Sociale ;
Aux motifs que « l'article 4 du protocole électoral, intitulé «Etablissement et révision des listes électorales », prévoit que la liste des électeurs est établie par le conseil d'administration, en présence des organisations syndicales ne siégeant pas au conseil. Une liste provisoire est affichée et adressée aux organisations syndicales présentes dans l'entreprise ; qu'au vu des réclamations, le conseil d'administration établit une liste définitive en tenant compte des évolutions intervenues dans le statut des électeurs jusqu'au 29 mai 2010 ; qu'il n'est pas contesté que la première phase de cette élaboration a été régulièrement effectuée par l'envoi d'une liste provisoire établie le 13 mai 2010 ; que pour ce qui concerne la liste définitive, le protocole d'accord n'impose pas l'envoi de celle-ci aux différentes organisations syndicales dans la mesure où il est prévu qu'un représentant de chacune d'entre elles est invité à participer à la réunion du conseil fixée pour établir la liste définitive ; que dans le procès-verbal du conseil d'administration du 29 mai 2009, il est mentionné que le président remet aux administrateurs présents la dernière version de la liste qui sera adoptée en séance ; qu'il est précisé que les représentants des organisations syndicales du STC et de la CFE-CGC sont absents ; que c'est la raison pour laquelle ils n'ont pas reçu la liste définitive qu'ils ont découvert le jour du scrutin ; que dès lors que le protocole d'accord n'imposait pas l'envoi de cette liste aux syndicats absents à la réunion du conseil d'administration, les votes des électeurs qui ont été ajoutés dans la liste électorale définitive établie le 29 mai 2009 doivent être validés ; que par ailleurs, l'article 4 du protocole électoral ne prévoit que la mise à disposition des organisations syndicales de la liste comportant simplement les noms et prénoms des électeurs ainsi que leur CMCAS de rattachement. Il ne peut donc être reproché à la CMCAS d'avoir communiqué une liste sans les adresses des intéressés ; que sur les votes par correspondance et par internet : le protocole électoral national établi pour les élections du conseil d'administration des CMCAS institue la possibilité du vote électronique, en parallèle avec le vote par correspondance ; que chaque électeur reçoit le matériel de vote constitué de l'enveloppe porteuse et du porte adresse, d'une part, et d'un code d'accès internet avec les instructions de vote électronique, d'autre part. Pour ce qui concerne ce dernier, le vote peut être effectué à partir de n'importe quel poste ayant accès à internet et il est prévu la mise à disposition de postes avec une connexion au site sécurisé du prestataire pour les électeurs qui le souhaiteraient ; qu'enfin, pour éviter le double vote, il est prévu que le vote internet serait dépouillé en premier et qu'il primerait sur le vote par correspondance ; que pour justifier d'une fraude, les demandeurs produisent une attestation de témoin qui affirme qu'un agent de la CMCAS était venu chez lui récupérer son matériel de vote. Ce témoignage unique ne suffit pas à rapporter l'existence d'une collecte frauduleuse des enveloppes et ce, d'autant que cet électeur affirme qu'il a choisi et mis lui-même les bulletins dans l'enveloppe correspondante ; que pour attester de la collecte frauduleuse des codes internet, les demandeurs produisent le tableau des résultats qui révèle un vote très majoritairement effectué par la voie électronique ; que lors du dépouillement, Monsieur X... a émis des réserves sur les résultats au motif que plus de 50 % des votes par correspondance ont été annulés par le vote interne ; que toutefois, la constatation du double vote n'est pas suffisante pour établir la collecte frauduleuse des codes internet. S'agissant d'une nouvelle procédure s'adressant à de nombreux retraités, il n'est pas exclu qu'ils aient cru devoir confirmer leur vote par correspondance par un vote électronique ; que pour justifier du caractère frauduleux de cette collecte, les demandeurs démontrent que lors du premier jour du scrutin, cinquante votes ont été envoyés par voie électronique, par l'intermédiaire d'un même poste dans un temps record de 40 minutes. Toutefois, si cette rafale de votes émanant de la même adresse IP laisse supposer qu'ils ont effectivement été enregistrés par une personne unique détenant les codes internet de plusieurs électeurs, il n'est produit aucun témoignage établissant une remise forcée des codes internet au profit d'un responsable syndical ; que l'aide apportée à un électeur pour exercer son vote par la voie électronique nouvellement instituée, ne peut être qualifiée de frauduleuse tant que la preuve n'est pas rapportée d'une utilisation du bulletin de vote différente de celle qui a été choisie par l'électeur ; qu'ainsi, l'expertise demandée permettra effectivement d'établir le nombre de votes émis d'un même poste dans des intervalles très réduits mais elle ne permettra pas d'établir l'absence de sincérité des votes ainsi effectués » ;
1/ Alors que, d'une part, les listes électorales doivent être affichées par l'employeur dans un délai de six semaines au moins avant la date de l'élection et que le défaut d'affichage peut constituer une cause d'annulation des élections ; qu'en l'espèce, le juge d'instance a constaté que les syndicats STC et CFE-CGC n'avaient pu prendre connaissance des listes électorales définitives que le jour même du scrutin (jugement, p.7, 1er al.) ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette communication tardive, n'avait pas empêché tout contrôle de la régularité des listes électorales, ainsi que le soutenaient les exposants qui faisaient valoir sans être contredits que des votants ne figuraient pas sur les listes électorales, le Tribunal d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, de l'article 15 du décret d'application n° 83-1160 du 26 décembre 1983 et des articles L.2324-23, R.2324-23 du code du travail, L.116 et L.117 du code électoral ;
2/ Alors que, d'autre part, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement d'un scrutin constituent une cause d'annulation lorsqu'elles ont pu exercer une influence sur le résultat des élections ; qu'en l'espèce, le juge d'instance a constaté l'existence, attestée par l'expert, de plusieurs dizaines de votes électroniques « en rafale » émanant d'un même ordinateur, supposant que lesdits votes « ont été enregistrés par une personne unique détenant les codes internet de plusieurs électeurs » (jugement, p. 8, al. 3) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il y était pourtant invité, si ce procédé n'avait pas nécessairement eu une incidence sur le résultat des élections, le Tribunal d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.2324-23, R.2324-23 du code du travail, L.116 et L.117 du code électoral.