LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jean-Marie X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures Camille et Marie, parties civiles-La compagnie d'assurances AGF devenue Allianz, partie intervenante ; contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 16 décembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre, notamment, MM. Didier Y... et Patrick Z... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande, en défense et en réplique ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mme Sophie X... est décédée d'une hémorragie de la délivrance à la Clinique Sainte-Isabelle de Neuilly-sur-Seine, après avoir donné naissance à sa fille Marie ; qu'à la suite de la plainte de son époux, M. Z..., gynécologue-obstétricien, et M. Y..., anesthésiste-réanimateur, ont été renvoyés par le juge d'instruction devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire ; que la société CLIMAREP, société d'exploitation de la clinique, a également été renvoyée devant le tribunal pour avoir involontairement causé la mort de Mme Sophie X... en s'étant abstenue de mettre en place une organisation efficiente assurant la continuité du suivi, de la prise en charge médicale et des soins et garantissant la sécurité médicale des patients ; que le tribunal les a tous trois déclarés coupables du délit et a statué sur les réparations civiles ;
Attendu que, sur l'appel des prévenus, la cour d'appel, par arrêt du 28 mai 2009, a confirmé la déclaration de culpabilité des deux médecins, relaxé la société CLIMAREP et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure sur les réparations comme sur les exceptions soulevées par la compagnie Allianz et la Mutuelle d'assurances du corps de santé français, assureurs appelés pour la première fois en cause d'appel par M. Z... ; que les deux médecins ont formé un pourvoi contre cet arrêt ;
Attendu que la Cour de cassation a cassé avec renvoi, par arrêt du 15 juin 2010, l'arrêt de la cour d'appel du 28 mai 2009, en ses seules dispositions concernant MM. Y... et Z... ;
Attendu qu'antérieurement à cette dernière décision, la cour d'appel avait prononcé sur les intérêts civils par l'arrêt attaqué ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour les consorts X..., pris de la violation des articles 1382 et 1383 du code civil, 4-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement ayant retenu la responsabilité civile de la société CLIMAREP ;
" aux motifs que l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens des articles 221-7, alinéa 1er, et 221-6 du code pénal, de la société CLIMAREP, clinique Ste-Isabelle, personne morale, ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du code civil si l'existence de la faute civile est établie ; qu'en l'espèce, la société CLIMAREP Clinique Ste-Isabelle, soutient qu'aucune faute ne saurait être retenue contre elle, que le praticien a une indépendance professionnelle, que la clinique ne peut être responsable des choix thérapeutiques ou des fautes commises dans l'exercice de leur art, par les médecins libéraux, que les deux praticiens n'ont pas avisé leurs confrères de leur départ de la clinique, qu'à partir du moment où Mme A... a donné l'alerte, le système s'est immédiatement mis en place et que le docteur B... est intervenu sur le champ, que la clinique a été relaxée, que le décès de Mme X... n'est pas dû à une désorganisation de la clinique, mais à la négligence des médecins libéraux et/ ou au retard apporté par Mme A..., sage-femme libérale, pour donner l'alerte, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée du fait d'un non-respect dans la réglementation en vigueur, qu'aucun des dysfonctionnements relevés dans le rapport de l'ARH ne peut avoir de lien causal avec le décès de Mme X..., qu'il ne peut lui être reproché un défaut dans l'organisation de la continuité des soins, que dans la journée, le praticien assure lui-même la continuité des soins pour les patients ; que M. X... objecte que la relaxe de la clinique prononcée en cause d'appel est sans incidence sur sa responsabilité civile, que le fondement invoqué contre la clinique est un fondement délictuel, qu'il entend démontrer l'existence de fautes civiles de la part de la clinique, engageant sa responsabilité civile : manquements dans l'organisation permettant de faire face à tout moment à une complication liée à l'intervention ou à l'anesthésie effectuées (garde de jour), non-respect de l'article D. 712-40 de la santé publique, la continuité des soins n'a pas été assurée de manière effective par le Dr Z..., directeur médical salarié, qu'aucun dossier médical n'existait contrairement aux dispositions de l'article D. 712-50 du code de la santé publique, que postérieurement au décès de son épouse, le fonctionnement de la clinique a été revu ; que, dans son arrêt, en date du 28 mai 2009, devenu définitif à l'encontre de la société CLIMAREP, la cour d'appel, pour relaxer la clinique, a considéré qu'aucun lien direct ne peut être établi entre des manquements de la clinique et le décès de Mme X... ; que du fait de la relaxe prononcée, aucune faute délictuelle ne saurait être retenue contre la clinique ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures Camille X... et Marie X... et déclaré MM. Z..., et Y..., responsables de son préjudice ; que, toutefois, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré la clinique responsable du préjudice subi par M. X... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures Camille X... et Marie X... ;
" alors que la relaxe prononcée par l'arrêt du 28 mai 2009 pour absence de lien direct entre des manquements de la clinique et le décès de Mme X... l'a été en considération des manquements constitutifs d'une faute pénale et de la conception étroite du lien de causalité en droit pénal ; que saisie de l'action civile, la cour d'appel avait, en dépit de cette relaxe, l'obligation de rechercher si la clinique n'avait pas commis une faute civile au sens de l'article 1383 du code civil et s'il existait, au sens du droit civil, un lien de causalité entre cette faute et le dommage ; qu'en retenant que du fait de la relaxe prononcée, aucune faute délictuelle ne saurait être retenue contre la clinique et en refusant de rechercher l'existence d'une faute civile et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice, la cour d'appel a violé l'article 4-1 du code de procédure pénale " ;
Attendu que le moyen est inopérant, dès lors que la demande de réparation en application des règles du droit civil, qui n'avait pas été formée avant la clôture des débats ayant précédé l'arrêt du 28 mai 2009, qui a relaxé la société CLIMAREP et n'a pas été frappé de pourvoi par les parties civiles, était irrecevable ;
Mais sur le moyen d'annulation, proposé pour la société Allianz, pris de la violation des articles 593 et 609 du code de procédure pénale, perte de fondement juridique ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Allianz lard de son exception de nullité de la police d'assurance et de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription et dit qu'elle devait sa garantie à M. Z... ;
" alors que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 28 mai 2009, en ses dispositions pénales relatives à M. Z..., par arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 juin 2010 (pourvoi n° 09-84. 081), doit entraîner l'annulation, par voie de conséquence, de toutes les décisions qui en sont la suite ou la conséquence nécessaire. dont l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 16 décembre 2009 " ;
Attendu que l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel du 28 mai 2009, en ses dispositions pénales concernant MM. Y... et Z..., doit entraîner celle de tout ce qui a été la suite et les conséquences de cette décision et notamment celle de l'arrêt de la même cour d'appel du 16 décembre 2009, en ses dispositions concernant la société Allianz, assureur mis en cause par M. Z... ;
Qu'en raison du principe de l'indivisibilité des voies de recours instituées par les articles 388-3 et 509 du code de procédure pénale, l'annulation doit produire effet tant dans les rapports entre l'assureur, demandeur au pourvoi, et les parties civiles, que dans ceux entre l'assuré et les parties civiles ;
Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, l'annulation aura effet à l'égard de M. Y... et la Mutuelle d'assurances du corps de santé français (MACSF), qui ne se sont pas pourvus ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 décembre 2009, mais en ses seules dispositions relatives à MM. Z... et Y... et aux assureurs MACSF et AGF devenue la compagnie Allianz, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentées par M. Z... ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. Jean-Marie X..., agissant en son nom personnel et es qualités de représentant légal de Camille et Marie X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;