LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit (Paris, 10 décembre 2009) que Mme X..., engagée en qualité de dessinateur le 3 juillet 2001 par la société Logic Design (la société), a été licenciée le 20 mars 2007 ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 septembre suivant de diverses prétentions ; qu'à la demande de son avocat, qui disait avoir commis "une erreur sur la compétence géographique" du conseil de prud'hommes, celui-ci a prononcé la radiation de l'affaire, le 16 janvier 2008 ; que toutefois, à la requête de la société, celle-ci a été rétablie en janvier 2009 ; que par jugement du 16 juin 2009 le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit de celui de Boulogne-Billancourt, que la salariée avait, entre-temps, saisi des mêmes demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter le contredit qu'elle a formé après avoir écarté l'existence d'un désistement d'instance et d'ordonner le transfert du dossier au conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en matière de procédure orale, le désistement formulé par écrit, antérieurement à l'audience, produit immédiatement par lui-même son effet extinctif que le juge est tenu de donner acte d'un tel désistement et de constater rétroactivement l'extinction de l'instance, quelle que soit la date à laquelle il rend sa décision ; qu'en refusant de reconnaître que la lettre datée du 15 janvier 2008 du conseil de Mme X... s'analysait comme un désistement ayant produit immédiatement son effet extinctif, au motif qu'aucune décision n'avait constaté un désistement parfait à la date de ladite lettre, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 385, 394 et 395 du code de procédure civile en ajoutant une condition qu'elles ne prévoient pas ;
2°/ qu'en toute hypothèse que constitue un désistement d'instance tout acte du demandeur manifestant une volonté non équivoque de ne pas poursuivre l'instance ; que la cour d'appel a expressément constaté que la lettre du 15 janvier 2008 du conseil de Mme X... manifestait clairement sa volonté d'abandonner la procédure pendante devant la juridiction parisienne – autrement dit l'instance introduite devant cette juridiction – sans pour autant renoncer à toute procédure prud'homale à l'encontre de la société Logic design ; que si la cour d'appel pouvait en déduire l'absence de désistement d'action, elle n'a, en revanche, pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant de reconnaître l'existence d'un désistement d'instance, qui était seule en débat ; que la cour d'appel a ainsi violé les dispositions combinées des articles 394 et 398 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement retenu que la salariée ne s'était pas désistée de l'instance qu'elle avait engagée devant le conseil de prud'hommes de Paris et que la radiation, simple mesure administrative, n'empêchait pas la réinscription de l'affaire au rôle a, à juste titre, rejeté le contredit formé par l'employeur et ordonné le transfert du dossier au conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait, par ailleurs, grief à l'arrêt de la condamner à verser une somme à titre de dommages-intérêts à Mme X..., alors, selon le moyen, que ne peut caractériser un abus du droit d'agir en justice le fait d'exercer les voies de droit tendant à faire supporter par une partie les conséquences de ses erreurs procédurales ; que la société Logic design pouvait légitimement solliciter, en toute connaissance de cause, une réinscription au rôle devant le conseil de prud'hommes de Paris afin de faire constater le désistement d'instance de Mme X..., propre à rendre irrecevable, en raison de la règle de l'unicité d'instance, la nouvelle procédure qu'elle avait postérieurement introduite devant le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt ; qu'en retenant le contraire, au motif impropre que la société Logic design ne pouvait se méprendre sur l'intention qu'avait Mme X... de poursuivre devant une autre juridiction que celle de Paris le litige qui l'opposait à elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, par une décision motivée, et sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a caractérisé l'abus du droit d'agir de la société et l'a condamnée à des dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Logic design aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Logic design à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour la société Logic design.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté le contredit formé par la société LOGIC DESIGN après avoir écarté l'existence d'un désistement d'instance et d'AVOIR dit en conséquence que le Greffier de la Chambre transmettra au Conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le dossier de l'affaire avec une copie de l'arrêt et d'AVOIR condamné la société LOGIC DESIGN à verser à Madame X... la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la lettre du 15 janvier 2008 sollicitant la radiation ne pouvait valoir désistement de Madame X... alors, d'une part, qu'aucune décision n'avait à cette dernière date constaté le désistement parfait de Madame X... et, d'autre part, que le contenu de cette lettre manifestait clairement la volonté de Madame X... d'abandonner, non pas toute procédure prud'homale à l'encontre de la société LOGIC DESIGN, mais seulement, celle pendante devant la juridiction parisienne ; que c'est donc a bon droit, sans méconnaître ni dénaturer les pièces de la procédure, que, dans sa décision du 16 juin 2009, le Conseil de prud'hommes de PARIS a statué sur sa compétence territoriale ;
ALORS QU'en matière de procédure orale, le désistement formulé par écrit, antérieurement à l'audience, produit immédiatement par lui-même son effet extinctif; que le juge est tenu de donner acte d'un tel désistement et de constater rétroactivement l'extinction de l'instance, quelle que soit la date à laquelle il rend sa décision ; qu'en refusant de reconnaître que la lettre datée du 15 janvier 2008 du conseil de Madame X... s'analysait comme un désistement ayant produit immédiatement son effet extinctif, au motif qu'aucune décision n'avait constaté un désistement parfait à la date de ladite lettre, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 385, 394 et 395 du code de procédure civile en ajoutant une condition qu'elles ne prévoient pas ;
ET ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE constitue un désistement d'instance tout acte du demandeur manifestant une volonté non équivoque de ne pas poursuivre l'instance ; que la. Cour d'appel a expressément constaté que la lettre du 15 janvier 2008 du conseil de Madame X... manifestait clairement sa volonté d'abandonner la procédure pendante devant la juridiction parisienne — autrement dit l'instance introduite devant cette juridiction — sans pour autant renoncer à toute procédure prud'homale à l'encontre de la société LOGIC DESIGN ; que si la Cour d'appel pouvait en déduire l'absence de désistement d'action, elle n'a, en revanche, pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant l'existence d'un désistement d'instance, qui était seule en débat ; que la Cour d'appel a ainsi violé les dispositions combinées des articles 394 et 398 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné la société LOGIC DESIGN à verser à Madame X... la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE il ne peut être fait grief à la société LOGIC DESIGN d'avoir tenté d'obtenir du Conseil de prud'hommes de PARIS qu'il constate un prétendu désistement de Madame X..., sachant qu'en vertu du principe de l'unicité d'instance, un tel désistement équivaut, en matière prud'homale, à un désistement d'action ; qu'il apparaît, toutefois, en l'espèce, que cette demande a été présentée alors que la société LOGIC DESIGN, d'une part, avait, elle-même, sollicité la réinscription au rôle de la juridiction parisienne, a ta seule fin de voir constater le désistement de Madame X... ; que, d'autre part, la société savait pertinemment, lors de cette demande de réinscription au rôle, que Madame X... avait porté la procédure à son encontre devant le Conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT et ne pouvait donc se méprendre sur l'intention qu'avait la salariée de poursuivre, devant une autre juridiction que celle de PARIS, le litige qui l'opposait à elle ; qu'ainsi la société LOGIC DESIGN a agi avec une singulière malice qui excède l'habileté procédurale pour confiner à la manoeuvre déloyale au regard de son adversaire, voire du juge ; que cette particulière mauvaise foi a été cause pour Madame X... d'une péripétie procédurale supplémentaire, inutile, qui justifie, en son principe, la demande de dommages et intérêts présentée par l'intéressée, et en pratique, une indemnité de 1.000 €, que la Cour estime suffisante pour réparer le préjudice de Madame X... ;
ALORS QUE ne peut caractériser un abus du droit d'agir en justice le fait d'exercer les voies de droit tendant à faire supporter par une partie les conséquences de ses erreurs procédurales ; que la société LOGIC DESIGN pouvait légitimement solliciter, en toute connaissance de cause, une réinscription au rôle devant le Conseil de prud'hommes de Paris afin de faire constater le désistement d'instance de Madame X..., propre à rendre, irrecevable, en raison de la règle de l'unicité d'instance, la nouvelle procédure qu'elle avait postérieurement introduite devant le Conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT ; qu'en retenant le contraire, au motif impropre que la société LOGIC DESIGN ne pouvait se méprendre sur l'intention qu'avait Madame X... de poursuivre devant une autre juridiction que celle de PARIS le litige qui l'opposait à elle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;