LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 13 janvier 2009) et les pièces de la procédure, que M. X... qui avait été engagé le 10 mars 1976 par la société Mecelec où il exerçait en dernier lieu les fonctions de magasinier, a été licencié le 26 mars 2004 dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique nécessitant l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il a demandé le 25 mai 2004 à bénéficier de la priorité de réembauche ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Mecelec et M. Y..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de cette société à l'égard de laquelle a été ouverte une procédure de sauvegarde, font grief à l'arrêt de condamner celle-là à verser à M. X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que par lettre du 12 mars 2004, la société Mecelec avait proposé au salarié des offres de reclassement écrites et précises compte tenu des possibilités dont elle disposait et qui avaient été recensées dans le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en reprochant à la société d'avoir proposé au salarié les seuls postes recensés dans le plan de sauvegarde de l'emploi, sans constater l'existence d'autres postes disponibles qui n'auraient pas été proposés au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1233-4, L. 1235-1, L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'il appartient à l'employeur, tenu de rechercher les possibilités de reclassement même non prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, de justifier de l'absence d'emploi pouvant être offert au salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la société Mecelec ne justifiait pas avoir recherché s'il existait des possibilités de reclassement de M. X... autres que celles mentionnées dans le plan de sauvegarde de l'emploi qu'il lui avait proposées et qui n'avaient pas permis le reclassement de l'intéressé, n'encourt pas le grief du moyen ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Mecelec et M. Y..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de cette société, font grief à l'arrêt de condamner celle-là à verser à M. X... des dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des termes mêmes de la lettre adressée à M. X..., le 26 mai 2004, par la société Mecelec : "Nous accusons réception de votre courrier recommandé en date du 25 mai 2004, dans lequel vous nous demandez le bénéfice de votre priorité de réembauche dans un poste actuellement disponible d'opérateur polyester en travail de nuit. Nous rappelons que nous avons à plusieurs reprises, y compris dans une période récente, proposé une mutation même provisoire, à l'atelier polyester ; vous avez toujours refusé ces propositions, en rappelant votre avis d'aptitude délivré par le médecin du travail en 1998, vous déclarant inapte à tous postes dont l'environnement est de contenir des poussières. À la suite de la demande que vous venez d'exprimer, nous avons pu contacter le médecin du travail qui nous a confirmé cette inaptitude. Nous sommes au regret de ne pouvoir prendre votre demande en considération" ; qu'il s'évince ainsi des termes clairs et précis de cette lettre que la société Mecelec n'a nullement limité prématurément la priorité de réembauche de M. X..., mais s'est bornée à lui indiquer que cette réembauche ne pouvait se faire dans le poste actuellement disponible d'opérateur polyester en travail de nuit, compte tenu de son inaptitude médicale aux poussières ; qu'ainsi la cour d'appel a dénaturé en violation de l'article 1134 du code civil la lettre de la société Mecelec du 26 mai 2004 ;
2°/ que ne méconnaît pas la priorité de réembauche du salarié licencié pour motif économique, l'employeur qui ne lui propose pas un emploi disponible, mais auquel le salarié a été déclaré précédemment inapte par le médecin du travail ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article L. 1233-45 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié avait demandé à bénéficier de la priorité de réembauche dans un emploi qui était compatible avec sa qualification et que l'employeur, pour refuser de l'engager, s'était fondé sur un avis du médecin du travail émis antérieurement au licenciement de l'intéressé et non à la suite de l'examen d'embauche auquel il aurait dû être soumis ; qu'elle en a exactement déduit, hors toute dénaturation, que l'employeur avait méconnu son obligation de réembauche ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mecelec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mecelec à payer à M. X... la somme de 600 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la société Mecelec et M. Y..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société MECELEC à payer à Monsieur Denis X... la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QU'il était constant que la mesure de licenciement était intervenue dans le cadre de trois restructurations successives, le chiffre d'affaires ayant chuté de 40% avec une perte sur cinq ans de 20 millions d'euros ; que les menaces économiques alléguées étaient bien réelles et la suppression du poste de ce salarié était la conséquence d'une réorganisation de l'entreprise décidée par l'employeur pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que selon l'article L.1233-4 du Code du travail, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie qu'il occupe ou à défaut, sous réserve de l'accord exprès de l'intéressé, sur un emploi de catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que selon le même texte, les offres de reclassement doivent être écrites et précisées individuellement à chaque salarié concerné en sorte qu'il revient à l'employeur de démontrer qu'il a procédé à des démarches actives tendant soit à des efforts de formation et d'adaptation du salarié, soit à une recherche effective de reclassement sur un emploi équivalent ou de catégorie inférieure ; qu'en l'espèce il n'était pas démontré que des recherches effectives et concrètes avaient été effectuées et il n'y avait pas eu de proposition de reclassement précise personnelle et adaptée pour le salarié concerné ; qu'en effet, il avait reçu des propositions de postes qui avaient été envisagées dans le seul cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, adressées à tous le personnel de l'entreprise et qui n'avaient pas été formulées en les personnalisant ou en les adaptant ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement avait pour effet de rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
ALORS QU' il résulte des constatations de la cour d'appel que par lettre du 12 mars 2004, la société MECELEC avait proposé au salarié des offres de reclassement écrites et précises compte tenu des possibilités dont elle disposait et qui avaient été recensées dans le plan de sauvegarde de l'emploi ; et qu'en reprochant â la société d'avoir proposé au salarié les seuls postes recensés dans le plan de sauvegarde, sans constater l'existence d'autres postes disponibles qui n'auraient pas été proposés â l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1233-4, L.1235-1, L.1235-3 et L.1235-4 du Code du travail
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF â l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société MECELEC à payer la somme de 3 276 € â Monsieur X... pour non respect de la priorité de réembauche
AUX MOTIFS QUE Monsieur Denis X... demandait la somme de 3 276 € pour non respect de la priorité de réembauche en soutenant qu'à la suite de sa lettre du 25 mai 2004, l'employeur avait répondu le 26 mai pour lui dire qu'il ne pouvait prendre sa demande en considération car en 1998 il avait été déclaré inapte pour un travail â l'atelier polyester ; qu'ainsi, en limitant, prématurément, l'exercice de cette priorité sans attendre que puissent être disponibles des postes susceptibles de pouvoir correspondre à la qualification de Monsieur Denis X..., l'employeur avait méconnu ses obligations ; qu'il devait être fait droit à cette demande en application de l'article L.1233-45 du Code du travail
ALORS QUE, D'UNE PART, il résulte des termes de la lettre adressée à Monsieur X..., le 26 mai 2004, par la société MECELEC : « Nous accusons réception de votre courrier recommandé en date du 25/05/04, dans lequel vous nous demandez le bénéfice de votre priorité de réembauche dans un poste actuellement disponible d'opérateur polyester en travail de nuit. Nous rappelons que nous vous avons à plusieurs reprises, y compris d ans une période récente, proposé une mutation, même provisoire, à l'atelier polyester ; vous avez toujours refusé ces propositions, en rappelant un avis d'aptitude délivré par le médecin du travail en 1998, vous déclarant inapte à tous postes dont l'environnement est de contenir des poussières. A la suite de la demande que vous venez d'exprimer, nous avons pu contacter le médecin du travail qui nous a confirmé cette inaptitude. Nous sommes donc au regret de ne pouvoir prendre votre demande en considération » ; qu'il s'évince ainsi des termes clairs et précis de cette lettre que la société MECELEC, n'a nullement limité prématurément la priorité de réembauche de Monsieur X..., mais s'est bornée à lui indiquer que cette réembauche ne pouvait se faire dans le poste actuellement disponible d'opérateur polyester en travail de nuit, compte tenu de son inaptitude médicale aux poussières ; et qu'ainsi le cour d'appel a dénaturé en violation de l'article 1134 du Code civil, la lettre de la société MECELEC du 26 mai 2004
ALORS QUE, D'AUTRE PART, ne méconnaît pas la priorité de réembauche du salarié licencié pour motif économique, l'employeur qui ne lui propose pas un poste disponible, mais auquel le salarié a été déclaré précédemment inapte par le médecin du travail ; et qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article L.1233-45 du Code du travail.