LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 206 de la loi n° 53-1332 du 15 décembre 1952 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 19 mars 2007 la société Tilt a saisi le tribunal du travail de Mayotte de diverses demandes à l'encontre de M. X... qu'elle avait licencié pour faute grave le 15 novembre 2006 ; qu'il a été statué sur ces demandes par jugement réputé contradictoire du 4 janvier 2008, signifié au salarié le 16 juillet, et dont il a relevé appel le 26 juillet ;
Attendu que, pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 206 de la loi du 15 décembre 1952 que le délai d'appel est de quinze jours à compter du prononcé du jugement et qu'aucune mention de la loi n'écarte l'application de ces dispositions pour les jugements réputés contradictoires ;
Attendu cependant, que le délai pour former appel ayant pour point de départ le prononcé du jugement ne peut commencer à courir qu'autant que la date à laquelle il devait être rendu a été portée à la connaissance des parties ;
Et attendu que le tribunal supérieur d'appel qui a constaté que l'affaire avait été plaidée le 5 octobre 2007 devant le tribunal du travail en l'absence de M. X..., et que le jugement réputé contradictoire en date du 4 janvier 2008 n'avait été porté à sa connaissance que par la signification qui lui en a été faite le 16 juillet 2008 par la société, en sorte que le délai d'appel n'avait pu commencer à courir qu'à compter de cette date, a violé par fausse application le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner le salarié au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, le tribunal supérieur d'appel relève que les sept courriers qui lui avaient été adressés par l' employeur ou par le tribunal du travail étaient revenus à leur expéditeur avec la mention "non réclamé", qu'il était permis de penser que compte tenu des circonstances ayant entouré son départ précipité de Mayotte, il pouvait connaître les motifs de ces courriers ou, tout au moins, l'identité de leurs expéditeurs, qu'il avait délibérément choisi de ne pas se manifester et qu'il n'avait réagi que lorsque la société Tilt lui avait signifié le jugement, pour pouvoir le mettre à exécution ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute de l'appelant de nature à faire dégénérer en abus son droit d'ester en justice et de relever appel d'une décision rendue en son absence, le tribunal supérieur d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2009, entre les parties, par le tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité de l'appel ;
Déclare l'appel recevable ;
Renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion pour qu'il soit statué au fond ;
Condamne la société Tilt aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par Mme Lambremon, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile en l'audience publique du deux février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel interjeté par Monsieur X... du jugement du tribunal du travail de Mamoudzou du 4 janvier 2008 et d'avoir condamné Monsieur X... à payer la somme de 2.500 euros à la société TILT à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU' il résulte de l'article 206 de la loi du 15 décembre 1952 que, dans les quinze jours du prononcé du jugement, appel peut être interjeté dans les formes prévues à l'article 190 ; qu'aucune mention dans la loi susvisée n'écarte l'application des dispositions de l'article 206 pour les jugements « réputés contradictoires » ; qu'en l'espèce, la nature réputée contradictoire du jugement rendu le 4 janvier 2008 est établie et non contestée ; qu'il résulte en effet des éléments du dossier que ce jugement est intervenu en l'absence de Monsieur X... et ce après l'envoi de quatre convocations par courriers recommandés avec accusé de réception ; qu'il est constant que ces courriers, en plus de ceux envoyés antérieurement par son employeur, ont tous été retournés à l'expéditeur avec la mention «non réclamé » ; qu'il est acquis que l'adresse à laquelle les envois ont été réalisés est l'adresse habituelle de Monsieur X... ; que ce dernier ne peut valablement arguer de difficultés relatives à la bonne réception de son courrier dès lors que pas moins de sept courriers au total lui ont été adressés tous revenus avec la mention « non réclamé » ; qu'en outre, la signification réalisée par voie d'huissier à la diligence de la société TILT à la même adresse l'a bien touché ; qu'en ne réclamant pas ses courriers recommandés, Monsieur X... s'est lui-même placé dans une situation qu'il ne peut aujourd'hui valablement dénoncer ; que les arguments développés tenant à l'irrespect des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et du principe de l'exercice d'un droit de recours ne sauraient prospérer dès lors que, régulièrement placé en situation de faire valoir ses moyens de défense, il n'a volontairement pas donné suite en s'abstenant de récupérer ses courriers ; qu'il n'a en outre nullement été privé d'un droit de recours, ce droit de recours étant seulement et classiquement encadré dans des délais ; que l'appel par lui interjeté le 29 juillet 2008 ne peut être considéré comme la voie de recours ouverte consécutivement à la signification du 16 juillet 2008 dès lors que cette signification a été réalisée à la requête de la société TILT comme préalable à la mise à exécution de sa créance ; que l'appel de Monsieur X... interjeté le 29 juillet 2008 doit être considéré comme irrecevable ;
ALORS QUE le délai d'appel d'un jugement du tribunal du travail, institué par la loi n°52-1322 du 15 décembre 1952, court, lorsque ce jugement est seulement réputé contradictoire, à compter de la signification qui en est faite à la partie non comparante ; qu'en jugeant néanmoins que le délai d'appel du jugement réputé contradictoire du tribunal du travail de Mamoudzou rendu le 4 janvier 2008 avait couru, à l'égard de Monsieur X..., non comparant, dès le prononcé de ce jugement, tandis que Monsieur X... n'avait pas été informé de la date du prononcé, le tribunal supérieur d'appel a violé les articles 473 du Code de procédure civile, 203 et 206 de la loi du 15 décembre 1952, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ET AUX MOTIFS QUE sept courriers ont été envoyés à Monsieur X... à son adresse en métropole, par son employeur ou la juridiction du droit du travail, systématiquement par lettres recommandées avec accusé de réception (mise en demeure du 8/02/2006, convocation à l'entretien préalable du 30/06/2006, notification du licenciement du 15/11/2006, convocations du tribunal pour les audiences des 1er juin 2007, 6 juillet 2007, 7 septembre 2007 et 5 octobre 2007) ; que tous ces envois sont revenus à leur expéditeur avec la mention « non réclamé » ; que seul l'envoi, par courrier simple, du jugement lui-même n'a pas été suivi de retour ; qu'il est permis de penser, compte tenu des circonstances ayant entouré son départ précipité de l'île, que Monsieur X... pouvait connaître les motifs de ces courriers ou, tout au moins, l'identité des expéditeurs ; qu'il a pour autant délibérément choisi de ne pas se manifester ; que seule la signification du jugement, effectuée par acte d'huissier, à la diligence de la société TILT comme préalable à la mise en recouvrement de sa créance, a provoqué une réaction de Monsieur X..., lequel a immédiatement adressé un courrier simple au tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou en déclarant vouloir interjeter appel du jugement l'ayant condamné ; que l'ensemble de ces éléments suffit à caractériser sa mauvaise foi ; que Monsieur X... ne peut en ouvre ignorer que son recours paralyse la mise à exécution de la créance de la société TILT ; qu'en conséquence il y a lieu de le condamner à verser à la société TILT la somme de 2.500 euros ;
ALORS QUE l'appel d'un jugement n'est fautif que s'il dégénère en abus ; que tel n'est pas le cas lorsque l'appelant, non informé de la date du prononcé, s'est borné à former appel à compter de la signification du jugement réputé contradictoire ; qu'en décidant le contraire, en se fondant sur des motifs inopérants relatifs au fait que des courriers antérieurs au prononcé du jugement avaient été retournés à l'expéditeur, à la supposition de la connaissance de leur contenu et de leur expéditeur par Monsieur X... et à l'effet suspensif de l'appel, le tribunal supérieur d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.